Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/576

Cette page n’a pas encore été corrigée

si celui qui commandait était impuissant à secourir. Dieu voulait reprocher cette désobéissance à tout le peuple parle ministère d’un Ange ; c’est pourquoi il n’en chargea pas Josué. Du temps de Josué, tout le peuple n’avait pu se rendre coupable de cette désobéissance ; quelques-uns peut-être avaient commencé à désobéir, si toutefois ils avaient commencé, et si cette faute, commise depuis la mort de Josué, n’a pas été racontée par anticipation. Il est plus vraisemblable, en effet, que rien de pareil n’eut lieu pendant la vie de Josué, et que les Israélites alors n’occupèrent que la portion du pays nécessaire à leur établissement ; mais il restait dans la part qui leur était échue d’autres ennemis à détruire, quand ils se seraient eux-mêmes multipliés et auraient accru leurs forces. Seulement après la mort de Josué, lorsque leurs succès les mirent à même d’accomplir leur mission, ils préférèrent suivre leurs inspirations personnelles et soumettre les vaincus à un tribut, plutôt que d’écouter la volonté de Dieu et de tout détruire. C’est pourquoi un ange leur est envoyé pour les réprimander. Ceci a été raconté dans le livre de Josué [1], je pense que c’est par anticipation. Si Josué est lui-même l’auteur du livre qui porte son nom, il a connu par l’esprit de prophétie ce qui devait arriver après sa mort. Si ce livre est d’un autre auteur, celui-ci savait que tout cela était arrivé après la mort de Josué, et en faisait le récit dans ce livre par anticipation.
XIII. (Ib. 2, 3.) Certains péchés se commettent par un effet de la colère divine. – Pourquoi l’ange du Seigneur, au milieu d’autres menaces de la vengeance divine, dit-il : « Je ne permettrai point que ce peuple que j’ai ordonné de détruire, périsse. « Je ne les ôterai pas de devant votre face, ils seront votre angoisse, et leurs dieux vous seront une cause de scandale ? » N’est-ce pas pour nous faire comprendre que certains péchés arrivent par un effet de la colère divine ? Dieu annonce avec menace et indignation que les dieux de ces nations, avec lesquelles les Israélites ont voulu habiter au lieu de les détruire, leur seront un scandale, c’est-à-dire, les feront pécher contre le leur Dieu, et vivre dans cette offense, ce qui est manifestement un grand péché.
XIV. (Ib. 2, 6, 8.) Nouvelle récapitulation. – « Et Jésus renvoya le peuple, et les enfants d’Israël s’en allaient chacun dans sa maison, chacun dans son héritage, occuper la terre. » Il n’y a pas le moindre doute que tout ceci soit dit par récapitulation [2]. La mort de Josué lui-même est rapportée dans ce livre. C’est comme le point de départ d’un abrégé rapide des événements accomplis depuis que le Seigneur a donné le pays à son peuple, de la vie que le peuple a menée sous les Juges, de ce qu’il a souffert. On reprend ensuite la suite des Juges eux-mêmes, en commençant par le premier qui fut établi.
XV. (Ib, 2, 10.) Dieu se fait connaître par des prodiges. – « Et il s’éleva une nouvelle génération après eux, laquelle ne connut point le Seigneur et les œuvres qu’il fit en Israël. » L’Écriture explique en quel sens elle dit qu’ils « ne connurent pas le Seigneur » c’est-à-dire, dans ces merveilles et ces prodiges accomplis auparavant devant Israël, pour lui faire connaître le Seigneur.
XVI. (Ib. 2, 13.) Baal et les Astarté ne diffèrent pas de Jupiter et des idoles de Junon. – « Et ils servirent Baal et les Astarté. » On dit que chez les peuples de ces contrées, Baal est le nom de Jupiter, et Astarté celui de Junon, et on pense en trouver la preuve dans la langue punique. Dans cette langue, en effet, Baal paraît signifier le Seigneur ; de là Baalsamen, pour dire le Seigneur du ciel ; car Samen signifie les Cieux. Quant à Junon, sans aucun doute, son nom dans cette langue, est Astarté. Comme il y a une grande conformité entre la langue panique et celle de l’Écriture, on croit avec raison que l’Écriture, en disant que les enfants d’Israël adorèrent Baal et Astarté, a voulu parler de Jupiter et de Junon. Ce n’est pas une difficulté lue le nom d’Astarté, c’est-à-dire de Junon, ne soit pas au singulier, mais au pluriel, comme s’il y avait plusieurs Junon. L’Écriture a en vue la multitude des idoles représentant cette déesse ; chacune de ces idoles portait le nom de Junon : il y avait donc, suivant l’Écriture, autant de Junons qu’il y avait de ces idoles. Je pense que si le nom de Jupiter est au singulier, et celui de Junon an pluriel, c’est uniquement une variété de style. On aurait pu également désigner plusieurs Jupiter, à cause de la multitude ides idoles de ce dieu. Les exemplaires grecs des Septante portent le nom de Junon au pluriel ; dans les versions latines ce nom est au singulier. Dans une de ces versions faite, non sur les Septante, mais sur le texte hébreu, nous lisons Astaroth, et au lieu de Baal, Baalim. Si par hasard, ces noms ont une autre signification dans la

  1. Jos. 13, 1, 3.
  2. Jos. 24, 28-29.