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d’une femme, la conséquence à tirer n’est pas qu’il ait eu commerce avec elle. À la vérité ces expressions : « il entra auprès d’elle » n’expriment pas ordinairement autre chose ; mais ici ces paroles doivent être prises dans leur sen naturel : « il entra auprès d’elle » c’est-à-dire il entra dans sa maison. Elles ne signifient pas le commerce charnel.

XXIX. (Ib. 5, 7, 8.) Phrase rendue obscure par une inversion. – Dans le cantique de Débora il est dit : « Les habitants en Israël défaillirent, ils défaillirent jusqu’à ce que surgit Débora, jusqu’à ce que surgit une mère en Israël, ils choisirent de nouveaux dieux, comme on prend un pain d’orge : alors ils s’emparèrent des villes des princes. » Dans ce passage l’ordre des paroles interverti crée de l’obscurité, et soulève une question. Comment comprendre qu’ils « choisirent de nouveaux dieux comme on prend un pain d’orge » et que alors, ils « s’emparèrent des villes des princes ? » comme si Dieu les avait favorisés pour prendre ces villes, quand ils choisissaient de nouveaux dieux, préférant un pain d’orge au pain de froment ? Mais nous avons appris dans d’autres passages de l’Écriture comment il y a fréquemment des inversions. Si d’après cette donnée, on rétablit l’ordre dans les termes, le sens devient clair. Voici donc l’ordre véritable : « Les habitants en Israël défaillirent, ils défaillirent et se choisirent de nouveaux dieux, comme on prend un pain d’orge, jusqu’à ce que surgit Débôra, jusqu’à ce que surgit une mère en Israël. ; alors ils s’emparèrent des villes des princes. »
XXX. (Ib. 5, 8.) Sur la comparaison des faux dieux au pain d’orge. – On peut demander comment il est dit qu’ils « choisirent de nouveaux « dieux comme un pain d’orge. » Comparé au pain de froment, le pain d’orge doit être, à la vérité, laissé de côté : cependant il nourrit, c’est un aliment qui entretient la vie, tandis que les dieux nouveaux dont firent choix ceux qui s’éloignèrent du Dieu vivant, ces dieux ne purent fournir d’aliment à l’âme, mais furent plutôt un poison. Peut-être cette comparaison ne doit-elle être prise que sous un seul point de vue, et n’a-t-elle d’autre but que d’exprimer cette pensée de même que le dégoût a ordinairement pour effet de porter à rejeter ce qu’il faudrait choisir et à trouver du plaisir dans ce qu’il faudrait repousser ; ainsi par le vice de leur volonté dépravée, atteinte de langueur, et dégoûtée du vrai Dieu, qui était leur Dieu, ils cherchèrent dans les faux dieux la nouveauté seule, après avoir méprisé la vérité ; ils prirent de la sorte un aliment mortel comme si t’eût été un pain d’orge, sans penser qu’ils s’empoisonnaient, mais croyant puiser la vie dans une nourriture saine quoique plus grossière. La comparaison serait donc basée sur l’opinion des Israélites infidèles et leurs dispositions de langueur spirituelle, et non sur la vérité ; car ces dieux nouveaux ne peuvent aucunement être comparés à des aliments qui vivifient.

XXXI. (Ib. 6, 8, 11.) Le nom d’homme et de prophète, donné à un ange. – Quand les Israélites« crièrent vers le Seigneur, à cause de Madian, le Seigneur envoya un homme, un prophète aux enfants d’Israël, et il leur dit. » Pourquoi, contrairement à l’usage constant des Écritures, ce prophète n’est-il point désigné par son nom ? La cause, pour être cachée, n’en existe pas moins, je crois. En effet, après les paroles par lesquelles ce prophète reproche au peuple sa désobéissance, l’Écriture poursuit en ces mots : « Et l’ange du Seigneur vint, et il s’assit sous le chêne qui était à Ephra : » de là on conjecture, non sans vraisemblance, que c’est un ange quia été désigné ici sous le nom d’homme ; après avoir prononcé les paroles en question, il sera venu près du chêne indiqué, et il se sera assis. On sait que l’Écriture a l’usage de donner aux Anges des noms d’homme[1]. On ne voit pas aisément, sans doute, ni évidemment pourquoi un ange serait appelé un prophète ; mais on lit qu’un prophète fut appelé ange[2]. Mais si les anges ont prononcé des paroles prophétiques, c’est-à-dire, s’ils ont prédit les choses futures, pourquoi le nom de prophète ne pourrait-il pas être donné à un ange ? Toutefois, je l’ai dit, nous n’avons sur ce point aucun témoignage formel et péremptoire.
XXXII. (Ib. 6, 12.) Explication grammaticale. – Dans cette parole de l’ange à Gédéon : « Le Seigneur est avec toi, puissant dans la force » les expressions « puissant dans la force » sont au nominatif et non au vocatif ; c’est-à-dire, le « Seigneur puissant est avec toi » et non : avec toi, puissant.
XXXIII. (Ib. 6, 14.) L’ange parle comme tenant la place de Dieu. — Remarquez que l’ange, parlant à Gédéon, lui dit comme tenant la place de Dieu « N’est-ce point moi qui t’ai envoyé ? » Qui a envoyé Gédéon, sinon Celui quia député un ange

  1. Gen. 19, 10
  2. Mat. 11, 10