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SECOND DISCOURS SUR LE PSAUME 113

SECOND SERMON. – SECONDE PARTIE DU PSAUME.

Ces grâces du Seigneur par lesquelles finit le psaume précédent, nous viennent de la miséricorde et de la vérité que les nations verront au dernier jour, alors que Dieu fera éclater la gloire de son noix, et qu’elles ne diront plus : Oh est leur Dieu ? Quant aux dieux des nations, ce sont des simulacres fabriqués par les hommes et inférieurs même aux bêtes, puisque du moins celles-ci ont un cri, inférieurs au cadavre, qui du moins a vécu. L’Écriture en réprouvant fréquemment les idoles, combat le penchant des hommes à se laisser séduire par la forme attrayante, et à lui attribuer quelque puissance. Mais si quelque puissance habite l’idole, c’est une puissance démoniaque ; et si l’on prétend adorer les mêmes éléments dans ces mêmes idoles, c’est mettre la créature à la place du Créateur ; souvent encore la statue nous fait illusion au point que pour adorer la statue du soleil nous tournons souvent le dos au soleil. Pour nous, si nous avons des vases sacrés, ce sont des instruments et non les objets d’un culte. Quant à la maison d’Israël, et à la maison d’Aaron, ou des saints grands et petits ; ils ont mis leur espérance dans le Créateur du ciel et de ta terre, qui a béni les uns et les autres, et à leur tour ils le béniront dans l’éternité.


1. Pour tout homme, qui examine avec attention, il y a dans tous les psaumes une liaison telle que le suivant pourrait toujours se joindre au précédent ; ici, néanmoins, nous devons envisager celui-ci comme n’en formant qu’un seul avec le précédent. C’est en effet dans ce précédent que le Prophète a dit : « Ce n’est point sur nous, Seigneur, ce n’est point sur nous, mais bien sur votre nom qu’il faut faire éclater votre gloire, à cause de votre miséricorde et de votre vérité afin que les nations ne disent plus : Où est leur Dieu[1] ? » Car nous adorons un Dieu invisible, que ne peut voir l’œil du corps, et que n’aperçoit que le petit nombre dont le cœur est très pur. Or, comme si les nations pouvaient dès lors nous dire : Où donc est leur Dieu ? car elles peuvent mettre sous nos yeux leurs divinités : voilà que le Prophète nous avertit que la présence de Dieu se fait sentir par ses œuvres, « puisqu’il est au-dessus des cieux, et qu’il fait ce qu’il lui plaît dans le ciel et sur la terre ». Et comme s’il nous disait : Que les Gentils nous montrent leurs dieux, « Les idoles des nations », s’écrie le Prophète, « sont de l’or et de l’argent, œuvres de la main des hommes[2] ». C’est-à-dire, quoique nous ne puissions mettre sous vos yeux charnels ce Dieu que nous adorons, et que vous devez comprendre par ses œuvres, ne vous laissez pas néanmoins séduire par la vanité des idoles, sous le prétexte que vous pouvez montrer du doigt ce que vous adorez. Il serait plus honorable pour vous de n’avoir aucune divinité à montrer, que de montrer par ces idoles, que vous étalez à nos yeux, jusqu’où va l’aveuglement de votre cœur. Que nous montrez-vous en effet, sinon de l’or et de l’argent ? Ils en ont même d’airain, de bois, de terre cuite, et de telle ou telle autre matière. Mais l’Esprit-Saint a préféré mentionner ce qu’ils ont de plus précieux, parce que l’homme, qui aura rougi d’adorer ce qu’il y a de précieux, renoncera d’autant plus facilement au culte de ce qu’il y a de plus vil. On lit en effet dans un autre endroit des saintes Écritures, à propos des idolâtres : « Ils disent au bois : Tu es mon père, et à la pierre : Tu m’as engendré »[3]. Mais que celui qui se croit plus sage, parce qu’il a tenu ce langage à l’or et à l’argent, non plus au bois et à la pierre, jette ici les yeux et y apporte l’oreille de son cœur : « Les simulacres des nations sont de l’or et de l’argent ». Le Prophète ne désigne ici rien de vil et de méprisable ; et pour l’homme, dont le cœur n’est point encore devenu terre, l’or et l’argent ne sont qu’une terre, mais plus belle, plus brillante, plus ferme, plus solide. Ne va donc point chercher la main des hommes pour faire une fausse divinité avec le métal qu’a créé le vrai Dieu, ou même pour faire un faux homme, que tu vas adorer à la place du vrai Dieu, un homme que personne, sans folie, ne voudrait pour ami. Cette ressemblance qu’on lui a formée, cette harmonie que l’on

  1. Ps. 113,1-2
  2. Id. 4
  3. Jer. 11,27