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du Seigneur ? Il jure donc, lui qui défend à l’homme de jurer[1] ? Ou peut-être n’a-t-il défendu à l’homme de jurer que pour lui éviter le parjure, tandis que Dieu peut jurer, lui qui ne saurait être parjure ? Il est bon en effet d’interdire le serment à l’homme, que l’habitude du serment peut conduire au parjure ; car l’homme est d’autant plus éloigné du parjure qu’il l’est du serment. L’homme qui jure, en effet, peut assurer le faux et le vrai ; mais, celui qui ne jure point du tout, n’affirme rien de faux, puisqu’il ne fait aucun serment. Pourquoi donc le Seigneur ne jurerait-il point, puisque son serment ne saurait être que l’attestation de sa promesse ? Qu’il jure, alors. Et toi, homme, que fais-tu dans ton serment ? Tu prends Dieu à témoin ; car c’est dans l’appel au témoignage de Dieu que consiste le serment, et le fâcheux serait d’appeler Dieu en témoignage d’une fausseté. Si donc jurer, pour toi, c’est en appeler au témoignage de Dieu, pourquoi Dieu, en jurant, n’en appellerait-il pas à lui-même ? « Vive moi, dit le Seigneur », tel est le serment de Dieu. Ainsi jura-t-il quant à la postérité d’Abraham. « Vive moi, dit le Seigneur, parce que tu as entendu ma parole, et que tu n’as point épargné ton fils unique à cause de moi, je te bénirai et je multiplierai ta postérité comme les étoiles du ciel et comme le sable qui est au bord de la mer, et en ta race seront bénies toutes les nations[2] ». Or, la postérité d’Abraham c’est le Christ, et ce rejeton d’Abraham, prenant une chair dans la lignée d’Abraham, sera prêtre pour l’éternité, selon l’ordre de Melchisédech. C’est donc à propos de ce sacerdoce selon l’ordre de Melchisédech que le Seigneur a fait un serment dont il ne se repentira point. Qu’adviendra-t-il du sacerdoce selon l’ordre d’Aaron ? Dieu a-t-il donc du repentir à la manière des hommes ? lui arrive-t-il d’agir malgré lui, ou de tomber par surprise, et d’avoir ensuite à se repentir de sa faute ? Dieu connaît ce qu’il fait, il sait jusqu’à quel point il s’avance ; et comme il dirige souverainement, tout changement est en son pouvoir. Mais le repentir est un signe de changement ; et de même qu’en toi le repentir est la douleur d’avoir agi comme tu l’as fait, de même Dieu du qu’il se repent quand il agit contre l’attente des hommes, c’est-à-dire quand il change les événements d’une autre manière qu’ils ne se promettaient. C’est ainsi qu’il se repent de nos souffrances quand nous nous repentons de notre vie désordonnée. « Le Seigneur l’a donc juré », oui juré, assuré par serment ; « et il ne s’en repentira point », son dessein ne changera point. Qu’a-t-il juré ? « Vous êtes prêtre pour l’éternité ». Et pour l’éternité, parce qu’il ne se repentira point. Mais prêtre en quel sens ? Est-ce pour offrir ces hosties, ces victimes qu’offraient les patriarches sur des autels ensanglantés ? Est-ce encore le tabernacle, et tous ces rites de l’Ancien Testament ? Loin de là. Rien de tout cela n’est plus, le temple est renversé, le sacerdoce détruit, il n’y a plus pour eux ni victimes ni sacrifice. Tout a cessé chez les Juifs, ils voient que le sacerdoce, selon l’ordre d’Aaron, n’est plus, et ils ne reconnaissent point le sacerdoce selon l’ordre de Melchisédech. « Vous êtes prêtre pour l’éternité selon l’ordre de Melchisédech ». C’est aux fidèles que je m’adresse. Si mes paroles sont intelligibles pour les catéchumènes, qu’ils sortent de leur négligence, et se hâtent de connaître. Il n’est donc pas besoin d’exposer nos mystères ; c’est à l’Écriture de vous dire ce qu’est le sacerdoce selon l’ordre de Melchisédech.
18. « Le Seigneur est à votre droite ». Le Seigneur avait dit : « Asseyez-vous à ma droite », et maintenant ce Seigneur est à la droite, comme si les places étaient changées. Ou plutôt ces paroles : « Le Seigneur l’a juré, et il ne s’en repentira point : Vous êtes prêtre pour l’éternité, selon l’ordre de Melchisédech », ne s’adresseraient-elles point au Christ ? « Vous êtes prêtre pour l’éternité, le Seigneur l’a juré ». Quel Seigneur ? Celui qui « a dit à mon Seigneur : Asseyez-vous à ma droite ; celui-là en a fait serment : Vous êtes pour l’éternité prêtre selon l’ordre de Melchisédech » ; et à ce même Seigneur qui a juré, s’adresserait alors cette parole : « Le Seigneur est à votre droite ». O Seigneur, qui avez juré et qui avez dit : Vous êtes pour l’éternité prêtre selon l’ordre de Melchisédech ; ce prêtre pour l’éternité, c’est le Seigneur qui est à votre droite ; oui ; ce même prêtre au sujet duquel vous avez fait serment, « est le Seigneur à votre droite » ; car c’est à ce même Seigneur que vous avez dit : « Asseyez-vous à ma droite, jusqu’à ce que je

  1. Mt. 5,34
  2. Gen. 22,16-18