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car moi, je suis serviteur comme vous et comme vos frères[1] ». Qu’on ne dise point : Je crains que l’ange ne s’irrite contre moi, si je ne t’adore point comme un dieu ; il s’irrite au contraire quand tu lui rends les honneurs divins, car il est bon et il aime Dieu. De même que les démons s’irritent quand on ne les adore point ; de même les bons anges s’irritent quand on les adore comme des dieux. Mais qu’une âme faible et timide ne vienne point nous dire : Si les démons s’irritent quand on ne les adore point, je crains de les offenser. Que pourra donc te faire le diable qui est leur chef ? S’il avait quelque puissance, nul de nous ne resterait debout. Ne savons-nous point combien les chrétiens le maudissent chaque jour, et pourtant les chrétiens se multiplient ? Si tu es en colère contre ton serviteur, tu lui donnes son nom, tu l’appelles diable, tu l’appelles Satan. Tu es dans l’erreur en appelant ainsi un homme ; c’est la colère qui te porte à cet outrage envers l’image de Dieu : tu choisis, pour la lui dire, une injure qui te fait horreur. Si le démon avait quelque puissance, ne se vengerait-il point ? Mais Dieu ne le lui permet point, et il ne peut rien que dans la mesure que Dieu permet. Il voulut mettre Job à l’épreuve, et il en demanda simplement la permission[2], sans laquelle il n’avait aucun pouvoir. Pourquoi donc ne pas adorer Dieu sans crainte, puisque sans son ordre nul ne peut te nuire, et qu’il ne le permet que pour te corriger, et non pour te nuire ? S’il plaît au Seigneur ton Dieu de permettre qu’un homme te nuise, ou même un esprit, il te corrige alors, pour te faire dire avec David : « Le Seigneur m’a châtié, mais ne m’a point livré à la mort[3] ». Donc « qu’ils soient confondus, tous ceux qui adorent des idoles, qui se glorifient dans des simulacres, Adorez-le, vous tous qui êtes ses anges ». Que les païens apprennent ici à servir Dieu. Ils veulent adorer les anges, qu’ils imitent les anges, et qu’ils adorent celui que les anges adorent. « Adorez-le, vous qui êtes ses anges ». Qu’il l’adore, cet ange qui fut envoyé à Corneille, car c’est en adorant Dieu qu’il envoya Corneille à Pierre : qu’il adore le Christ, Seigneur de Pierre, lui qui est serviteur comme Pierre[4]. « Adorez-le, vous tous qui êtes ses anges ».
13. « Sion a entendu et a tressailli[5] ». Qu’a donc entendu Sion ? Que tous ses anges l’adorent. Qu’a entendu Sion ? Voici ce qu’elle a entendu : « Les cieux ont annoncé sa justice, et les peuples ont vu sa gloire : qu’ils soient confondus, tous ceux qui adorent des idoles, qui se glorifient dans leurs simulacres ». L’Église, en effet, n’était point répandue encore parmi les nations quelques Juifs croyaient en Judée, et ces Juifs croyaient que le Christ n’était que pour eux seuls : les Apôtres furent envoyés aux Gentils, ils prêchèrent à Corneille, et Corneille embrassa la foi, fut baptisé, et tous ceux qui étaient avec lui furent baptisés. Mais vous savez ce que Dieu fit pour les amener au baptême : il est vrai que le lecteur n’a pas été jusque-là aujourd’hui, plusieurs s’en souviennent, mais que ceux qui ne s’en souviennent plus, m’écoutent quelque peu. L’ange fut envoyé à Corneille, il envoya Corneille à Pierre, et Pierre vint à Corneille. Et comme Corneille était païen, comme ceux de sa suite, ils n’étaient point circoncis ; afin qu’il n’y eût aucune hésitation à prêcher l’Évangile à des Gentils incirconcis, avant que Corneille fût baptisé avec sa suite, le Saint-Esprit vint, les remplit, et ils parlèrent diverses langues. Le Saint-Esprit jusqu’alors n’était tombé que sur des baptisés, mais il descendit sur ces derniers avant le baptême. Pierre aurait pu hésiter à donner le baptême à des incirconcis, mais le Saint-Esprit descendit, et ils parlèrent diverses langues, ils reçurent un don invisible, qui leva toute hésitation à propos du sacrement visible ; et tous furent baptisés. Il est écrit au même endroit : « Or, les Apôtres, et les frères qui étaient en Judée, apprirent que les Gentils avaient reçu la parole de Dieu, et bénissaient le Seigneur[6] ». Voilà ce qu’annonce le Prophète : « Sion a entendu et a tressailli ; les filles de Juda ont été dans l’allégresse ». Qu’est-ce que Sion a entendu, pour être dans la joie ? « Que les Gentils ont reçu la parole de Dieu ». Une muraille s’était élevée, mais l’angle n’existait pas. Sion est proprement l’Église qui était en Judée et qui a reçu cette dénomination. « Sion a entendu et a tressailli ; les filles de Juda ont été dans l’allégresse ». C’est ce qui est écrit : « Les Apôtres, et les frères qui étaient dans la Judée entendirent ». Voyez si « les filles

  1. Apoc. 19,10
  2. Job. 1,11
  3. Ps. 117,18
  4. Act. 10,3
  5. Ps. 96,8
  6. Act. 11,1