Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/584

Cette page n’a pas encore été corrigée

« avec cela Gédéon fit un éphod ; » ou, comme écrivent les Septante, un éphod, changeant ainsi le mot qu’on dit être employé en hébreu. Tous les prêtres ne portaient point cet éphod tissu d’or, d’hyacinthe, de pourpre, d’écarlate et de fin lin ; mais le grand-prêtre seulement. Aussi, l’éphod que Samuel reçut de sa mère, et dont nous avons parlé, n’était-il point ce riche ornement ; car Samuel n’était pas souverain Pontife, c’était un enfant qui était offert pour être élevé dans le temple. Cet éphod de Samuel est appelé éphudbar, ou plutôt, à ce que disent ceux qui connaissent la langue hébraïque, éphud-bat, ce qui signifie un éphod de lin. – Je pense que l’éphod fabriqué par Gédéon fut ce vêtement somptueux, principal ornement du Grand-Prêtre, et que, sous sa dénomination, se trouvent compris tous les autres ouvrages sacrés qu’il fit construire hors du tabernacle du Seigneur, dans sa propre ville. Tel fut le péché qui devint un sujet de scandale pour Gédéon et sa famille, et causa la perte d’un si grand nombre de ses fils, comme l’Écriture le raconte ensuite[1].
XLII. (Ib. 8, 27, 28.) Est-ce après le péché de Gédéon que le peuple jouit de quarante années de paix ? – Une question qui ne doit pas être omise, c’est de savoir comment pendant les jours de Gédéon la terre a été en repos quarante ans, puisque après la victoire qui affranchit la nation, Gédéon fit avec l’or des dépouilles une idole que tout Israël adora, et qui devint pour lui-même et toute sa maison une cause de ruine. Comment après une telle prévarication, dont Gédéon et le peuple se rendirent coupables, la terre tutelle en repos pendant quarante ans ? L’Écriture nous montre constamment qu’au lieu d’obtenir la paix, le peuple l’a perdue quand il est devenu infidèle au Seigneur son Dieu, et qu’au lieu d’être mis à l’abri des incursions de ses ennemis, il a passé sous leur joug. Mais il y a ici, suivant l’usage de l’Écriture, un récit anticipé : l’histoire de l’éphod confectionné par Gédéon, contrairement à la Loi de Dieu, avec l’or provenant des ennemis vaincus et désarmés, est une histoire rapportée à l’avance, l’Écriture voulant joindre dans le même récit ce qui regarde l’origine de cet or et l’emploi que l’on en fit. Ce fut plus tard, vers latin des jours de Gédéon, que ce péché fut commis, quand vinrent les maux dont l’Écriture fait la narration après avoir mentionné les années de paix dont la terre jouit au temps de Gédéon. En rappelant ces années de paix, l’Écriture fait un résumé, c’est-à-dire qu’elle reprend la suite des événements qu’elle avait interrompue en intercalant le récit du scandale arrivé plus tard.
XLIII. (Ib. 8, 33.) Après la mort de Gédéon le peuple tombe dans l’idolâtrie. – « Et il arriva, après la mort de Gédéon, que les enfants d’Israël s’égarèrent et tombèrent dans la fornication à la suite des Baalim, et ils prirent Baalbérith pour leur Testament, afin qu’il fût leur Dieu. » Baalim et, Baalbérith sont des idoles. La prévarication du peuple, son idolâtrie fut plus énorme après la mort de Gédéon, qu’elle n’avait été de son vivant à l’occasion de l’éphod ; car l’éphod, bien que la confection en eût été illicite, était un des objets sacrés du tabernacle, tandis que cette dernière fornication de l’idolâtrie ne put pas même s’autoriser du prétexte qu’on suivait la religion de ses pères. Si l’éphod fut fait, non à la fin de la vie de Gédéon, mais auparavant, Dieu usa de patience, et permit que la paix ne fût point ôtée à la terre, parce que bien que l’on eût transgressé son précepte, on ne s’était pas entièrement éloigné de lui, en exécutant un ouvrage semblable à celui que lui-même avait prescrit en son honneur dans son tabernacle. Mais le Seigneur ne voulut pas laisser impunies ces dernières iniquités plus graves, cette manifeste idolâtrie de son peuple.

XLIV. (Ib. 9, 14, 15.) Allégorie. – Ici nous trouvons une allégorie : Le buisson, espèce d’épine, convié par les autres arbres à être leur roi, dit ces paroles : « Si en vérité vous me constituez pour votre roi, venez, confiez-vous à ma protection ; et si non, que le feu sorte du buisson et dévore les cèdres de Liban. » Le sens de ce passage st obscur, mais on l’éclaircit à l’aide d’une distinction. Il ne faut pas lire : « Et si le feu ne sort pas du buisson » mais il faut placer la virgule après ces mots : « et si non » puis ajouter : « que le feu sorte du buisson » c’est-à-dire : si vous ne me choisissez pas véritablement pour votre roi « que le feu sorte du buisson, et qu’il consume les cèdres de Liban. » Ces paroles expriment la menace de ce qu’il pourra faire, si on n’accepte pas sa royauté. Mais comme il ne dit pas : le feu sortira du buisson, et consumera les cèdres du Liban, et qu’il dit « que le feu sorte et consume » la distinction qui était sous-entendue ne suffit pas à éclaircir le sens. Quand quelqu’un dit par exemple : si tu ne veux pas faire ce que j’exige, que ma colère tombe sur toi, c’est-à-

  1. Jug. 9, 5.