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passé devant sa croix ou s’y étaient arrêtés, comme le Psalmiste l’avait prédit longtemps auparavant en ces termes : « Ils ont percé mes mains et mes pieds, et compté tous mes os ; ils m’ont regardé et considéré attentivement[1] ». Alors, ils secouaient la tête en disant : « S’il est le Fils de Dieu, qu’il descende donc de la croix ! » Ils avaient voulu, en quelque sorte, s’assurer s’il était le Fils de Dieu, et, à leur avis, ils avaient reconnu qu’il ne l’était pas, puisqu’en dépit de leurs insultes, il n’était pas descendu de la croix ; s’il l’avait fait, ils auraient avoué sa filiation divine[2]. Pour toi, mon frère, que penses-tu de ce qu’il est resté sur sa croix, et de ce que, néanmoins, il est ressuscité ? Quel profit ont-ils tiré de leur conduite à son égard ? Et quand même il ne serait point sorti vivant de son tombeau, en auraient-ils été plus avancés ? Non, car il leur serait advenu ce qui est advenu aux persécuteurs des martyrs. Les martyrs ne sont point encore revenus à la vie ; leurs persécuteurs n’y ont rien gagné, puisque nous célébrons aujourd’hui le triomphe éternel des victimes. À quoi a donc abouti la fureur des ennemis de notre Dieu ? « Leurs flèches sont devenues comme des traits lancés par des enfants ; la malice de leur langue n’a pas réussi, elle s’est retournée contre eux ». Jusqu’où ont-ils poussé cette malice, dont les calculs leur ont fait défaut ? Jusqu’à placer des gardes auprès du tombeau du Christ ; car bien qu’ils l’eussent fait mourir, qu’il fût enseveli, il leur inspirait encore des craintes. Ils dirent donc à Pilate « Ce séducteur ». Ainsi appelaient-ils Notre-Seigneur Jésus-Christ, et ce devait être là un sujet de consolation pour tous les chrétiens que le monde calomnie. Ils s’adressèrent donc à Pilate et lui dirent : « Étant encore en vie, ce séducteur a dit qu’il ressusciterait trois jours après sa mort. Ordonnez donc qu’on garde son tombeau jusqu’au troisième jour, de peur que ses disciples ne viennent l’enlever, et qu’ils ne disent au peuple qu’il est ressuscité d’entre les morts ; cette dernière erreur serait pire que la première. Vous avez des gardes, leur répondit Pilate : allez, et gardez-le comme vous voudrez. Ils s’en allèrent donc, établirent une garde près du sépulcre, en y plaçant des soldats, et ils apposèrent leur sceau sur la pierre[3] ».
Les Juifs apposèrent auprès du tombeau de Jésus des soldats pour le garder : tout à coup la terre trembla, et le Sauveur sortit vivant du séjour de la mort, et il s’opéra, autour de son tombeau, de tels prodiges que les soldats, chargés de le garder, auraient pu en rendre témoignage s’ils avaient voulu rapporter les faits comme ils les avaient vus ; malheureusement, l’amour de l’argent, qui avait aveuglé un compagnon de Jésus, dans la personne de Judas, paralysa la langue des soldats auxquels fut confiée la garde du divin tombeau. « Nous vous donnerons de l’argent, leur dirent les Juifs : vous direz donc que, pendant votre sommeil, ses disciples sont venus et l’ont enlevé[4] ». En vérité, « les profonds calculs de leur malice ont été déjoués ». O malheureuse astuce ! ne faut-il pas que tu aies perdu de vue la lumière d’une réflexion éclairée, que tu te sois précipitée dans les ténèbres d’une noire méchanceté pour tenir ce langage : Dites que, pendant votre sommeil, ses disciples sont venus et qu’ils l’ont enlevé ? Comment 1 tu en appelles au témoignage de gens endormis ! Ne dormais-tu pas toi-même en imaginant une pareille combinaison, qui montre surabondamment ta faiblesse ? Car s’ils dormaient, qu’ont-ils pu voir ? Et s’ils n’ont rien vu, méritent-ils le nom de témoins ? « Mais ils n’ont pu réussir dans leurs vains projets ». Ils se sont écartés des rayons de la lumière divine ; ils ont vu échouer leurs entreprises, et puisqu’au moment d’agir, ils n’ont pu venir à bout de rien, ils ont manifesté leur impuissance. Pourquoi cela ? Parce que l’homme s’est approché, et aussi le cœur profond, et Dieu a été exalté. Oui, aussitôt que la résurrection de Jésus-Christ fut connue dans le monde, au moment où, par la descente du Saint-Esprit, des disciples, jusqu’alors découragés et dominés par la crainte, se montrèrent assez fermes pour annoncer la mort de leur Maître et tout ce qu’ils avaient vu, alors fut exaltée et glorifiée la grandeur du Dieu qui avait paru au pied d’un tribunal, et y avait subi une condamnation ignominieuse pour nous relever du milieu de notre bassesse jusqu’à lui : et quand les Apôtres, pareils a des trompettes divines, eurent annoncé à l’univers l’avènement futur de Celui qu’ils avaient vu jugé par des hommes, et qui viendra les juger à son

  1. Ps. 21,17-18
  2. Mt. 27,40-43
  3. Mt. 27,63-66
  4. Mt. 28,12-13