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dans le sentier de vos préceptes[1] ». Je les ai ramenés de mes voies qui m’ont déplu, et je les ai fait marcher dans vos préceptes qui seront leur sentier. Dans plusieurs exemplaires, on ne lit point : « Parce que j’ai réfléchi », comme dans quelques-uns, mais simplement : « j’ai réfléchi ». Cette phrase encore : « J’ai détourné mes pieds », se lit ailleurs : « Parce que j’ai réfléchi et que vous avez détourné mes pieds », pour attribuer plutôt à la grâce de Dieu une telle conversion, selon cette parole de l’Apôtre : « C’est Dieu qui agit en vous[2] » ; c’est à lui que l’on dit : « Détournez mes yeux afin qu’ils ne voient point la vanité ». Si donc il détourne les yeux afin qu’ils ne voient point la vanité, pourquoi ne détournerait-il pas les pieds de peur qu’ils ne s’égarent ? C’est encore pour cela qu’il est écrit : « Mes yeux sont toujours fixés sur le Seigneur, parce qu’il détournera tues pieds des embûches[3] ». Mais qu’on lise : vous avez détourné mes pieds, ou bien j’ai détourné mes pieds, nous ne pouvons le faire que par celui dont le Prophète a imploré la présence de tout son cœur, et à qui il a dit : « Ayez pitié de moi, selon votre parole », c’est-à-dire selon votre promesse. Car ce sont les fils de la promesse qui composent la postérité d’Abraham[4].
3. Enfin, après avoir obtenu ce bienfait de la grâce : « Je suis prêt », dit le Prophète, « et rien ne une trouble dans l’accomplissement de vos préceptes[5] ». Quelques-uns ont traduit : « Pour garder vos préceptes » ; d’autres, « afin de garder » ; d’autres encore, « à garder », d’après le grec tou phulaxastai.
4. Pour montrer combien il est prêt à garder les préceptes du Seigneur, le Prophète ajoute : « Les filets des pécheurs m’ont environné, mais je n’ai point oublié votre loi[6] ». Ces filets des pécheurs sont les obstacles des ennemis, soit spirituels, comme le diable et ses anges, soit charnels, comme les incrédules, en qui le démon agit comme il lui plaît[7]. Car ces funes peccatorum du latin, ne signifient point filets des péchés, mais bien filets des pécheurs, comme on le voit par le grec[8]. Quand par leurs menaces ils effraient les justes, et les détournent de souffrir pour la loi de Dieu, ils les environnent de leurs filets, et les retiennent, pour ainsi dire, de leurs cordes. Ils traînent en effet leurs péchés comme une longue chaîne[9], dont ils s’efforcent de garrotter les saints, et quelquefois Dieu le permet. Mais enlacer le corps ce n’est point enlacer l’âme, puisque notre interlocuteur n’a point oublié la loi de Dieu, et en effet la parole de Dieu n’est point enchaînée[10].
5. « Au milieu de la nuit », dit le Prophète, « je me levais pour vous rendre témoignage, à cause des jugements de votre justice[11] ». Car c’est par un jugement de la justice divine que les liens des pécheurs environnent le juste. C’est ce qui a fait dire à l’apôtre saint Pierre que voici le temps auquel « Dieu doit commencer son jugement par sa propre maison. Et s’il commence par nous », dit-il, « quelle sera la fin de ceux qui ne croient point à l’Évangile ? Et si le juste à peine est sauvé, que deviendront le pécheur et l’impie[12] ? » Or, il parlait ainsi des persécutions qu’endurait l’Église, quand les filets des pécheurs l’environnaient de toutes parts. Dès lors, par milieu de la nuit, on doit entendre, je crois, le plus terrible moment de la persécution. « Je me levais », dit l’interlocuteur, parce que la persécution l’affligeait, sans l’abattre ; elle l’exerçait au contraire et le faisait lever : c’est-à-dire que la tribulation lui donnait des forces pour confesser le Seigneur avec plus de courage.
6. Mais commue tout cela ne s’opère qu’au moyen de la grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur, voilà que tians cette prophétie le Sauveur va joindre sa voix à la voix de son corps mystique. Car c’est bien le chef, je crois, que nous entendons dans ces paroles : « Je u suis associé à tous ceux qui vous craignent et u qui gardent vos préceptes[13] ». Ainsi qu’il est marqué dans l’Epître aux Hébreux : « Celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés viennent tous d’un seul. C’est pourquoi il ne rougit point de les appeler ses frères ». Et un peu après : « Comme donc les enfants sont revêtus de chair et de sang, lui-même aussi en a été revêtus[14] ». Mais qu’est-ce dire autre chose sinon qu’il leur est associé ? Nous ne pourrions en effet participer à sa divinité, si lui-même ne participait à notre nature mortelle. Dans un autre endroit de l’Évangile cette participation à la divinité est ainsi énoncée : « Il a donné le pouvoir de devenir enfants

  1. Ps. 118,58-59
  2. Phil. 2,13
  3. Ps. 24,15
  4. Rom. 9,8-9
  5. Ps. 118,60
  6. Id. 61
  7. Eph. 2,2
  8. Amartolon
  9. Isa. 5,18
  10. 2 Tim. 2,9
  11. Ps. 118,62
  12. 1 Pi. 4,17-18
  13. Ps. 118,63
  14. Héb. 2,11-14