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par la futilité des Grecs ? Cette expression en effet, nimis, trop, exprime tout ce qui dépasse le nécessaire. Le peu et le trop sont deux opposés. Peu est au-dessous du nécessaire, et trop est au-dessus. Entre ces deux extrêmes, on peut intercaler assez. Or, comme il est très utile pour régler notre vie et nos mœurs de ne rien faire au-delà du nécessaire, nous devons adopter comme expression de la vérité cet adage : Rien de trop, et non le rejeter comme faux. Mais souvent la langue latine abuse de cette expression, et souvent, dans les saintes Écritures, « trop » signifie beaucoup, et dans nos sermons nous lui donnons le même sens. Ici en effet : « Vous avez ordonné que l’on gardât vos commandements à l’excès », l’expression à l’excès ou trop, signifie complètement. Nous disons aussi : Je vous aime trop, en parlant à quelqu’un qui nous est cher, non que nous l’aimions plus qu’il ne faut, mais seulement pour exprimer une grande affection. Enfin, dans la maxime grecque, on ne lit point l’expression que nous trouvons ici ; cette maxime porte agan qui signifie trop : tandis qu’il y a ici sphodra, qui signifie beaucoup. Mais, comme nous l’avons dit, on trouve l’expression nimis, trop, qui a ici le sens de valde, beaucoup, et nous la répétons en ce sens. De là ’vient que plusieurs exemplaires latins, au lieu de nimis portent valde: « Vous avez ordonné que l’on gardât vos ordonnances parfaitement ». Dieu donc l’a parfaitement ordonné, et ses préceptes doivent être parfaitement accomplis.
2. Mais voyez ce qu’ajoute l’humble piété ou la pieuse humilité, et la foi qui n’est point oublieuse de ses bienfaits « Puissent mes voies se redresser, afin que j’obéisse à vos décrets »[1]. Quant à vous, Seigneur, vous avez ordonné, mais puissiez-vous m’accorder de faire ce que vous avez ordonné. Cette expression « puissent » doit te désigner un désir, et devant un désir tu dois déposer tout orgueilleuse présomption. Comment exprimer le désir de ce qui serait tellement au pouvoir de notre libre arbitre, que nous pourrions l’obtenir sans aucun secours ? Si donc l’homme souhaite ce que Dieu ordonne, il doit demander à Dieu qu’il nous fasse accomplir ses préceptes. De qui pourrions-nous l’obtenir, sinon de celui qui est u le Père des lumières, de qûi nous u viennent toute grâce excellente et tout don « parfait[2] », comme le dit l’Écriture ? Mais à l’encontre de ceux qui s’imaginent que le secours divin, pour accomplir toute justice, se borne à nous faire connaître les préceptes du Seigneur, en sorte que ces préceptes une fois connus, s’accomplissent, sans aucune grâce de Dieu, mais par les seules forces de notre volonté, le Prophète ne désire le redressement de ses voies pour accomplir les préceptes divins, qu’après avoir appris ces mêmes préceptes, par le divin législateur. Car c’est dans ce dessein qu’il dit tout d’abord : « C’est vous qui avez ordonné que l’on gardât vos préceptes d’une manière parfaite ». Or, vos préceptes sont saints, justes et bons ; mais à l’occasion de ce qui est bon, le péché me cause la mort[3], si je n’ai le secours de votre grâce : « Puissent dès lors mes voies se redresser, afin que je garde vos décrets ».
3. « Je ne serai point couvert de confusion, tant que je serai attentif à tous vos préceptes[4] ». Qu’on lise ou qu’on repasse dans sa mémoire les commandements de Dieu, il faut les regarder comme un miroir, selon cette parole de l’apôtre saint Jacques : « Si quelqu’un écoute la parole, sans l’accomplir, il ressemble à un homme qui regarde sa face dans un miroir ; il s’est regardé et il s’en va, oubliant à l’heure même ce qu’il était ; mais l’homme qui inédite la loi parfaite, la loi de liberté, e n’écoutant pas seulement pour oublier aussitôt, mais faisant ce qu’il écoute, celui-là sera heureux en ses œuvres[5] ». Voilà ce que veut être notre interlocuteur, regarder les préceptes de Dieu comme dans un miroir, afin de n’être point confondu : il ne veut point seulement les entendre, mais encore les accomplir. C’est pour cela qu’il redresse ses voies, afin de garder les commandements de Dieu, Comment les redresser, sinon par la grâce de Dieu ? Autrement il n’aurait point dans la loi de Dieu un sujet de joie, mais un sujet de confusion, s’il étudiait les préceptes sans les pratiquer.
4. « Je vous confesserai, ô mon Dieu, dit le Prophète, dans la droiture de mon cœur, quand j’aurai appris les jugements de votre justice[6] ». Ce n’est point là une confession de péché, mais une confession de louange, dans le même sens que parlait celui qui était sans péchés et qui disait : « Je vous confesse, ô mon Père,

  1. Ps. 118,5
  2. Jac. 1,17
  3. Rom. 7,12-13
  4. Ps. 118,6
  5. Jac. 1,23-25
  6. Ps. 118,7