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DISCOURS SUR LE PSAUME 72

SERMON AU PEUPLE[1].

VANITÉ DES BIENS TERRESTRES.

Dans l’Ancien Testament était caché le Nouveau, comme le fruit dans sa racine. De cette racine Dieu a retranché des branches pour y greffer les Gentils qui doivent craindre et persévérer dans le bien. Les promesses temporelles, figures des promesses spirituelles, n’étaient que pour un temps, non plus que les hymnes de David, ou ce culte de la synagogue, mère des Apôtres ou des chefs du bercail. Ce peuple tiré de la servitude, puis errant dans le désert, et introduit dans la terre promise, était la figure du peuple chrétien, délivré par le baptême. Toutefois la terre promise qui finit pour les Juifs, les force à chercher une terre sans fin. La synagogue servait Dieu pour les biens du temps et se scandalisait de voir ces biens entre les mains des impies Elle ne bénit plus le Seigneur, elle l’accuse, puis arrive à comprendre qu’il faut chercher Dieu lui-même. – Le Prophète a failli s’égarer en voyant la prospérité des impies, qui pèchent dans l’abondance et non par nécessité, qui haïssent tout avertissement, qui se glorifient du mal sans penser à leur fin. Mais la mort changea les rôles pour Lazare et pour le mauvais riche. Le vrai fidèle se demande si Dieu n’a pas soin des choses d’ici-bas ; il se rassure par l’autorité des livres saints, qui prêchent la providence et la justice ; il méprise des biens que Dieu donne à ses ennemis. Il s’unit à Dieu pour voir, à la lueur du jugement, que l’élévation des impies n’est qu’une vaine fumée, leur félicité, celle d’un songe qu’il n’y a qu’à nous laisser mener par la main à la possession de Dieu, seul et souverain bien.


1. Écoutez, écoutez, ô vous, mes frères bien-aimés, qui êtes les entrailles du corps de Jésus-Christ, vous qui avez mis votre espoir dans le Seigneur votre Dieu, qui détournez les yeux des vanités et des folies mensongères[2] ; et vous qui les regardez encore, écoutez, pour ne les regarder plus. Ce psaume a pour inscription ou pour titre : « Fin des psaumes de David, fils de Jessé, psaume d’Asaph[3] ». Nous avons beaucoup de psaumes qui portent le nom de David, mais nulle autre part qu’en celui-ci ne se lit cette addition : « Fils de Jessé », qui, nous devons le croire, n’est pas sans motif ni sans raison. Partout en effet Dieu se montre à nous, et stimule en nous l’amour et le pieux désir de comprendre. Que signifie : « Fin des psaumes de David, fils de Jessé ? » On appelle hymnes des louanges que l’on chante en l’honneur de Dieu ; des chants qui contiennent la louange du Seigneur. Une louange qui ne serait point la louange de Dieu, ne serait plus une hymne ; de même une louange, et même louange de Dieu, mais que l’on ne chante pas, n’est pas l’hymne. Dès lors, l’hymne renferme ces trois conditions la louange, la louange de Dieu, puis le chant. Que signifie donc : « Fin des hymnes ? » C’est dire : fin des louanges que l’on chante en l’honneur de Dieu. Le Prophète semble nous annoncer un événement triste et lamentable. Car celui qui chante une louange, non seulement loue, mais loue avec allégresse, et celui qui chante une louange, non seulement chante, mais aime celui qu’il chante. La louange témoigne d’un zèle de prédication ; le chant est l’élan du cœur. Donc « fin des hymnes de David », dit le Prophète, et il ajoute « Du fils de Jessé ». Car ce David, fils de Jessé[4] fut roi en Israël, dans l’Ancien Testament, lorsque le Nouveau Testament était caché dans l’Ancien comme le fruit dans la racine cherchez du fruit dans la racine, vous n’en trouverez point, et néanmoins vous n’en trouverez point dans les branches qui ne soient issus de la racine. En ces jours donc, et chez ce peuple issu le premier d’Abraham selon la chair, car le second peuple aussi est issu d’Abraham, mais selon l’esprit ; chez ce peuple donc encore charnel où quelques Prophètes comprenaient et les desseins de Dieu, et le moment où il devait se révéler au monde ; ces Prophètes annoncèrent les temps à venir et l’avènement de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et comme ce Christ qui devait naître selon la chair, étau caché dans la génération patriarcale comme dans sa racine, et devait se manifester au temps marqué, semblable au fruit qui apparaît,

  1. Ce sermon prêché au peuple, probablement en 411, la veille de la fête de saint Cyprien. Voir Lettre 140 à Honor
  2. Ps. 39,5
  3. Id. 72,1
  4. 1 Sa. 16,18