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comme revêtu de notre chair, tel qu’on l’a vu parmi les hommes, il fut crucifié, il est ressuscité, et nous savons qu’il est monté au ciel. Qui donc est autour de Dieu ? Les anges. Et nous, n’offrons-nous aucun présent ? Car le Prophète a dit : « Tous ceux qui l’environnent lui offriront des présents ». Si Notre-Seigneur était enseveli quelque part sur ta terre, si son corps était renfermé dans quelque tombeau comme celui des martyrs, nous remarquerions ceux qui seraient à l’entour, et les peuples qui avoisineraient ce tombeau, ou ceux qui y viendraient de toutes parts. Maintenant qu’il s’est élevé de la terre, il est au ciel. Que signifie : « Tous ceux qui l’environnent lui offriront des présents ? » Je vais vous dire le sens que Dieu daigne m’inspirer au sujet de ces paroles : s’il s’en présente un meilleur, il sera également à vous, car la vérité est de tout le monde : elle n’est ni à vous ni à moi, ni à celui 101, ni à celui-là, elle est commune à tous. Peut-être est-elle au milieu de nous, afin d’être ainsi environnée de tous ceux qui l’aiment. Ce qui est commun à tous, est au milieu de tous. Qu’est-ce à donc au milieu ? Également éloignée de tous, également rapprochée de tous. Ce qui n’est pas au milieu, paraît un bien privé. Ce qui est public, se place au milieu, afin que tous ceux qui viennent en aient une part, en soient éclairés. Que nul ne dise : Ceci est à moi, de peur de s’approprier ce qui est au milieu pour tous. Qu’est-ce donc : « Tous ceux qui l’environnent lui offriront des présents ? » Tous ceux qui comprennent que la vérité est commune à tous, qui ne tentent pas de se l’approprier avec orgueil comme leur bien propre, lui offriront des présents, parce qu’ils ont de l’humilité. Ceux, au contraire, qui s’emparent de ce qui est commua à tous, qui attirent séparément à eux ce qui est au milieu, n’offrent pas des présents à Dieu ; car « tous ceux qui l’environnent offrent les présents au Dieu terrible ». C’est au Dieu terrible que l’on fait des offrandes. Qu’ils le craignent dès lors, tous ceux qui l’environnent. Ils le craindront en effet, et le loueront avec frayeur, car ils ne l’environnent que pour l’atteindre, afin de le posséder en commun, d’en recevoir une lumière commune à tous. C’est là craindre Dieu. Chercher à se l’approprier, de sorte qu’il ne soit plus le bien de tous, c’est le propre de l’orgueil. Or, il est écrit : « Servez le Seigneur avec crainte, et louez-le avec tremblement[1] ». Donc ceux qui l’environnent lui offriront des présents, car ceux-là sont humbles qui savent que la vérité est le bien de tous.
18. À qui offriront-ils des présents ? « Au Dieu terrible, à celui qui ôte l’esprit des princes[2] ». L’esprit des princes est un esprit d’orgueil. Ceux-là ne sont pas de l’esprit de Dieu, qui regardent ce qu’ils savent, non comme le bien de tous, mais comme leur bien propre : il est, au contraire, à celui qui se regarde l’égal de tous, qui se met au milieu afin que tous puisent en lui ce qu’ils voudront et autant qu’ils voudront, non ce qui vient de l’homme, mais de Dieu, et dès lors ce qui est à eux puisqu’ils sont de Dieu. Tous ceux-là donc ont l’humilité, car ils ont échangé leur esprit coutre l’esprit de Dieu. Qui leur a fait perdre leur esprit ? Celui qui le fait perdre aux princes, ainsi qu’il est dit dans un autre psaume : « Vous leur ôterez leur esprit et ils seront sans force, et ils retourneront dans leur poussière. Vous enverrez votre esprit, et ils renaîtront, et la face de la terre sera changée[3] ». Quelqu’un a peut-être compris une vérité ; s’il se l’attribue en propre, il a encore son esprit ; il est à souhaiter qu’il perde son esprit pour acquérir l’Esprit de Dieu ; il s’enorgueillit encore avec les princes : il est bon qu’il rentre dans sa poudre, et qu’il dise : « Souvenez-vous, Seigneur, que nous ne sommes que poussière[4] ». Si tu confesses que tu es poussière, de cette poussière Dieu fera un homme. Tous ceux qui l’environnent lui offrent des présents. Tous ceux qui sont humbles se prosternent devant lui pour l’adorer. Ils offrent des présents au Dieu terrible. S’il est terrible, « tressaillez avec crainte, devant Celui qui ôte l’esprit des rois », ou qui réprime l’audace des orgueilleux. « il est terrible aux rois de la terre ». Les rois de la terre sont redoutables en effet, mais il est plus redoutable que tous les rois, Celui qui l’est même aux rois de la terre. Sois un roi de la terre, et Dieu sera terrible pour toi. Mais, diras-tu, comment serai-je un roi de la terre ? Gouverne la terre, et tu seras un roi de la terre. Loin de toi cette soif du pouvoir, qui te ferait jeter les yeux sur de vastes provinces pour y déployer ta puissance ; gouverne la terre que tu portes. Écoute l’Apôtre qui gouvernait

  1. Ps. 2,11
  2. Id. 75,13
  3. Id. 103,29-30
  4. Id. 102,14