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temps. Si ton cœur est droit, tu iras à la droite et tu seras loué. Comment cela ? « Venez, bénis de mon Père : recevez le royaume qui vous a été préparé dès l’origine du monde ». Si, au contraire, tu as le cœur tordu et déréglé, si tu te moques de Dieu, si tu te joues de sa Providence ; si tu dis en toi-même : Il est évident que Dieu ne s’occupe pas des choses de ce monde ; car, s’il en prenait soin, ce scélérat serait-il dans l’abondance et moi dans la disette ? il est sûr que ton cœur n’est pas droit. Viendra le jugement, et alors on connaîtra les motifs secrets de la conduite de Dieu : alors aussi, parce que tu n’auras pas voulu rétablir ton cœur dans la droiture et le rendre semblable à celui de Dieu, parce que tu auras négligé de te rendre digne d’aller à la droite du Seigneur, en cet endroit « où seront loués ceux qui ont le cœur droit », tu iras à la gauche, et tu y entendras ces paroles : « Allez au feu éternel, qui a été préparé au démon et à ses anges[1] ». Sera-t-il temps alors de redresser son cœur ? Redressez-le donc maintenant, mes frères ; redressez-le dès aujourd’hui. Quel obstacle pourrait s’y opposer ? On chante le psaume devant toi ; on te lit l’Évangile ; tu entends de bonnes lectures, de saintes instructions ; le Seigneur est patient : tu l’offenses et il t’épargne ; tu renouvelles tes infidélités, et il ne te punit pas, et tu ajoutes encore au nombre de tes fautes. Jusques à quand le Très-Haut usera-t-il d’indulgence à ton égard ? Prends-y garde ! Tu pourrais bien éprouver à la fin les rigueurs de sa justice. Nous vous effrayons, parce que nous sommes saisis de crainte rassurez-nous, et nous ne vous troublerons plus. Mais j’aime beaucoup mieux trembler à la pensée de Dieu, que de puiser ma confiance dans la pensée de n’importe quel homme, « car tout homme a été saisi de crainte, et ils ont publié les œuvres de Dieu ». Daigne le Seigneur nous compter au nombre de ceux qui ont tremblé et fait connaître ses ouvrages. Nous vous prêchons maintenant en son nom, mes frères, parce que nous craignons. Nous sommes témoins de votre empressement à écouter sa parole, du vif désir que vous avez de nous entendre, de votre bonne volonté. La terre de votre cœur est suffisamment imprégnée de la rosée du ciel. Puisse-t-elle produire du froment et non des épines, car si les celliers du père de famille doivent contenir le bon grain, les épines seront livrées aux flammes. Tu sais ce que tu dois faire de ton champ, et Dieu ne saurait ce qu’il doit faire de son serviteur ? Pour une terre fertile, la pluie qui l’arrose est un bienfait du ciel ; et, si elle tombe sur un champ couvert de ronces et d’épines, en est-elle moins précieuse ? Et ce champ peut-il rendre la pluie responsable de sa stérilité ? La pluie elle-même ne rendra-t-elle pas témoignage contre lui, et ne dira-t-elle pas J’ai répandu partout, d’une manière égale, la douceur de mes ondées ? Quelles sont tes œuvres ? Remarque-le attentivement, afin de juger de ce qui t’est réservé. Si tu produis du froment, sois-en sûr, tu iras dans le cellier du Père de famille ; si tu produis des épines, le feu sera ton partage ; mais le temps d’être mis dans les greniers célestes ou jeté dans le feu éternel n’est pas encore venu : préparons-nous donc à ce moment décisif, et nous n’éprouverons aucune crainte. Vous qui m’écoutez et moi qui vous parle au nom de Jésus-Christ, nous vivons encore ; et puisqu’il en est ainsi, n’avons-nous ni le moyen ni le temps de réformer nos pensées, et de devenir de parfaits chrétiens ? Et si vous le voulez, pourquoi cette conversion n’aurait-elle pas lieu dès aujourd’hui ? Pourquoi ce changement de nos mœurs ne se ferait-il pas dès maintenant ? Pour en venir là, faut-il faire de grandes acquisitions, des recherches pénibles, de lointains voyages aux Indes ? Faut-il noliser des vaisseaux choisis entre tous ? Non ; change ton cœur au moment même où je t’adresse la parole, et ainsi sera accompli ce que, depuis si longtemps, on te presse de faire ; et si tu ne le fais pas, ta mauvaise volonté sera pour toi la source d’une punition éternelle.

  1. Mt. 25,34-41