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ce fut la volonté du Seigneur que leurs cœurs s’affermissent, qu’ils combattissent contre Israël, qu’ils fussent défaits, et ne méritassent aucune clémence ; mais qu’ils fussent exterminés, suivant la parole du Seigneur à Moïse. » Il est dit de ces peuples, comme de Pharaon, que Dieu affermit leurs cœurs, en d’autres termes, qu’il les endurcit[1] : or quand Dieu abandonne et traite en ennemi, il est absolument hors de doute que sa conduite est juste et inspirée par un dessein profond de sa sagesse : c’est l’interprétation qu’il faut admettre ici comme dans le cas précité. Mais il se présente maintenant une autre question : comment l’Écriture dit-elle que le cœur des Chananéens fut affermi, afin qu’ils combattissent contre Israël, et qu’ils ne méritassent, pour cette raison, aucune clémence ? Ne semblerait-il pas qu’ils auraient eu droit à cette clémence, s’ils n’avaient pas pris les armes ? Cependant Dieu avait défendu d’en épargner un seul, et si les Gabaonites trouvèrent grâce, ce fut parce que les Israélites voulurent mettre à exécution le serment obtenu par un subterfuge. Comme les Israélites se permirent de montrer de l’indulgence envers quelques-uns, malgré la défense divine, il faut interpréter ce passage en ce sens que le Chananéens se battirent, de manière à se rendre indignes du pardon, et n’inclinèrent pas leurs vainqueurs à enfreindre le commandement de Dieu par un acte de clémence. Jamais, on doit le croire, une telle transgression n’aurait été commise sous la conduite de Josué, le fidèle observateur de tous les ordres divins. Lui-même, cependant, n’eût pas exterminé si rapidement les ennemis, s’ils ne s’étaient élevés contre lui dans une ligue aussi compacte ; n’ayant pas été vaincus par cet homme, fidèle à accomplir les volontés de Dieu, ils auraient pu se maintenir dans leur pays, jusqu’au temps qui suivit la mort de Josué, où des hommes moins zélés que lui auraient pu leur faire grâce. En effet, du vivant même de Josué, ces hordes épargnèrent quelques peuples, se contentant de les réduire en esclavage ; il y en eut d’autres dont ils ne purent triompher. Mais cela n’eut pas lieu sous sa conduite ; la vieillesse l’éloignait alors de la guerre, et il ne s’occupait plus que de faire le partage du pays : pendant ce temps-là, Israël prenait possession des territoires divisés et laissés libres par l’ennemi, ou bien s’emparait des autres positions, les armes à là main. Quant à l’impossibilité où ils furent réduits de vaincre quelques peuples, on verra, en son temps, par certains endroits de l’Écriture, que ce fut par une disposition spéciale de la divine Providence.
XIX. (Ib. 16, 10.) Addition faite par les Septante, dont l’autorité est comparée à celle des Prophètes. – « Ephrem n’extermina pas le Chananéen qui habitait dans Gaza ; mais le Chananéen a habité au milieu d’Ephrem jusqu’aujourd’hui, que Pharaon, roi d’Egypte, est venu, a pris la ville et l’a brûlée ; puis, a passé au fil de l’épée les Chananéens, les Phéréséens et ceux qui habitaient Gazer, et a donné cette ville en dot à sa fille. » Je n’admets pas volontiers que nous soyons tenus de voir une prophétie, dans ce trait relatif au roi Pharaon ; car on croit que cette histoire fut écrite à une époque rapprochée des événements dont il est ici question. Qu’y a-t-il d’ailleurs de si important dans l’annonce prophétique de ce fait, tandis que des événements futurs plus importants, et même nécessaires, sont passés sous silence ? Il faut donc plutôt voir dans ce passage une addition faite par les Septante, dont l’autorité, fondée sur leur accord admirable, est comparée à celle des Prophètes ; leur dessein n’a pas été de mettre ici une prédiction de choses à venir, mais d’insérer le récit d’un fait qu’ils avaient lu dans les livres des Rois[2], et qui leur était présent à la mémoire. Cet événement arriva, en effet, au temps dis rois. Ce qui rend à nos yeux ce sentiment plus plausible, c’est que ayant eu recours à là version faite sur l’hébreu, nous n’y avons point trouvé ce passage, non plus que celui où il est rapporté que Hoza encourrut la malédiction prononcée par Josué, pour avoir relevé les ruines de Jéricho. Voici en effet le texte : « En ce jour-là, Josué fit cette imprécation : Maudit soit l’homme qui relèvera et rebâtira cette ville ! Son premier-né mourra lorsqu’il en jettera les fondements, et le dernier de ses enfants, lorsqu’il « en mettra les portes[3]. » Jusque là, la version faite sur l’hébreu est identique ; mais on n’y lit pas ce qui suit : « Ainsi agit Hoza, qui était de Béthel ; il perdit Abiron, son premier-né, quand il jeta les fondements nouveaux de Jéricho ; et le plus jeune de ses fils, quand il en posa les portes[4]. » Il faut donc voir ici une interposition, due aux Septante, qui savaient cet événement.

  1. Exo. 7, 3, 22 ; 8, 19
  2. 1Ro. 4, 34 suiv. les septante ; 9, 16 Suiv. la Vulg
  3. Jos. 6, 26
  4. 1Ro. 16, 34