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accomplis ton pèlerinage, qu’ils te précèdent pour te recevoir. C’était pour préparer à son père la nourriture du corps que le fils de Jacob le précéda en Égypte, et qu’il dit à son père et à ses frères : « Je suis venu avant vous pour vous préparer des vivres[1] ». Que tes enfants donc, ou plutôt que tes bonnes œuvres te précèdent ; tels vous aurez envoyé ces enfants, tels vous les suivrez.

DISCOURS SUR LE PSAUME 102

SERMON POUR UNE FÊTE DES MARTYRS.

LES BIENFAITS DU SEIGNEUR.

En nous appelant à bénir le Seigneur, le Prophète s’adresse à ce qu’il y a d’intérieur en nous, ou à notre âme, qui a toujours quelqu’un qui l’écoute et qui doit chanter intérieurement, au souvenir de nos péchés pour les désavouer, au souvenir des bienfaits de Dieu, lequel stimulait dans les martyrs l’espérance de retrouver dans le ciel la vie qu’ils donnaient pour Dieu. Ils ne lui reportaient que ses dons, il est vrai, et ne pas oublier ses dons, c’est lui en rendre grâce ; s’il nous demande un culte, c’est pour nous attirer à lui. De nous-mêmes nous n’avons que le péché ; de lui nous vient le calice du salut, ou la douleur qu’il faut subir en invoquant son nom. N’oublions, donc jamais : – Qu’il nous remet nos fautes, mais en nous imposant des peines qui nous ramènent à lui ; – Qu’il guérit nos langueurs, pourvu que nous soyons patients dans nos peines dont il nous guérira certainement, comme le malade se laisse opérer par le médecin qui n’est pas sûr de le guérir ; – Qu’il nous délivrera ainsi de la corruption en nous donnant le Christ par qui nous sommes incorruptibles. – Qu’il nous couronnera dans sa miséricorde, car la lutte qui nous donnera la couronne viendra de la grâce ; – Qu’il nous rassasiera de bonheur, en nous donnant Dieu lui-même, dont nous ne sentons point ici-bas l’ineffable douceur, parce que notre corps est appesanti ; – Qu’il renouvellera ce corps quand l’aigle sent son bec trop allongé par les années, pour laisser passage à la nourriture, il l’use sur la pierre et reprend par la nourriture de nouvelles forces ; ainsi Dieu usera notre corps sur la pierre qui est le Christ et le revêtira de jeunesse en le rassasiant des trois pains de l’Évangile ou de Dieu en trois personnes ; – Qu’il fait miséricorde à ceux qui sont miséricordieux, et quand on lui amène la femme adultère, il écrit la loi sur la terre, pour marquer les vertus chrétiennes, et nous apprendre à chercher si nous ne sommes point coupables. Pour le juste nous n’avons que la miséricorde corporelle ; à l’injuste pourtant nous devons faire aussi miséricorde, non parce qu’il est injuste, mais parce qu’il est homme, comice au juste, parce qu’il est juste. La vengeance n’est permise que quand elle est une juste correction infligée à ceux qui nous sont soumis ; s’agit-il des puissants, endurons persécution. Dieu a montré à Moïse qu’il donnait la loi, afin que l’homme vit le nombre de ses fautes, et eût recours à l’aveu et à la grâce. Toutefois Dieu est lent à punir, parce qu’il nous invite à la pénitence, et pourtant nous remettons cette pénitence indéfiniment ; et Dieu ne nous traite point selon nos offenses ; chaque jour il nous protège comme le ciel protège la terre. Il met nos péchés au couchant pour n’y plus revenir, et sa grâce à un orient sans occident, Il sait que nous sommes faibles, que nos jours sont courts, que tout passe vite ici-bas, qu’il récompensera non ceux qui connaissent la loi, mais ceux qui en font les œuvres, non point, seulement à l’extérieur, mais aussi de cœur.


1. Dans tous les dons qui nous viennent du Seigneur notre Dieu, dans les consolations qu’il nous envoie, comme dans les châtiments qu’il nous inflige, dans les grâces qu’il a daigné nous faire, comme dans cette miséricorde qui iie nous traite point dans la rigueur de sa justice, enfin dans toutes ses œuvres, que notre âme bénisse le Seigneur. Voilà ce que nous avons chanté ; c’est ainsi que commence le psaume que nous allons expliquer avec le secours de ce Dieu que notre âme bénit à jamais. Que chacun de nous donc exhorte sou âme, et se stimule en disant : « O mon âme, bénis e le Seigneur ». Que tous ensemble, que tous les frères en Jésus-Christ répandus partout et ne formant qu’un seul homme, dont la tête est déjà dans le ciel, que cet homme unique exhorte aussi son âme, et lui dise : « O mon âme, bénis le Seigneur ». Cette âme écoute, elle obéit, elle fait ce qu’on la presse de faire, elle cède à une persuasion qui ne vient pas de nous, mais de ce Dieu qu’elle bénit. Le Prophète en effet entreprend de nous montrer pourquoi notre âme doit bénir le Seigneur, comme si notre âme lui répondait : Pourquoi m’engager à bénir Dieu ? Écoutons donc, et que notre âme écoute, qu’elle considère tout ce qui peut la stimuler, afin de n’être point lâche à bénir Dieu, et de voir s’il est bien juste de lui dire : « Mon âme, bénis le

  1. Gen. 45,7