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ténèbres extérieures[1]. » « Et que sa prière lui devienne un crime ». Nulle prière, en effet, n’est juste que dans le Christ qu’il vendit par le plus grand des crimes. Or, la prière qu’on ne fait point au nom du Christ, non seulement ne peut effacer le péché, mais devient elle-même un péché. On peut demander : Quand Judas a-t-il pu prier de telle manière que sa prière devint un péché ? C’est, je pense, avant de livrer le Seigneur, alors qu’il pensait à le trahir ; car il ne pouvait déjà plus prier au nom du Christ. Car après l’avoir trahi, quand il se repentit de son crime, s’il eût prié au nom de Jésus-Christ, il eût demandé son pardon : or, demander son pardon, c’est avoir l’espérance ; avoir l’espérance, c’est croire en la miséricorde ; et s’il eût cru à la miséricorde, le désespoir ne lui eût point mis la corde au cou. Aussi, quand le Prophète a dit : « Lorsqu’il sera mis en jugement, qu’il en sorte condamné » ; de peur qu’on ne vienne à croire qu’il eût pu se délivrer par cette prière qu’il avait apprise de son maître avec les autres disciples, et où l’on trouve cette parole : « Remettez-nous nos dettes, comme nous remettons à nos débiteurs[2] ; que sa prière », dit le Prophète, « lui devienne un crime » ; parce qu’elle n’est point faite au nom du Christ, qu’il n’a pas voulu suivre, mais poursuivre.
10. « Que ses jours soient peu nombreux[3] ». « Ses jours », dit le Prophète, les jours de son apostolat, qui furent peu nombreux, puisque, même avant la mort du Sauveur, ils se terminèrent par son crime et par sa mort. Et comme si l’on demandait ce que va devenir alors le nombre douze, qui est sacré, et que le Seigneur n’avait pas adopté sans raison pour ses premiers Apôtres, le Prophète ajoute aussitôt : « Qu’un autre prenne sa place dans l’épiscopat ». Comme s’il disait : Qu’il soit puni comme il le mérite, et que ce nombre demeure parfait. Quiconque désire connaître comment cela s’accomplit, peut lire les Actes des Apôtres.
11. « Que ses fils soient orphelins, et sa femme veuve[4] ». Assurément, sa mort fait de ses enfants des orphelins, de sa femme une veuve.
12. « Que ses enfants soient chancelants et « emmenés, qu’ils soient mendiants[5] », le mot chancelants, mutantes, signifie incertains de la route, privés de tout secours. « Qu’ils soient chassés de leurs habitations ». Le Prophète explique cette autre expression : « Qu’ils soient emmenés ». Les versets suivants nous disent comment ces malédictions sont tombées sur les fils et sur l’Épouse de Judas.
13. « Que l’usurier dévore toute sa substance, et que son travail soit la proie de l’étranger. Que nul ne lui soit en aide », pour conserver sa postérité ; car le Prophète ajoute : « Que nul n’ait pitié de ses enfants orphelins[6] ».
14. Mais comme ses enfants sans secours et sans tuteur pourraient encore grandir au milieu de la misère et de l’indigence, et conserver ainsi leur race, le Psalmiste continue en disant : « Que sa lignée soit dévouée à la mort, et que son nom s’éteigne dans une seule génération[7] » ; c’est-à-dire, que tout ce qui est né de lui ne se régénère pas, et périsse rapidement.
15. Mais quel est le sens des paroles suivantes : « Que l’iniquité de ses pères revienne continuellement à la mémoire du Seigneur, et que le péché de sa mère ne soit point effacé[8] ? » Faut-il comprendre que les péchés de ses pères doivent retomber sur sa tête ? Ce qui n’arrive point à celui qui a été changé en Jésus-Christ, et qui commence à n’être plus le fils des pécheurs, en n’imitant plus leurs mœurs ; car cette parole est très véritable : « Je ferai retomber sur les fils les péchés des pères[9] » ; et cette autre, par l’organe du Prophète : « L’âme du père m’appartient, l’âme du fils m’appartient, l’âme qui aura péché mourra[10] ». Cela est dit de ceux qui se tournent vers Dieu, sans imiter les désordres de leurs pères ; c’est ce que le Prophète nous montre avec évidence, car il dit que les iniquités des pères ne nuisent pas à ceux qui accomplissent la justice, et ne leur ressemblent point[11]. Mais quand on lit : « Je ferai retomber les péchés des pères sur les fils », il faut ajouter « qui me haïssent[12] » c’est-à-dire, comme leurs pères me haïssaient ; de même qu’en imitant les hommes de bien, on obtient la rémission de ses propres péchés, de même, en imitant les méchants, on devient coupable, non seulement

  1. Mt. 25,21-30
  2. Id. 6,12
  3. Ps. 108,8
  4. Id. 9
  5. Id. 10
  6. Ps. 108,11-12
  7. Id. 13
  8. Id. 14
  9. Exod. 20,5
  10. Ez. 18,4
  11. Id. 20
  12. Exod. 20,5