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PREMIER DISCOURS SUR LE PSAUME 68

PREMIÈRE PARTIE DU PSAUME.

LA RÉDEMPTION PAR LE CHRIST.

Bien que l’Église soit en paix, elle a cependant de quoi gémir avec le Christ qui parle dans le psaume, qui s’en est fait l’application, ainsi que les Apôtres en parlant de lui. Il est pour ceux qui doivent changer. Or, nous changeons eu mal par notre faute, et en bien par la grâce de Dieu. Cette grâce nous vient de la Passion, ou de la Pâque, du passage de Jésus-Christ Les eaux l’ont submergé, ou la foule a prévalu contre lui. Nous avons horreur de la mort, et le désir ou plutôt la promesse de l’immortalité nous aide à souffrir. Nous sommes le limon où le Christ est plongé, pour nous donner la substance, ou bien soit la richesse spirituelle, soit l’innocence. Le Christ s’est fatigué à crier contre les scandales des Scribes et des Pharisiens. Si ses yeux se sont lassés d’espérer en Dieu, c’est dans la personne des Apôtres et des disciples. Ses ennemis le haïssent, non comme on hait le méchant, mis ils le haïssent sans sujet ; car il reprend simplement au démon ce que celui-ci a volé. Il ne parle de son imprudence et de ses fautes, qu’au nom de l’Église qui demande à Dieu que l’on ne puisse rougir de ses membres. Le zèle de la maison de Dieu l’a fait traiter comme étranger par les enfants de la synagogue. On lui a donné pour nourriture le fiel ou le péché. Il s’est revêtu d’un sac, ou plutôt de notre chair, et on l’a persiflé. Il demande à Dieu l’accomplissement des promesses, au temps marqué par Dieu. Seulement que Dieu le délivre, et ne laisse point l’abîme se refermer sur lui.


1. Nous apparaissons au monde pour être agrégés au peuple de Dieu au moment où cet arbrisseau qui a germé d’un grain de sénevé étend au loin ses rameaux ; où ce levain d’abord méprisable a fermenté dans trois mesures de farine[1], c’est-à-dire dans l’univers entier que repeuplèrent les trois fils de Noé[2] : car on vient en foule de l’Orient et de l’Occident, de l’Aquilon et du Midi pour reposer avec les patriarches, tandis que leurs descendants selon la chair, mais qui n’ont pas imité leur foi, sont chassés dehors[3]. Nous avons donc ouvert les yeux en face de cette gloire de l’Église du Christ elle jadis stérile, mais à qui l’on prédisait la joie, et l’on annonçait qu’elle aurait une postérité plus nombreuse que celle qui avait l’Époux[4], nous voyons qu’elle a oublié les opprobres et les ignominies de son veuvage aussi pouvons-nous être dans l’étonnement quand nous lisons dans quelques prophéties des paroles d’humilité dans la bouche du Christ ou dans notre bouche. Il est possible encore que nous en soyons moins touchés ; car nous ne sommes point venus dans le moment où, sous le pressoir de la persécution, l’on en goûtait la lecture. Mais si nous considérons combien nos tribulations sont nombreuses, combien est étroit[5] le chemin où nous marchons, si tant est que nous y marchions, et par quelles douleurs, par quelles angoisses il nous conduit à ta vie éternelle : si nous examinons combien ce que l’on appelle bonheur en cette vie est plus à craindre que le malheur ; car le malheur bien souvent nous fait recueillir de la tribulation un fruit excellent, tandis que Le bonheur corrompt notre âme par une fausse sécurité, et donne lieu aux tentatives du démon ; en considérant donc avec prudence et droiture, comme la victime déjà prête, que la tentation est le fond de la vie humaine sur la terre[6], que nul homme n’est dans une sécurité parfaite, qu’il ne doit être sans crainte que quand il arrivera dans la patrie, d’où nul ami ne s’en va, où n’entre aucun ennemi ; même aujourd’hui dans les splendeurs de l’Église nous retrouvons nos cris dans ces cris de détresse. Alors comme membres du Christ, unis à notre chef par les liens de la charité, pour nous maintenir réciproquement, nous dirons des psaumes, ce qu’en dirent les martyrs qui ont passé avant nous ; car depuis le commencement jusqu’à la fin, la tribulation est connue à tous les hommes. Toutefois reconnaissons dans le grain de sénevé[7] le psaume que nous entreprenons d’exposer, et dont nous voulons parler à votre charité au nom du Seigneur. Détournons quelque peu notre pensée de la hauteur de cet arbrisseau, de

  1. Mt. 13,31-33 ; Lc. 13,19-21
  2. Gen. 9,19
  3. Mt. 8,11
  4. Isa. 54,1 ; Gal. 4,27
  5. Mt. 7,14
  6. Job. 7,1
  7. Mt. 13,31