Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/649

Cette page n’a pas encore été corrigée

homme, qui es-tu, pour contester avec Dieu [1] ? » Toutefois Job avait-il agi ainsi ? Dieu ne l’avait point considéré comme un contradicteur, ainsi que l’avaient fait ses amis sans le comprendre, et il lui rend ce témoignage au commencement et à la fin du livre. Si donc il lui a adressé ces paroles, n’est ce point à cause du rôle tout spécial qu’il joue ici ? Il est la figure du corps de Jésus-Christ, de son Église, dont un grand nombre de membres sont faibles, et quoiqu’ils ne désespèrent point, ils sont sans cesse exposés à tomber. À peine osent-ils avancer : leurs pas sont peu multipliés, et la tranquillité du pécheur excite leur envie. Ils disent : « Dieu les voit-il ? « le Très-Haut en a-t-il connaissance ? Voilà que « ces impies, ces heureux du siècle accroissent « leurs richesses. C’est donc en vain que j’ai purifié mon cœur, et lavé mes mains dans l’innocence : j’ai été flagellé durant tout le, jour et « condamné dès le matin[2]. » De là cette réponse de Job dans les deux versets suivants.
33. « Job alors répondit :
34. « Pourquoi donc être jugé, après avoir entendu ces avertissements et ces reproches du Seigneur, puisque je ne suis rien ? » C’est-à-dire, pourquoi demanderais-je à être jugé, puisque le Seigneur m’arrête et me condamne, si, je veux le contredire ? « Après avoir entendu ces reproches. » C’est-à-dire, j’ai compris combien il a été envers moi juste et miséricordieux, puisque par moi-même je ne suis que néant. « Que lui répondrai-je ? » Que pourrai-je opposer à la vérité ? « Je porterai ma main à ma bouche ; » je saurai me contenir et m’empêcher de parler.. 35. « Je n’ai parlé qu’une seule fois ; je n’ajouterai plus rien. » S’il n’y a pas un.senscaché dans cette phrase, comment Job peut-il dire qu’il n’a parlé qu’une seule fois, puisque tant de fois il a pris la parole ? Comment dit-il qu’il ne la reprendra plus, puisqu’il va encore parler ? La parole doit ici s’entendre de la disposition de l’âme qui, recherchant les objets extérieurs, abandonne son Dieu et ose lui résister. Et quand elle s’y précipite avec plus d’ardeur, l’Écriture appelle son action un cri. Ainsi le Seigneur dit que le cri de Sodome est monté vers lui [3]. À cette parole, à ce cri est opposé le saint et pieux silence dont il est dit : Il sera dans le silence, exempt de toute crainte, loin de tout péché. Job a donc raison de dire qu’il n’a parlé qu’une seule fois, toujours le même langage dans toute sa vie de vieil homme, alors qu’il n’était qu’un souffle qui va et ne revient plus[4]. Maintenant qu’il met la main à la bouche pour ne plus parler, il promet de ne rien ajouter à ce langage d’autrefois, pour ne plus se séparer de Dieu. Ainsi-soit-il. Cette traduction est due à M. l’abbé JOYEUX.


homme, qui es-tu, pour contester avec Dieu [5] ? » Toutefois Job avait-il agi ainsi ? Dieu ne l’avait point considéré comme un contradicteur, ainsi que l’avaient fait ses amis sans le comprendre, et il lui rend ce témoignage au commencement et à la fin du livre. Si donc il lui a adressé ces paroles, n’est ce point à cause du rôle tout spécial qu’il joue ici ? Il est la figure du corps de Jésus-Christ, de son Église, dont un grand nombre de membres sont faibles, et quoiqu’ils ne désespèrent point, ils sont sans cesse exposés à tomber. À peine osent-ils avancer : leurs pas sont peu multipliés, et la tranquillité du pécheur excite leur envie. Ils disent : « Dieu les voit-il ? « le Très-Haut en a-t-il connaissance ? Voilà que « ces impies, ces heureux du siècle accroissent « leurs richesses. C’est donc en vain que j’ai purifié mon cœur, et lavé mes mains dans l’innocence : j’ai été flagellé durant tout le, jour et « condamné dès le matin[6]. » De là cette réponse de Job dans les deux versets suivants.

33. « Job alors répondit :

34. « Pourquoi donc être jugé, après avoir entendu ces avertissements et ces reproches du Seigneur, puisque je ne suis rien ? » C’est-à-dire, pourquoi demanderais-je à être jugé, puisque le Seigneur m’arrête et me condamne, si, je veux le contredire ? « Après avoir entendu ces reproches. » C’est-à-dire, j’ai compris combien il a été envers moi juste et miséricordieux, puisque par moi-même je ne suis que néant. « Que lui répondrai-je ? » Que pourrai-je opposer à la vérité ? « Je porterai ma main à ma bouche ; » je saurai me contenir et m’empêcher de parler.. 35. « Je n’ai parlé qu’une seule fois ; je n’ajouterai plus rien. » S’il n’y a pas un.senscaché dans cette phrase, comment Job peut-il dire qu’il n’a parlé qu’une seule fois, puisque tant de fois il a pris la parole ? Comment dit-il qu’il ne la reprendra plus, puisqu’il va encore parler ? La parole doit ici s’entendre de la disposition de l’âme qui, recherchant les objets extérieurs, abandonne son Dieu et ose lui résister. Et quand elle s’y précipite avec plus d’ardeur, l’Écriture appelle son action un cri. Ainsi le Seigneur dit que le cri de Sodome est monté vers lui [7]. À cette parole, à ce cri est opposé le saint et pieux silence dont il est dit : Il sera dans le silence, exempt de toute crainte, loin de tout péché. Job a donc raison de dire qu’il n’a parlé qu’une seule fois, toujours le même langage dans toute sa vie de vieil homme, alors qu’il n’était qu’un souffle qui va et ne revient plus[8]. Maintenant qu’il met la main à la bouche pour ne plus parler, il promet de ne rien ajouter à ce langage d’autrefois, pour ne plus se séparer de Dieu. Ainsi-soit-il. Cette traduction est due à M. l’abbé JOYEUX.

  1. Rom. 9, 20
  2. Psa. 72, 2-14
  3. Gen. 18, 20
  4. Psa. 77, 39
  5. Rom. 9, 20
  6. Psa. 72, 2-14
  7. Gen. 18, 20
  8. Psa. 77, 39