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en évidence, et dans cette lumière terrestre, dans cette lumière qui du ciel se répand sur la terre ; c’est là qu’il a placé son tabernacle. Mais comment y mettrait-il sa tente, s’il ne sortait comme le jeune Époux de son lit nuptial ? Car voilà ce qui vient après ces paroles : « Il a placé son tabernacle dans le soleil ». Et comme si on lui demandait comment ? « Semblable au jeune Époux », répond-il, « qui sort du lit nuptial, il a bondi comme un géant pour parcourir sa carrière[1] ». Le tabernacle est donc le même que l’Épouse. Le Verbe est l’Époux, la chair l’Épouse, et le lit nuptial est le sein de la Vierge. Et que dit l’Apôtre ? « Ils seront deux dans une même chair : c’est là un grand sacrement, ce que j’entends du Christ et de l’Église[2] ». Que dit lui-même le Seigneur dans l’Évangile ? « Ils ne sont donc plus deux, mais une seule chair[3] » : de deux choses une seule, du Verbe et de la chair, un seul homme, un seul Dieu. Sur la terre les fléaux se sont approchés de ce tabernacle, car il est évident que le Seigneur fut flagellé[4]. Mais a-t-il subi la flagellation dans le ciel ? Pourquoi non ? Parce qu’il a placé bien haut son refuge, afin d’être notre espérance ; et le mal n’approchera point de lui, et le fléau n’abordera point son tabernacle. Il est bien haut dans les cieux, mais il a les pieds sur la terre. La tête est dans les cieux, le corps ici-bas. Or, quand Saul foulait et meurtrissait les pieds, la tête cria : « Saul, Saul, pourquoi me persécuter[5] ? » Voilà que nul ne persécute la tête, que la tête est dans le ciel : « et le Christ, une fois ressuscité ne meurt plus, la mort n’aura plus d’empire sur lui[6] : le mal n’approchera plus de vous, le fléau n’atteindra point votre tente ». Mais gardons-nous de croire que la tête est séparée du corps ; séparée quant aux lieux, ils sont unis par la charité : et c’est la tendresse de cette charité qui cria du ciel : « Saul, Saul, pourquoi me persécuter ? » Sa voix tonnante renversa le persécuteur que relevait une main miséricordieuse. Et alors le persécuteur du Christ devint membre du Christ, afin d’endurer ce qu’il faisait souffrir.
6. Quoi donc ! mes frères, qu’est-il dit de notre chef ? « C’est vous, Seigneur, qui êtes mon espérance, vous avez placé bien haut votre asile. Le mal n’approchera point de vous, et le fléau n’abordera point votre tabernacle ». Voilà ce qui est dit : « Car Dieu a commandé à ses anges de prendre soin de vous, de vous garder dans toutes vos voies ». Vous l’avez entendu à la lecture de l’Évangile[7] ; écoutez encore : Notre-Seigneur fut baptisé, et il jeûna. Pourquoi baptisé ? Afin que nous ne pussions dédaigner le baptême. Quand Jean lui-même disait au Seigneur : « Vous venez à moi pour être baptisé, et c’est moi qui dois être baptisé par vous » ; et que le Seigneur lui répondait : « Laissez-moi, car il nous faut accomplir toute justice[8] » ; il voulait donc passer par l’humilité, être purifié de souillures qu’il n’avait point. Pourquoi ? pour confondre l’orgueil de ceux qui devaient venir. On trouve quelquefois, en effet, un catéchumène plus instruit et plus vertueux que beaucoup de fidèles ; il voit beaucoup de baptisés qui sont ignorants, qui ne vivent pas aussi bien que lui, avec moins de continence et moins de chasteté ; il voit que lui-même renonce au mariage, quand quelque fidèle use du mariage avec intempérance, s’il ne devient fornicateur : il peut alors lever la tête avec orgueil, et dire. Qu’ai-je besoin d’être baptisé, d’avoir ce qu’a ce fidèle, bien moins avancé que moi en science et en vertu ? Le Seigneur lui répond : En quoi le devances-tu ? de combien le devances-tu ? Autant que moi-même je suis au-dessus de toi ? « Le serviteur n’est point au-dessus de son Seigneur, ni le disciple au-dessus de son maître ; qu’il suffise au serviteur d’être comme son Seigneur, et au disciple comme son maître[9] ». Ne t’élève pas au point de dédaigner le baptême. Tu recevras le baptême de ton maître, et moi j’ai recherché le baptême du serviteur. Le Seigneur fut donc baptisé, puis tenté après son baptême, et il jeûna pendant ces quarante jours mystérieux dont je vous ai parlé souvent. On ne saurait tout dire en une seule fois, et user ainsi un temps nécessaire. Après quarante jours il eut faim, lui qui pouvait n’avoir jamais faim ; mais comment eût-il pu être tenté ? Et s’il n’eût pas triomphé du tentateur, comment apprendrais-tu à le combattre ? Il eut donc faim, et alors le tentateur : « Dis que ces pierres deviennent du pain, si tu es Fils de Dieu[10] ». Était-il si difficile à Notre-Seigneur Jésus-Christ de changer des pierres en

  1. Ps. 18,6
  2. Eph. 5,31-32
  3. Mt. 19,6
  4. Id. 27,26
  5. Act. 9,4
  6. Rom. 6,9
  7. Mt. 4,1-11
  8. Id. 10,14-15
  9. Id. 10,24-25
  10. Id. 4,3