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l’éternité ; aujourd’hui, pendant que nous élevons nos mains vers Dieu, nous lui demandons peut-être cette surabondance, au sein de laquelle nous serons un jour rassasiés, où disparaîtra tout à fait notre indigence ; où, enfin, nous ne désirerons plus rien, parce que nous posséderons tout ce qui peut ici-bas enflammer nos désirs, tout ce que nous aimons comme étant digne de nos affections. Déjà nos ancêtres sont morts, mais Dieu est toujours vivant : nous ne pouvons, par conséquent, jouir toujours de la présence de nos pères ; mais dans le ciel, dans la véritable patrie, nous serons toujours en la présence du Dieu vivant, de notre Père céleste. Dès lors que notre patrie d’ici-bas est terrestre, tant de plaisirs qu’elle nous offre, nous en sortirons un jour : d’autres hommes y naîtront nécessairement, et ils apparaîtront sur la scène de ce monde, pour en éloigner leurs parents, qui l’habitent aujourd’hui. Un enfant ne reçoit l’existence que pour dire à l’auteur de ses jours : Que fais-tu ici ? Venir après d’autres, naître, et chasser devant nous ceux qui nous ont précédés dans le chemin de la vie, voilà notre destinée sur la terre : au ciel, nous vivons tous simultanément, sans nous rein placer les uns les autres, parce que personne ne cédera sa place et personne ne sera là pour la prendre. O bienheureuse patrie ! qui est-ce qui pourrait en dépeindre les charmes ? Sur la terre tu aimes les richesses ? Au ciel, tu posséderas Dieu lui-même. Tu éprouves un indicible plaisir à te désaltérer à une source d’eau vive ? Y a-t-il rien de plus limpide ou de plus pur que la source de la sagesse éternelle ? Le Seigneur, qui a créé l’univers, te tiendra lieu de tout ce que tu peux aimer. « Mon âme sera remplie et comme engraissée de vos bénédictions, et mes lèvres s’ouvriront avec bonheur pour vous louer. Au milieu de ce désert, j’élèverai mes mains vers vous en invoquant votre saint nom : et mon âme sera remplie et comme engraissée de vos bénédictions, et mes lèvres s’ouvriront avec bonheur pour vous louer ». Pendant que la soif nous tourmente, c’est pour nous un devoir de prier ; quand nous n’en souffrirons plus, au lieu de prier Dieu, nous le louerons : « Et mes lèvres s’ouvriront avec bonheur pour vous louer ».
15. « Je me souviendrai de vous sur ma couche, et, dès le matin, je méditerai vos merveilles, parce que vous êtes mon protecteur[1] ». Ce lit du Prophète, c’est son repos. Puisse celui qui jouit du repos, ne pas oublier le Seigneur ! Plaise à Dieu que celui qui est tranquille, ne se laisse pas corrompre, et ne perde point le souvenir du Tout-Puissant ! Et dès lors qu’il en sera ainsi, il gardera le souvenir du Seigneur dans tout ce qu’il fera. Par le point du jour il entend les actions de l’homme, parce que, dès le matin, chacun se met au travail. Que dit-il donc ? ou plutôt, que veut-il dire par ces paroles : « Je me souviendrai de vous sur ma couche, et dès le matin je méditerai vos merveilles ? » Il veut dire : Si je ne me souviens pas de vous sur ma couche, je ne serai pas davantage disposé, dès le matin, à méditer vos merveilles ; car celui qui oublie Dieu au sein du repos, pensera-t-il à lui au moment d’agir ? Mais l’homme qui eu garde le souvenir pendant le repos, ne l’oublie pas non plus clans l’action ; car il craint alors de tomber en défaillance. « Et dès le matin je méditerai vos merveilles, parce que vous êtes mon protecteur ». De fait, si Dieu ne venait à notre secours, jamais nous ne serions capables d’opérer le bien et d’accomplir nos devoirs. Nos actions doivent être marquées au coin de l’honnêteté : et puisque Jésus-Christ nous instruit de ce que nous avons à faire, notre conduite doit être lumineuse et pure. L’Apôtre nous en avertit : « Celui qui fait mal », dit-il, « agit dans les ténèbres, et non pas aux premiers rayons du soleil. Ceux qui s’enivrent, s’enivrent pendant la nuit ; et ceux qui dorment, dorment pendant la nuit : pour nous, qui sommes des enfants de lumière, soyons sobres ». Il nous recommande de vivre honnêtement, et de marcher à la lumière du jour. « Marchons avec honnêteté, comme au grand jour[2]. « Parce que », ajoute-t-il, « vous êtes les enfants du jour et de la lumière, et non les enfants de la nuit et des ténèbres[3] ». Quels sont ces enfants de la nuit et des ténèbres ? Ce sont ceux qui font toujours le mal. Et ils sont à tel point des enfants de la nuit, qu’ils craignent de laisser voir leurs œuvres : ils ne font le mal en public, que quand beaucoup d’autres agissent de la sorte : et lorsqu’ils sont presque seuls à le faire, ils se cachent. Pour commettre publiquement

  1. Ps. 62,7-8
  2. Rom. 13,13
  3. 1 Thes. 5,5-8