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trente mille guerriers prendre la ville de Gaï, s’adresse à eux en ces termes : « Vous dresserez une embuscade derrière la ville, et vous ne vous éloignerez pas beaucoup de la ville, et vous vous tiendrez tout prêts ; et moi, et tout le peuple avec moi, nous nous approcherons de la ville. Et lorsque les habitants de Gaï sortiront pour venir à notre rencontre, comme auparavant, nous fuirons devant eux. Et quand ils nous poursuivront, nous les attirerons de la ville, et ils diront : Ceux-ci fuient devant nous, comme auparavant. Vous sortirez alors de votre embuscade, et vous entrerez dans la ville. Vous agirez suivant ces paroles. Tel est l’ordre que je vous donne. » Il faut voir si toute volonté de tromper doit être considérée comme un mensonge ; et dans le cas où il en serait ainsi, s’il est permis de mentir, quand celui qu’on trompe mérite d’être trompé. Si, même alors, le mensonge ; n’est pas permis, il reste à chercher quelque raison mystérieuse qui excuse de mensonge cette ruse de guerre.
XII. (Ib. 9, 3-13.) Explication de quelques variantes. – Dans le passage où il est rapporté que les Gabaonites vinrent à Josué avec des pains vieillis et des sacs, afin de passer, comme ils en avaient l’intention, pour venir d’un pays lointain et se faire épargner à ce titre : car le Seigneur avait défendu aux Israélites de faire grâce à aucun des peuples habitant les pays où ils entraient plusieurs exemplaires grecs et latins portent « Ils mirent de vieux sacs sur leurs épaules » d’autres, plus croyables, portent : « sur leurs ânes » au lieu de « sur leurs épaules. » La similitude des mots dans le Grec a pu causer facilement cette erreur, de là aussi les variantes du texte latin En effet ὼμοις qui signifie « épaules » ne diffère guère, pour la consonance, de « όνοις » qui signifie « anes. » Mais il est plus vraisemblable de s’en tenir à ce dernier mot, car les Gabaonites se donnèrent pour des hommes envoyés d’un pays lointain : ils étaient donc apparemment députés par leur nation, et durent dès lors mettre plutôt sur leurs ânes que sur leurs épaules les objets nécessaires au voyage : ils ne pouvaient, en effet, être nombreux, et de plus, au témoignage de l’Écriture, ils portaient non seulement des sacs, mais encore des outres.
XIII. (Ib. 9, 19.)Sur le serment fait aux Gabaonites. – On peut demander comment les Hébreux, trompés par les Gabaonites, crurent devoir observer à leur égard le serment qu’ils leur avaient fait, comme si ces hommes étaient venus en réalité d’un pays lointain. Ceux-ci savaient qu’ils seraient subjugués, si les Hébreux venaient à apprendre qu’ils habitaient la terre promise, et ils n’ignoraient pas que le peuple de, Dieu s’en rendrait maître par l’extermination de tous ceux qui l’occupaient. Les Israélites s’engagèrent envers eux par un serment, sur cette affirmation mensongère qu’ils étaient venus d’une contrée lointaine. Et quand ils surent que ce peuple demeurait dans le pays dont ils devaient tuer tous les habitants qu’ils trouveraient, ils ne voulurent point cependant trahir la foi jurée ; même après avoir appris le mensonge dont ils avaient été dupes, ils aimèrent mieux faire grâce, pour rester fidèles à leur parole ; ils pouvaient déclarer cependant qu’en engageant leur parole, ils pensaient n’être pas trompés et que, après avoir découvert le mensonge, ils étaient tenus d’accomplir le commandement de Dieu et d’exterminer ce peuple comme les autres. Mais Dieu approuva leur conduite, et ne s’irrita point contre eux, quoiqu’ils ne l’eussent pas interrogé pour savoir qui étaient ces Gabaonites et qu’ils se fussent ainsi laissé tromper. Aussi bien peut-on croire qua les Gabaonites, tout en usant de feinte pour avoir la vie sauve, craignaient très sérieusement, et Dieu et son peuple : voilà pourquoi le Seigneur ne se montra irrité ni du serment des Hébreux, ni de la grâce qu’ils accordèrent aux Gabaonites, à tel point que dans la suite, comme on le voit dans l’histoire des Rois, il vengea ceux-ci contre la maison de Saül, de la même manière que s’ils eussent été des hommes de son peuple[1]. Et Dieu ne trouva pas mauvais que la fidélité au serment eût fait pencher son peuple vers la clémence, quoique ce fût au profit d’hommes coupables de mensonge. Au contraire, si après avoir juré de faire mourir quelques-uns des Gabaonites, les croyant habitants de la terre promise, ils avaient appris dans la suite que ces hommes étaient étrangers à ce pays et venus de loin, rien ne porte à croire qu’ils les auraient combattus, pour être fidèles à leur serment : car le saint roi David, inspiré par une pensée de clémence, aima mieux épargner Nabal que de tenir un serment terrible, même après avoir juré sérieusement de le faire mourir, sachant bien sur qui tombait sa colère[2] ; il crut se rendre plus agréable à Dieu, en manquant à sa parole

  1. 2Sa. 21, 1-9
  2. 1Sa. 25, 22-33