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fruit proportionné aux paroles que nous répandons sur vous comme une pluie céleste. Ce fruit proportionné consiste dans les bonnes œuvres : ce fruit proportionné est un amour sincère non seulement de vos frères, mais aussi de vos ennemis. Ne méprise aucun suppliant ; et si tu ne peux lui donner ce qu’il te demande, au moins, ne le méprise pas. Si tu peux le lui donner, donne-le ; si tu ne le peux, sois du moins affable. Dieu couronne la volonté intérieure, quand il ne voit pas en nous le pouvoir. Que nul ne dise : je n’ai rien. Ce n’est point d’un coffre que la charité tire ce qu’elle donne : mais tout ce que nous disons, tout ce que nous avons dit, tout ce que nous pouvons dire encore, ou nous, ou ceux qui viendront après nous, ou ceux qui nous ont précédé, tout cela n’a d’autre but que la charité, car la fin de la loi c’est la charité émanant d’un cœur pur, d’une conscience irréprochable, d’une foi sans feinte[1]. En priant Dieu, interrogez vos cœurs, et voyez comment vous récitez ce verset : « Pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés »[2]. On ne prie point, si l’on ne fait cette prière ; Dieu n’exauce point, si l’on récite une autre prière, parce qu’elle ne nous a pas été enseignée par le jurisconsulte qu’il nous a envoyé. Il faut donc nécessairement que toutes les paroles que nous ajoutons, soient réglées sur cette prière, et qu’en récitant les paroles, nous comprenions ce que nous disons, parce que Dieu a voulu la rendre claire. Si donc vous ne priez point, vous n’avez point l’espérance ; si vous priez autrement que le maître a enseigné, vous ne serez point exaucés ; et si vous mentez en priant, vous n’obtiendrez point. Il faut donc prier, et en priant dire vrai, et prier comme Dieu nous a enseigné. Bon gré, malgré, il te faut dire tous les jours : « Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ». Et veux-tu le dire en toute sûreté ? Crois alors ce que tu dis.

DEUXIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME 103

DEUXIÈME SERMON. – DEUXIÈME PARTIE DU PSAUME.

LE MONDE INVISIBLE DANS LE MONDE VISIBLE.

Dieu nous dérobe quelque peu ses enseignements, afin de nous stimuler à les chercher. Cette lumière dont il est revêtu, c’est l’Église ; l’eau qui couvre les hauteurs du ciel, c’est la charité ; la terre fondée sur la solidité de Dieu, c’est l’Église fondée sur le Christ, inébranlable comme lui. C’est encore l’Église qui a pour vêtement l’abîme ou les eaux de la persécution qui couvrirent jusqu’aux plus hautes montagnes, c’est-à-dire Jusqu’aux Apôtres qui devenaient invisibles, mais demeuraient inébranlables. Mais la menace de Dieu a dissipé ces eaux de la persécution, et les empereurs sont devenus chrétiens. Dieu qui fait les montagnes et les vallées, a renversé l’orgueil des persécuteurs qui ne prévaudront plus. Alors les eaux de la doctrine couleront du milieu des montagnes, c’est-à-dire que les docteurs auront une doctrine commune, et n’enseigneront rien qui leur soit propre. Quiconque parle de lui-même aboutit au mensonge.


1. Je sais que vous me regardez comme votre débiteur, non par nécessité, mais ce qui est bien plus fort, par la charité. Je suis donc redevable tout d’abord au Seigneur notre Dieu, qui habite en vous, et qui exige de moi cet acquittement ; ensuite à mon seigneur et Père qui est présent, qui m’ordonne de parler, et qui prie pour moi : enfin à la sainte violence qui vous porte à me faire parler, dans mon état de faiblesse. Néanmoins autant que me le permettra le Seigneur, qui daignera me donner des forces, selon la prière que vous lui en faites, puisque nous avons expliqué l’autre jour la première partie de ce psaume, j’entreprends de vous expliquer la suite, et d’en finir avec la grâce de celui au nom de qui j’ai commencé. Vous, qui étiez présents, j’avais averti votre charité, des

  1. 1 Tim. 1,5
  2. Mt. 6,12