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sanctuaire, c’est qu’il ne leur a encore manifesté ni sa puissance ni sa gloire ; en d’autres termes, elles n’ont point encore purifié leur cœur ; par conséquent, elles ne comprennent point la grandeur de sa puissance ; elles ne lui rendent point grâces de ce que, malgré sa majesté infinie, il est descendu jusqu’à nous, pour y naître et y souffrir dans l’humiliation ; elles sont, en un mot, incapables de contempler sa puissance et sa gloire.
12. « Car votre miséricorde vaut mieux que toutes les vies[1] ». Il y a, en ce monde, pour l’homme, des manières de vivre de plus d’un genre ; mais, dans le ciel, Dieu ne nous en réserve que d’une sorte ; et quand il nous l’accordera, ce sera, non en raison de nos mérites, mais par un effet de sa miséricorde. Car pour mériter une pareille faveur, qu’avons-nous fait ? En vertu de quelles bonnes œuvres avons-nous prévenu les dons et les grâces du Seigneur ? A-t-il trouvé en nous des actes de vertu à récompenser ? Ou plutôt, n’y a-t-il pas trouvé des fautes à punir ? Ah, sans doute il aurait pu, sans injustice, nous punir, car il nous a pardonné bien des chutes ; et n’est-ce pas justice que de châtier un pécheur ? Et puisqu’il aurait pu, sans blesser nos droits, nous frapper à cause de nos péchés ; ç’a donc été de sa part une grande preuve de miséricorde de ne pas nous punir, de nous justifier, de changer notre malice en bonté, et notre impiété en un véritable esprit de religion. « La miséricorde du Seigneur vaut donc mieux que toutes les vies ». De quelles vies parte le Prophète ? De celles qu’embrassent les hommes. Celui-ci choisit la vie du commerçant, celui-là la vie du cultivateur : l’un préfère l’existence du banquier ; l’autre, celle du soldat : chacun se décide suivant son goût, d’une manière ou d’une autre. Voilà donc divers genres de vie, mais « votre miséricorde est préférable à toutes les vies ». Ce que vous accordez aux convertis, vaut mieux que ce que choisissent les méchants. Vous nous mettez en possession d’une vie bien autrement précieuse que toutes celles que nous aurions pu choisir dans le monde. « Parce que votre miséricorde est préférable à toutes les vies, ma bouche chantera vos louanges ». Vos louanges ne sortiraient point de mes lèvres, si votre miséricorde ne me prévenait : elles ne sont donc qu’un effet de votre généreuse bonté à mon égard : non, je ne serais nullement capable de vous bénir, si vous ne m’en donniez vous-même le pouvoir. « Parce que votre miséricorde est préférable à toutes les vies, ma bouche chantera vos louanges ».
13. « De la sorte je vous bénirai en cette vie, et je lèverai mes mains vers vous en invoquant votre saint nom[2] ». « Je vous bénirai de la sorte dans ma vie » : c’est-à-dire, dans la vie dont vous m’avez gratifié ; non pas dans la vie que j’ai choisie parmi toutes celles que se partagent mes semblables, et pour des motifs mondains, mais dans celle que vous m’avez miséricordieusement accordée, afin que je vous bénisse. « Je vous bénirai de la sorte dans ma vie ». Quel sens donner à ces mots, « de la sorte ? » J’attribuerai, non à mes mérites, mais à votre bonté pour moi, cette vie au sein de laquelle je chanterai vos louanges. « Et je lèverai mes mains en invoquant votre saint, nom ». Prie donc, et durant ce pieux exercice élève tes mains. Attaché à la croix, Notre-Seigneur a élevé ses mains en notre faveur : Il a étendu les bras pour nous. S’il a agi ainsi en sa douloureuse passion, c’était afin de nous faire étendre les nôtres vers les bonnes œuvres : sa croix a donc été pour nous une source de grâces. Jésus a élevé ses mains vers le ciel : il s’est offert lui-même pour nous en sacrifice à Dieu son Père, et, par là, il a effacé toutes nos fautes. Levons donc nous-mêmes les nôtres vers le trône du Tout-Puissant dans l’exercice de la prière, afin qu’occupées à opérer toutes sortes de bonnes œuvres, elles ne se fatiguent point inutilement à s’étendre vers le ciel. Que fait, en effet, celui qui élève ses mains vers Dieu ? C’est pour nous un devoir de le faire et de prier le souverain Maître, car, « je veux », dit l’Apôtre, « que les hommes prient en tout lieu, et lèvent vers le ciel leurs mains pures, avec un esprit éloigné de toute colère et de toute contention[3] ». Pourquoi ce devoir ? Pourquoi ce commandement ? Afin qu’au moment où nous élèverons nos bras vers Dieu, le souvenir de nos actions se présente à nous. Tu agis ainsi pour demander ce que tu désires par là, tu penses à les employer au bien, pour ne pas avoir à rougir de cette action « Et j’élèverai mes mains, en invoquant votre saint nom ». C’est ainsi qu’en priant nous

  1. Ps. 62,4
  2. Ps. 62,5
  3. 1 Tim. 2,8