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TROISIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME 103

TROISIÈME SERMON. – TROISIÈME PARTIE DU PSAUME.

LE MONDE INVISIBLE DANS LE MONDE VISIBLE.

Les bêtes des forêts, qui boivent l’eau des vallées, sont les nations qui entrent dans l’Église pour être purifiées par les sacrements, ainsi que nous le montrent et l’arche de Noé qui renfermait des animaux purs et des animaux impurs, et le linceul de saint Pierre renfermant aussi des animaux impurs et tenant au ciel par les extrémités. Elles boiront les eaux qui passent ers cette vie, en attendant que le Verbe leur soit donné. L’onagre y vient comme le lièvre, c’est-à-dire les grands esprits comme les faibles, parce qu’il y a des préceptes à la portée de tous. Les oiseaux qui habitent sur les montagnes sont les âmes tout à fait spirituelles, qui se nourrissent de la doctrine des Prophètes et des Apôtres. Elles ne se divisent point non plus que les oiseaux dans le sacrifice d’Abraham, tandis que les animaux étaient divisés, c’est là le symbole du schisme et de l’hérésie, la fournaise du jugement met les uns à droite, les autres à gauche. Pour l’éviter, ressemblons aux oiseaux qui habitent les montagnes, les rochers, ou le Christ ; c’est de là qu’ils prêchent. Dieu donne la rosée de sa parole, ils la répandent en se proportionnant aux simples ; delà cette terre arrosée de la grâce de Dieu. C’est lui encore qui produit le foin pour les animaux, et par là le salaire pour les ouvriers évangéliques, l’herbe pour la servitude de l’homme ou la substance pour ceux qui ne font serviteurs de tous par la charité et l’humilité, que ne connaissaient point d’abord ni Pierre ni les fils de Zébédée. Donnons la subsistance aux prédicateurs : le Seigneur eut une bourse pour recueillir et pour donner, se proportionnant à ceux qui devaient demander, comme il pâlit devant la mort pour se mettre au niveau de nos craintes. Dieu tire de la terre ou des ouvriers évangéliques, le pain et le vin ou le Christ, et la grâce qui donne l’éclat des vertus. Les cèdres du Liban sont les grands du monde, et ils sont plantés par le Seigneur, quand ils deviennent chrétiens parfaits. Ces passereaux sont les âmes ferventes qui abandonnent leurs biens si elles possèdent, leurs espérances et leurs désirs de l’être s’ils sont comme Pierre et André. Ces âmes font leurs nids sur les cèdres, c’est-à-dire dans les monastères ou dans les Églises que bâtissent les riches du monde. La foulque les guide, elle qui établit sur les rochers des mers, ou sur le Christ, un nid bas et solide. C’est encore au Christ que s’attachent les passereaux. Les cerfs des montagnes sont les plus élevés dans la spiritualité ; mais il y a aussi le hérisson couvert d’épines ou de péchés légers, qui trouve son asile dans la pierre, qui devient ainsi avantageux pour tous. La lune est l’image de l’Église, qui semble croître et renaître comme les générations. Le soleil c’est le Christ qui se lève pour ceux qui comprennent la charité, mais non pour l’impie ; il connaît son couchant, c’est-à-dire qu’il a bien voulu mourir. La nuit alors se ferma sur les Apôtres, et les lionceaux demandèrent leur proie, c’est-à-dire que le diable demanda de les cribler, comme il demanda de tourmenter Job. Mais il doit demander, car tout pouvoir vient de Dieu. Mais à mesure que le jour se fait, les lions s’étendent dans leurs tanières, ou cessent de persécuter l’Église ; l’homme ou le chrétien fait son œuvre, et la terre est remplie des créatures de Dieu par son Christ, ou d’hommes renouvelés par la grâce.


1. Votre charité n’a point oublié que nous vous sommes redevables de ce qui reste du psaume ; je n’ai donc besoin d’aucun exorde pour stimuler votre attention. Je vous vois tous en suspens, dans le désir de comprendre les mystères qu’il renferme, et il n’est aucunement nécessaire de faire naître chez vous une attention que le Saint-Esprit a fait naître lui-même. Allons donc à ce qui nous presse. Nous avons déjà parlé des ruisseaux qui coulent dans les vallées, et des eaux qui coulent au milieu des montagnes : c’est là que j’en suis demeuré, là qu’il nous faut reprendre.
2. Voici ce qui suit : « Les bêtes de la forêt boiront[1] ». Que boiront-elles ? Les eaux qui coulent au milieu des montagnes. Que boiront-elles ? Ces eaux qui coulent dans les vallées. Qui boira ? Les bêtes de la forêt. Cela se voit à la lettre dans les créatures ; les bêtes de la forêt boivent aux fontaines et aux ruisseaux qui coulent entre les montagnes ; mais comme il a plu à Dieu de nous présenter sous des figures les secrets de sa sagesse, non pour les dérober à une sainte curiosité, mais pour fermer aux paresseux une entrée qu’il ouvre seulement à ceux qui frappent ; il a plu à ce même Dieu de vous exhorter par notre bouche à chercher dans ces créatures corporelles et visibles, dont il est ici question, le sens spirituel qui s’y cache, et dont la découverte fera notre joie. Par les bêtes de la forêt, nous entendons les nations, et l’Écriture en donne plusieurs témoignages. Deux passages surtout nous paraissent très évidents. Dans l’arche de Noé, qui est sans aucun doute la figure de l’Église, Dieu n’aurait pas fait enfermer toutes sortes d’animaux[2], s’il n’eût voulu marquer que tous les peuples seraient ralliés dans cette admirable unité ; à moins peut-être que nous ne venions à croire que si tous ces

  1. Ps. 103,11
  2. Gen. 7,2-14