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de milliers de croyants, qui apportaient aux pieds des Apôtres le prix de leurs biens. C’est donc de cette poussière qu’est sortie l’humanité réformée et embellie. Qui a fait rien de semblable parmi les Gentils ? Combien peu en trouvons-nous, si nous les comparons à tant de milliers de Juifs ? Trois mille d’abord, puis cinq mille, et tous vivent comme un seul, et tous viennent apporter aux pieds des Apôtres le prix de leurs biens, afin qu’il fût distribué à chacun selon ses besoins, et ils n’avaient tous en Dieu qu’un cœur et qu’une âme[1]. Qui a pu tirer ce parti de cette poussière, sinon celui qui a fait Adam de la poussière[2] ? Ceci donc regarde Sion, mais ne s’est pas accompli seulement en Sion.
16. Que dit en effet le Prophète ? « Et toutes les nations redouteront votre nom, ô mon Dieu, et les rois de la terre votre gloire[3] ». Puisque déjà vous avez eu pitié de Sion, que vos serviteurs ont mis leurs délices dans ses pierres, en y retrouvant le fondement des Apôtres et des Prophètes ; puisqu’ils ont pris en pitié sa poussière, en formant, ou plutôt en reformant de cette poussière l’homme plein de vie ; puisque c’est de là que la prédication des Gentils a pris de l’accroissement ; que les Gentils alors craignent votre nom, et tous les rois de la terre votre gloire ; qu’il vienne du côté des Gentils une autre muraille ; qu’on reconnaisse la pierre angulaire[4] ; que là s’unissent les deux murailles, venant de différentes directions, mais n’ayant plus des sentiments opposés.
17. « Car c’est le Seigneur qui a bâti Sion[5] ». C’est l’œuvre d’aujourd’hui. Accourez, ô pierres vivantes, venez former l’édifice, et non le détruire. On bâtit Sion, prenez garde aux masures ; éditions une tour, éditons une arche, évitons le déluge. Travaillez maintenant, « parce que le Seigneur construira Sion ». Mais quand Sion sera bâtie, qu’arrivera-t-il ? « Alors on le verra dans sa gloire ». Pour bâtir Sion, pour être le fondement de Sion, le Christ s’est montré à Sion, mais non dans sa gloire. « Et nous l’avons vu, et il n’avait ni apparence ni beauté[6] ». Mais quand, avec ses anges, il viendra pour juger, quand les nations seront toutes rassemblées devant lui, quand les brebis seront placées à sa droite et les boucs à sa gauche[7], ne verront-ils point Celui qu’ils ont percé[8] ? Alors une confusion tardive couvrira ceux qui auront repoussé une prompte et salutaire pénitence. « Le Seigneur bâtira Sion, et sera vu dans sa gloire » ; lui qui s’est montré tout d’abord dans son infirmité.
18. « Il a entendu favorablement la prière des humbles, et n’a point dédaigné leurs soupirs[9] ». Voilà ce qui se passe aujourd’hui dans la construction de Sion ; ceux qui la construisent gémissent et prient ; ce pauvre unique personnifie mille pauvres, comme ces milliers de toutes les nations ne forment qu’un seul homme, dans l’unité de la paix de l’Église. Cet homme est un et multiple ; un à cause de la charité, multiple à cause de l’étendue. C’est donc maintenant que l’on prie, maintenant que l’on court ; quiconque a vécu d’autre manière, a nourri d’autres sentiments, doit maintenant manger la cendre comme un pain, et mêler ses pleurs à son breuvage. C’est le moment de le faire, quand on bâtit Sion ; c’est maintenant que les pierres entrent dans l’édifice ; une fois l’édifice achevé et la maison dédiée, à quoi bon courir, pour arriver trop tard, supplier en vain, frapper sans résultat, et demeurer dehors avec tes cinq vierges folles[10] ? Cours donc maintenant. « Le Seigneur a écouté la prière des humbles, et n’a point dédaigné leurs soupirs ».
19. « Que ceci soit écrit pour la génération qui doit venir[11] ». Quand le Prophète écrivait ces choses, elles étaient moins utiles à ceux parmi lesquels il les écrivait ; car Dieu les faisait consigner pour prophétiser la nouvelle alliance parmi ces mêmes hommes, qui vivaient selon l’ancienne. C’était Dieu néanmoins qui avait donné cette alliance, et qui avait placé son peuple dans la terre promise. Mais « parce que votre souvenir passe de race en race », non chez les impies, mais chez les justes ; la première génération appartient à l’ancienne alliance, et la seconde génération à la nouvelle. Ceci donc était une prophétie, et le Psalmiste y prédit le Nouveau Testament : « Que ceci soit écrit pour la génération suivante ; et le peuple qui sera créé louera le Seigneur » : non point le peuple qui a été créé, mais « le peuple qui sera créé ». Quoi de plus évident, mes frères ? Voilà qu’est prédite cette créature dont saint Paul a dit : « Si donc nous sommes dans le Christ une créature

  1. Act. 2,41 ; 4,4-32
  2. Gen. 2,7
  3. Ps. 101,16
  4. Eph. 2,20
  5. Ps. 101,17
  6. Isa. 53,2
  7. Mt. 25,31-33
  8. Zach. 12,10
  9. Ps. 101,18
  10. Mt. 25,12
  11. Ps. 101,19