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et c’était le cas donc cette circonstance. Quant à ce qui est dit que c’est une « parole de Dieu » on doit admettre que Dieu, ayant suscité un sauveur à son peuple, lui donna l’ordre de tuer Églon ; car dans ces temps il fallait que le Ciel donnât de tels ordres.
XXI. (Ib. 3, 17.) Antiphrase. – On cherche avec raison comment il a pu se faire que « le roi Eglon étant extrêmement grêlé, sa graisse recouvrit sa blessure » après qu’il eut reçu le coup mortel. Mais il faut voir ici une antiphrase, manière de parler qui signifie le contraire de ce qu’elle énonce : c’est ainsi qu’on appelle lucus, le bois sacré, où il n’y a pas de lumière, lux, et qu’on exprime le défaut parle terme d'abondance; c’est ainsi encore qu’au livre des Rois il est écrit de Nabuth qu’il bénit le roi, pour marquer qu’il le maudit [1]. Toutefois nous lisons dans la Vulgate, traduite non sur les Septante mais sur l’hébreu : « Or, Eglon était d’un excessif embonpoint.
XXII. (Ib. 3, 23.) Encore une interversion. – « Et Aod sortit dehors et terrassa les gardes, et il ferma les portes de la chambre haute sur soi, et il ferma solidement. » Ces dernières paroles qui avaient d’abord été omises doivent se rattacher à ce qui a été dit précédemment. Car les portes furent d’abord fermées, et seulement alors, Aod descendit et traversa les gardes.
XXIII. (Ib. 3, 25.) Comment put-on ouvrir avec une clef une porte qui n’avait pas été fermée à la clef. – On pourra se demander comment les serviteurs du roi Eglonont pu ouvrir avec une clef la porte qu’Aod n’avait point fermée à la clef ; ou s’il avait fermé à la clef, comment n’avait-il pas emporté cette clef, afin d’empêcher qu’on ouvrît ? On prit une autre clef, ou bien les portes en question pouvaient se fermer, mais non s’ouvrir sans clefs. Il y a des appartements qui ferment de cette manière, ceux par exemple qui ont des verrous.
XXIV. (Ib. 3, 30.) Très longue paix. – Sous.lajudicature d’Aod, Israël jouit de la paix dans la terre promise l’espace de quatre-vingts ans, ce qui est le double de la durée de cette paix fameuse du peuple romain sous le roi Numa Pompilius.
XXV. (Ib. 3, 31.) Sur la victoire de Samgar. – « Et après lui parutSamgarfils d’Aneath, et il tua aux étrangers six cents hommes, sans compter les jeunes bœufs, et il sauva Israël. » On peut demander comment après Aod, Samgara combattu pour Israël, et comment il l’a délivré, car Israël n’avait pas été réduit de nouveau en captivité, ni soumis à la servitude. Comprenons que cette parole : « il sauva » rappelle non que l’ennemi fit du tort, mais qu’il ne lui fut pas permis d’en faire : il faut croire qu’il essaya de la guerre, mais qu’il fut repoussé par les armes victorieuses du nouveau Juge. Pourquoi ajouter : «sans compter les jeunes bœufs? » c’est obscur. Peut-être Samgar en combattant fit-il un carnage des bœufs ; et pour cette raison l’Écriture dirait qu’il a tué six cents hommes, sans compter les bœufs mis à mort. Mais pourquoi dire : de jeunes bœufs ? Serait-ce que dans la langue grecque l’usage est de donner le nom de veaux à, des bœufs déjà forts ? Il paraît que, en Égypte, cette locution est usitée, de même que chez nous on appelle poussins, les poules de tout âge. La version faite sur l’Hébreu ne porte pas celles-ci : « sans compter les jeunes bœufs » comme la version faite sur les Septante : mais en revanche, cette version faite sur l’hébreu porte celles-ci que n’a point la nôtre : « six-cents hommes tués, avec un soc de charrue. »

XXVI. (Ib. 4, 8.) Sur le secours des anges. – Quel est le sens de cette réponse de Barac à Débora : « Si tu vas, j’irai ; si tu ne viens pas avec moi, je n’irai point, car j’ignore en quel jour le Seigneur favorise son ange avec moi ? » Barac ne pouvait-il pas connaître par la prophétesse ce jour favorable ? Mais celle-ci ne le lui révèle pas elle marche avec lui. Puis, quel est le sens de ces paroles : « Le Seigneur favorisé son ange avec moi ? » Ceci montre-t-il que les anges eux-mêmes ne réussissent dans leurs entreprises que par l’appui du Seigneur ? Est-ce seulement une manière de parler ; et ces mots : « Le Seigneur favorise son ange avec moi » signifieraient-ils : Le Seigneur me donne le succès par le ministère de son ange ?
XXVII. (Ib. 4, 15.) Dieu dirige les événements, en agissant sur les cœurs. – « Et le Seigneur épouvanta Sisara et tous ses chariots. » C’est ainsi que l’Écriture nous montre Dieu agissant sur les cœurs, et donnant aux évènements l’issue qu’il a déterminée. Il épouvante, il stupéfie Sisara, c’est indubitablement pour le livrer.
XXVIII. (Ib. 4, 22.) Sens de ces mots : Il entra auprès d’elle. — Jahel, cette femme qui mit à mort Sisara, ayant parlé à Barac qui cherchait Sisara, l’Écriture dit que Barac « entra auprès d’elle. » Sur cela il faut observer que quand l’Écriture dit d’un homme qu’il entra auprès

  1. 1Ro. XXI. 10,13.