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13. « La terre a tremblé, elle est demeurée dans la stupeur ». Quand ? « Alors que Dieu se levait pour le jugement, afin de sauver tous ceux qui ont le cœur doux[1] ». Quels sont ces hommes au « cœur doux ? » Ceux qui n’ont point monté sur des chevaux frémissants, mais qui ont humblement confessé leurs péchés. « Afin de sauver les hommes au cœur doux ».
14. « C’est pourquoi la pensée de l’homme vous confessera, et les restes de cette pensée célébreront une fête en votre honneur ». « Unie pensée » d’abord, et ensuite « les restes de cette pensée » Quelle est cette « pensée » première ? Celle qui commence, et la bonne « pensée » est celle qui commence l’accusation de ses fautes. La confession nous unit au Christ. Mais cette confession elle-même ou cette première « pensée » laisse en nous comme des suites, et ces mêmes « suites de la pensée célébreront en votre honneur des solennités. La pensée de l’homme vous confessera, et les suites de cette pensée célébreront des solennités en votre honneur[2] » Quelle sera donc « la pensée qui confessera ? » Une désapprobation de notre vie passée, qui prend à dégoût ce que nous avons été, et nous fait ce que nous n’étions pas encore : telle est la première « pensée ». Toutefois, comme l’aveu de tes fautes qui est le fruit de ta première pensée, te doit éloigner du péché, saris te faire oublier que tu as été pécheur ; avoir été pécheur, c’est là célébrer une fête en l’honneur de Dieu. Encore plus de clarté. La première « pensée » est l’aveu qui nous fait rompre avec le passé : mais oublier les fautes dont nous avons été délivrés, c’est ne pas remercier Dieu, et ne point célébrer une fête en son honneur. Voyez la première « pensée » de Saul devenu apôtre, et déjà Paul. Il était d’abord Saut, quand une voix se fit entendre du ciel, au moment où il persécutait le Christ, enlevait les chrétiens, et les cherchait partout pour les traîner à la mort ; il entendit cette voix du ciel : « Saul, Saul, pourquoi me persécuter[3] ? » Environné de lumière et néanmoins frappé d’aveuglement afin de ne voir qu’à l’intérieur, il émit sa première pensée d’obéissance. Il entendit ces paroles : « Je suis Jésus de Nazareth que tu persécutes. Seigneur », dit-il alors, « que voulez-vous que je fasse[4] ? » C’est là une « pensée » de confession ; il appelle Seigneur Celui qu’il persécutait. Comment « les restes de cette pensée seront-ils une fête ? » Saint Paul vous l’a dit lui-même, dans la lecture que vous avez entendue : « Souvenez-vous que Jésus-Christ, de la race de David, est ressuscité selon l’Évangile que j’annonce[5] ». Qu’est-ce à dire : « Souvenez-vous ? » Que cette « pensée », qui vous a fait tout d’abord avouer vos fautes, ne s’efface point de votre mémoire. Et voyez comme le même Apôtre se souvient du lardon qui lui a été accordé : « Tout d’abord », nous dit-il ailleurs, « je fus un blasphémateur, un persécuteur, un ennemi[6] ». Mais dire : « Je fus un blasphémateur », est-ce l’être encore ? Pour n’être plus blasphémateur, il eut tout d’abord une « pensée » de confession : et pour se souvenir du pardon, il eut « ces suites de la pensée », et ces suites furent une fête en l’honneur de Dieu.
15. Le Christ en effet, mes frères, nous a renouvelés, il nous a pardonné nos fautes et il a opéré notre conversion. Oublier cette miséricorde et Celui qui nous l’a faite, c’est oublier le don du Sauveur : mais quand nous n’oublions point le don du Sauveur, Jésus-Christ n’est-il pas chaque jour immolé pour nous ? Il l’a été une fois ; croire en lui, c’était là une première « pensée » ; « les suites de « cette pensée », sont de nous souvenir de Celui qui est venu en nous, de ce qu’il nous a pardonné. Ces restes de notre pensée, ou ce souvenir fait que Jésus-Christ s’immole chaque jour pour nous, et renouvelle chaque jour en nous cette première grâce du renouvellement. Car le Seigneur nous a retrempés dans le baptême, et nous sommes devenus des hommes nouveaux, pleins de joie dans l’espérance, et de patience dans la tribulation[7] ». Et toutefois ne perdons pas le souvenir de la grâce qui nous a été faite. Si votre « pensée » n’est point aujourd’hui ce qu’elle a été, car votre première « pensée » a été de sortir du péché, et si vous n’en sortez pas maintenant que cette œuvre est accomplie, ayez en vous « les restes de votre pensée », et n’oubliez point Celui qui vous a guéris. Oublier que vous fûtes blessés autrefois, c’est n’avoir plus « les restes de votre pensée ». Que veut dire ici David, croyez-vous ? Car il parle ici au nom de tous. David

  1. Ps. 75,10
  2. Id. 11
  3. Act. 9,4
  4. Id. 5
  5. 2 Tim. 2,8
  6. 1 Tim. 1,13
  7. Rom. 12,12