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foule les menaçait pour les faire taire ; et eux, néanmoins, dans leur désir de voir le jour, surmontant les contradictions de la foule, continuaient de crier ; ils retinrent celui qui passait, et méritèrent qu’il les touchât et leur rendît la vue. « Ayez pitié de nous, fils de David », criaient-ils à celui qui passait, et il s’arrêta ; et comme ils dominaient l’opposition du peuple : « Que voulez-vous que je vous fasse ? » leur dit-il. Et eux : « Seigneur, faites que nous voyions ». Il toucha leurs yeux qu’il ouvrit, et ils virent présent celui qu’ils avaient entendu passer. Il y a donc des œuvres que le Seigneur fait en passant, d’autres qui sont plus stables. Oui, dis-je, parmi les œuvres du Seigneur, les unes sont transitoires, les autres stables. L’œuvre passagère du Seigneur, est l’enfantement de la Vierge, l’incarnation du Verbe, l’accroissement des années, les miracles visibles, les souffrances de sa passion, sa mort, sa résurrection, son ascension au ciel ; tout cela fut transitoire. Car aujourd’hui il n’y a plus pour le Christ, ni naissance, ni mort, ni résurrection, ni ascension au ciel. Ne comprenez-vous pas que tous ces faits sont accomplis, ont eu leur temps, et ont montré à ceux qui voyagent ici-bas, quelque chose qui s’en va, afin qu’ils ne demeurassent point en chemin, mais qu’ils courussent vers la patrie ? Enfin ces aveugles étaient assis près du chemin, c’est là qu’ils entendirent le passant divin, et l’arrêtèrent par leurs cris. C’est donc dans la voie de ce siècle que le Seigneur a fait quelque chose de passager, et cet acte passager est l’œuvre du Fils de David. De là vient qu’à son passage, ils s’écrièrent : « Ayez pitié de nous, Fils de David ». Comme s’ils disaient : Nous reconnaissons dans celui qui passe le Fils de David ; ce passage nous fait comprendre qu’il a été Fils de David. Reconnaissons donc, nous aussi, et proclamons qu’il est Fils de David, afin de mériter qu’il nous éclaire. Nous sentons dans Celui qui passe le Fils de David : puisse le Seigneur de David nous éclairer !
6. Voilà donc le divin Maître qui interroge les Juifs, et ils ne répondent point, parce qu’ils ne veulent pas être ses disciples ; si maintenant il nous interrogeait, que répondrions-nous ? Cette interrogation mit les Juifs en défaut, qu’elle profite aux chrétiens ; loin de se troubler, qu’ils s’instruisent. Ce n’est point pour s’instruire que le Seigneur nous interroge, mais il interroge en docteur. Ces malheureux Juifs devaient lui répondre, c’est à vous de nous l’apprendre. Ils aimèrent mieux se taire dans un dépit orgueilleux, que s’instruire par une humble confession. Que le Maître nous parle donc, et voyons ce que nous répondrons à cette question. « Que vous semble-t-il du Christ ? De qui est-il Fils ? » Répondons ce que répondirent les Juifs, mais sans nous arrêter où ils s’arrêtèrent. Rappelons-nous cet Évangile que nous croyons. « Livre de la génération de Jésus-Christ, Fils de David[1] ». Que la question que l’on nous adresse ne nous fasse point oublier que le Christ est Fils de David, ainsi que nous le rappelle saint Paul. Courage donc, ô chrétien ; « souviens-toi que le Christ Jésus, Fils de David, est ressuscité d’entre les morts[2] ». Que l’on nous interroge donc, et répondons. « Que vous semble-t-il du Christ ? De qui est-il Fils ? » Que toutes les bouches chrétiennes redisent eu plein accord : « De David ». Que le Maître continue, et nous dise : « Comment donc David, parlant par l’Esprit-Saint, l’appelle-t-il son Seigneur ? Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Asseyez-vous à ma droite jusqu’à ce que je réduise vos ennemis à vous servir de marchepied ». Comment pourrons-nous répondre, si vous ne nous l’apprenez ? Maintenant que nous l’avons appris, nous disons : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu ; toutes choses ont été faites par vous ». Voilà le Seigneur de David. Mais à cause de l’infirmité de notre chair, parce que nous n’étions qu’une chair sans espoir : « Le Verbe s’est fait chair et a demeuré parmi nous » ; voilà le Fils de David. Assurément, Seigneur, ayant la nature divine, vous n’avez pas cru qu’il y eût usurpation à vous dire semblable à Dieu ; aussi êtes-vous le Seigneur de David ; mais, vous vous êtes abaissé jusqu’à prendre la forme de l’esclave[3] : voilà le Fils de David. Aussi, dans votre question, quand vous demandez : « Comment est-il son Fils ? » vous n’avez point nié que vous fussiez son Fils, mais seulement demandé comment cela pouvait se faire. David l’appelle son Seigneur, dites-vous ; de quelle manière donc est il son Fils ? Sans le nier, je vous demande comment, pour eux, avec cette Écriture qu’ils lisaient sans la comprendre, s’ils eussent voulu à cette demande

  1. Mt. 1,1
  2. 2 Tim. 2,8
  3. Phil. 2,7