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maris, non pas simultanément, mais successivement. Pour favoriser l’accroissement du peuple, la loi ordonnait que si un homme venait à mourir sans enfants, son frère, s’il en avait, Épouserait sa veuve, afin de susciter des enfants à son frère[1]. Ils proposèrent donc une femme qui avait eu sept maris, tous morts sans enfants, et qui n’avaient Épouse cette veuve de leur frère, que pour accomplir ce devoir, et firent alors cette question : « A la résurrection, duquel des sept sera-t-elle la femme[2] ? » Assurément, cette question n’eût été pour les Juifs ni insoluble, ni même difficile, s’ils n’avaient pas espéré après la résurrection le même genre de biens qu’en cette vie. Mais le Seigneur en leur promettant d’être comme les anges, et non point dans la corruption d’une chair humaine, leur dit : « Vous êtes dans l’erreur, ne sachant ni les Écritures, ni la puissance de Dieu ; à la résurrection, les hommes n’auront point de femmes, ni les femmes de maris, ils ne seront plus assujettis à la mort, mais ils seront comme les anges de Dieu[3] ». Il leur montre qu’il y a besoin de succession, là seulement où il y a des décès à pleurer ; mais qu’il n’est plus besoin de successeurs quand il n’y a point de décès. C’est pour cela qu’il ajoute : ils ne seront plus assujettis à la mort. Toutefois, comme les Juifs croyaient à la résurrection future, quoique d’une manière charnelle, ils furent heureux de cette réponse faite aux Sadducéens, avec lesquels ils étaient en dispute au sujet de cette question captieuse et obscure. Donc les Juifs croyaient à la résurrection des morts ; et ils espéraient qu’eux seuls ressusciteraient pour la vie heureuse, à cause de l’œuvre de la loi, à cause de la justification des saintes Écritures, qu’ils possédaient seuls, à l’exclusion des Gentils. « Le Christ a été crucifié, l’aveuglement est tombé sur une partie d’Israël, jusqu’à ce que la plénitude des nations entrât dans l’Église[4] » : ainsi dit l’Apôtre. Or, la résurrection fut promise aux Gentils, quand ils crurent à la résurrection de Jésus-Christ. De là vient que notre psaume combat cette orgueilleuse présomption des Juifs, et célèbre la foi des Gentils appelés à la même espérance de résurrection.
2. Voilà, mes Frères, eu quelque manière le sens du psaume. Arrêtez votre attention sur le peu que j’ai dit et que je viens d’exposer ; ne vous en laissez détourner par aucune autre pensée : le psaume contredit la présomption des Juifs, qui se basaient sur les justifications de la loi, et ont crucifié Jésus-Christ, lequel est ressuscité le premier, et les Juifs seront les seuls de ses membres qui ne ressusciteront point avec lui, mais tous ceux qui ont cru en lui, c’est-à-dire les Gentils. Voici comme il commence : « Sonnez de la trompette au Seigneur[5] » Qui sonnera ? « Toute la terre ». Donc la Judée ne sera point seule. Voyez, mes Frères, comme il est question de l’Église entière répandue dans l’univers ; et non seulement plaignez les Juifs, qui enviaient cette faveur aux Gentils, mais pleurez encore plus sur les hérétiques. Car s’il faut plaindre ceux qui ne sont point amenés au bercail, combien plus encore ceux qui n’y sont venus que pour en sortir ? « Que toute la terre donc sonne de la trompette au Seigneur ». Qu’est-ce à dire : « Sonnez de la trompette ? » Poussez des cris de joie, si les paroles vous manquent. Les paroles ne vont point dans la trompette, mais seulement les sons joyeux ; c’est le cœur qui déborde, qui jette sa joie au-dehors, avec de simples cris que nulle parole ne peut rendre. « Que toute la terre sonne de la trompette au Seigneur : que nul ne se fasse entendre sur une partie seulement. Non dis-je, que nul ne divise la terre ; que la terre entière soit dans la joie, que cette joie soit catholique. Dire catholique, c’est dire universelle : quiconque divise se sépare du tout ; il veut hurler, mais non sonner de la trompette. « Que la terre sonne de la trompette au Seigneur ».
3. « Chantez des psaumes en son nom[6] » Que veut dire le Prophète ? que les chants des psaumes soient une gloire pour son nom. Hier je vous ai dit ce que signifie chanter un psaume, et il me semble que votre charité s’en souvient. Chanter un psaume, c’est prendre une lyre appelée psaltérion, et mettre l’action de la main qui touche d’accord avec la voix. Si donc vous êtes dans la jubilation, que Dieu vous entende ; mais touchez votre harpe, afin que les hommes vous voient et vous entendent ; mais non pas en votre nom. « Gardez-vous, en effet, de faire vos œuvres de justice en présence des hommes, afin d’en

  1. Deut. 25,5
  2. Mt. 22,28
  3. Id. 23-30 ; Lc. 20,27-36
  4. Rom. 11,23
  5. Ps. 65,2
  6. Ps. 65,2