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Les deux fils d’Héli furent tués en effet, et la femme de l’un, devenue veuve, mourut bientôt dans l’enfantement, et dans le trouble d’alors ne pût être pleurée, ni ensevelie avec honneur[1].
39. « Le Seigneur s’éveilla comme d’un profond sommeil ». Il paraît, en effet, dormir, quand il abandonne son peuple entre les mains de ceux qu’il déteste, et qui lui disent : « Où est ton Dieu[2] ? Il s’est éveillé s comme un homme endormi, comme un homme puissant appesanti par le vin[3] ». Il n’y a que l’Esprit de Dieu pour oser parler de la sorte. Il prend le langage insolent des impies, qui s’imaginent que Dieu dort comme un homme ivre, quand il ne vient point au secours des hommes aussitôt qu’ils l’avaient cru.
40. « Il frappa ses ennemis par-derrière[4] » ces mêmes ennemis qui s’applaudissaient d’avoir pu prendre l’arche. Ils furent frappés dans la partie la plus cachée du corps[5], ce qui figure pour moi le châtiment dont sera frappé quiconque regardera en arrière. Tout cela doit être pour nous du fumier, selon le mot de l’Apôtre[6]. Recevoir l’arche de Dieu, sans se dépouiller de la vanité, c’est ressembler à ces peuples ennemis qui, après avoir pris l’arche de l’alliance, la placèrent près de leur idole. Et ces idoles tombent, nonobstant leurs efforts : « Car toute chair n’est qu’une herbe des champs, toute gloire de l’homme n’est que la fleur de l’herbe. L’herbe se dessèche, la fleur tombe ; tandis que l’arche du Seigneur demeure éternellement[7] », c’est-à-dire le royaume des cieux, le lieu secret de cette alliance, et où réside « le Verbe » de Dieu. Mais ceux qui aiment ce qui est par-derrière, en sont justement châtiés : « Dieu les couvre d’une éternelle ignominie ».
41. « Il rejeta le tabernacle de Joseph, et ne choisit point la tribu d’Ephraïm. Mais il choisit la tribu de Juda[8] » Il n’est point dit qu’il ait rejeté le tabernacle de Ruben, qui fut le premier-né de Jacob, non plus que ceux qui suivirent Ruben et qui précédèrent Jacob dans l’ordre de naissance, pour choisir Juda après avoir rejeté les autres. On pouvait croire néanmoins que ces tribus étaient rejetées car Jacob, dans la bénédiction qu’il donne à ses lits, maudit les crimes détestables des aînés[9] : toutefois, parmi eux la tribu de Lévi mérita d’être la tribu sacerdotale, et de donner le jour à Moïse[10]. Le Prophète ne dit point que Dieu rejeta la tribu de Benjamin ; ou qu’il ne choisit point la tribu de Benjamin, qui fut la première à donner un roi ; car ce fut en elle que Saut fut élu[11]. Or, le peu de temps qui s’écoule entre la réprobation de Saül qui fut rejeté, et l’élection de David[12], nous ferait dire parfaitement bien, que Dieu rejeta Benjamin. Mais le Prophète ne donna que les noms de ceux que leurs mérites paraissaient rendre plus célèbres. Joseph nourrit en Égypte son père et ses frères. Vendu sans aucune pitié, il mérita d’arriver au comble de la gloire, par sa piété, sa chasteté, sa sagesse[13] : Ephraïm fut préféré à son aîné dans la bénédiction le Jacob son aïeul[14] : et pourtant Dieu rejeta le tabernacle de Joseph, et ne choisit point Ephraïm ». Que nous montre le Prophète par ces noms d’un mérite éclatant, sinon que ce peuple tout entier fut rejeté et réprouvé parce qu’il n’avait jamais recherché de Dieu que des biens temporels : et que si la tribu de Juda fut choisie, ce ne fut point à cause des mérites de Juda ? Joseph méritait beaucoup plus. Mais comme c’est de la tribu de Juda que le Christ est né selon la chair, l’Écriture nous montre ici que le peuple du Christ, peuple nouveau, a été préféré à l’ancien peuple, par le Seigneur qui ouvre sa bouche en paraboles. Aussi dans ces paroles qui suivent : « La montagne de Sion qu’il a aimée », nous aimons mieux voir l’Église du Christ, qui ne sert point Dieu à cause des biens temporels, mais qui plonge les regards de sa foi dans un lointain avenir et sur les biens éternels : car Sion signifie contemplation.
42. Nous lisons ensuite : « Il a bâti sa sanctification comme la corne du rhinocéros[15] », ou, comme l’ont dit quelques interprètes avec un mot nouveau, son sanctifice. Le rhinocéros est bien choisi pour figurer ceux dont l’espérance ferme s’élève vers un seul objet, et dont un autre psaume a dit : « J’ai fait une seule demande au Seigneur, et la ferai toujours[16] ». Cette sanctification est, selon saint Pierre, « le peuple saint, le sacerdoce royal[17] ». Quand cette parole : « Il l’a fondée sur la terre pour l’éternité » : le grec porte eis ton aiona ;

  1. 1 Sa. 4,19-20
  2. Ps. 41,11
  3. Id. 77,65
  4. Id. 8
  5. 1 Sa. 5,6
  6. Phil. 3,8
  7. Isa. 40,6-7
  8. Ps. 77,67-68
  9. Gen. 49,1-7
  10. Exod. 2,1
  11. 1 Sa. 9,1-2
  12. Id. 16,1-13
  13. Gen. 41,40
  14. Id. 48,19
  15. Ps. 77,69
  16. Id. 26,4
  17. 1 Pi. 2,9