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PREMIER DISCOURS SUR LE PSAUME 118

LE VRAI BONHEUR.

Le psaume débute par une invitation au bonheur dont le désir nous est naturel et que nous recherchons même par le péché, quoique ce bonheur ne consiste qu’à marcher dans la voie de Dieu, à nous attacher à lui. Étudier les témoignages de Dieu pour vivre plus saintement, c’est une perfection ; les étudier pour la science en elle-même, ce n’est point chercher le Seigneur de manière à devenir juste. Toutefois le bonheur dans la recherche de Dieu, n’est ici-bas qu’une espérance, comme celui qui consiste à souffrir persécution pour la justice.

AVANT-PROPOS.

Jusqu’ici, avec le secours de Dieu, j’ai expliqué soit en parlant au peuple, soit en dictant, et autant que je l’ai pu, tous les psaumes que nous savons renfermés dans le livre des psaumes, et que l’Église appelle communément le psautier. Mais pour le psaume cent-dix-huitièmes, j’en différais l’explication moins encore à cause de sa longueur, qu’à cause de sa profondeur accessible au petit nombre seulement. Mes frères, néanmoins, voyant avec peine que dans mes ouvrages et en ce qui regarde l’explication des psaumes, celui-ci manquait seul, et me pressant vivement d’acquitter ma dette, j’ai différé longtemps de me rendre à leurs prières et à leurs instances ; car toutes les fois que je m’en occupais, je trouvais la tâche au-dessus de mes forces. Plus il paraît clair, en effet, et plus j’y trouvais de profondeur ; au point que cette profondeur même échappait à mes démonstrations. Dans les autres qui sont difficiles à comprendre, bien que l’obscurité nous en dérobe le sens, on voit au moins qu’ils sont obscurs ; mais ici l’obscurité n’est pas même apparente : à la surface il nous paraît facile au point de n’avoir aucun besoin d’interprète, mais seulement d’un lecteur et d’un auditeur. Et maintenant que j’entreprends enfin ce travail, j’ignore complètement si je pourrai l’achever ; je compte néanmoins sur le secours de Dieu qui m’aidera à en expliquer quelque chose. C’est ainsi qu’il m’a aidé, quand j’ai interprété d’une manière suffisante quelques passages qui m’avaient paru d’abord difficiles et en quelque sorte impossibles à comprendre et à expliquer. J’ai résolu de traiter le psaume dans des discours prêchés au peuple, discours que les Grecs appellent homélies. C’est la manière qui me paraît la plus convenable, afin que les réunions des fidèles ne soient point privées de l’intelligence d’un psaume qu’elles entendent chanter avec joie comme tous les autres. Mais terminons ici cet avis, et parlons du psaume auquel nous avons cru devoir ces préliminaires.


1. Ce long psaume, dès le commencement, mes frères bien-aimés, nous convie au bonheur, que nul ne s’abstient de désirer. Pourrait-on, en effet, a-t-on pu, et pourra-t-on jamais rencontrer un homme qui n’aspire point au bonheur ? À quoi bon, dès lors, nous stimuler pour un bien que le cœur humain convoite si naturellement ? Quiconque en stimule un autre, ne se propose que d’activer sa volonté, de la pousser vers l’objet qu’il exhorte à désirer. Pourquoi donc nous engager à vouloir ce qu’il nous est impossible de ne vouloir point, sinon parce que tout homme à la vérité désire le bonheur, mais beaucoup ignorent de quelle manière on y arrive ? Aussi le Psalmiste nous l’enseigne-t-il, en disant : « Heureux les hommes irréprochables dans leur voie, qui marchent dans la loi du Seigneur »[1]. Comme s’il nous disait O homme, je connais ton désir, tu cherches le bonheur : si donc tu veux être heureux, sois pur d’abord. Tous veulent du bonheur, mais peu veulent de cette pureté sans laquelle on ne saurait parvenir à ce bonheur convoité par tous. Mais où donc l’homme peut-il être sans tache, sinon dans sa voie ? Et quelle est cette voie, sinon la loi du Seigneur ? Cette parole dès lors : « Bienheureux les hommes irréprochables dans leur voie, qui marchent dans la loi du Seigneur », n’est plus une parole

  1. Ps. 118,1