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la prière[1]. » Il appelle vraiment veuve celle qui est dépourvue de tout appui ; parce qu’elle est privée non seulement de son mari, mais encore de postérité et de toute espèce de secours car si elle était riche il ne dirait pas qu’elle est délaissée. C’est donc parce qu’elle est pauvre qu’on ne doit pas prendre en gage son vêtement ; et cette défense même de lui prendre son vêtement, est la preuve de sa pauvreté. Autrement, le créancier ne prendrait-il pas l’argent ou autre chose de préférence au vêtement ? Mais que répondre à cette objection : Si elle avait plusieurs vêtements qui ne lui fussent pas nécessaires, mais superflus ? Le voici : Comment comprendre qu’une véritable veuve vive autrement que dans ta désolation et en dehors de la mollesse ? « Pour celle qui vit dans les délices, ajoute l’Apôtre, elle est morte, quoiqu’elle paraisse vivante[2]. » Voilà le portrait qu’il met en opposition avec celui de la véritable veuve, pour faire voir qu’elle n’en a pas les qualités. On célèbre la continence des veuves riches, qui ont refusé de contracter un nouveau mariage ; mais on ne dit rien de leur désolation. Ces femmes ne sont veuves que de leurs maris, et non des autres choses.
XLIV. (Ib. 24, 19.) Sur la recommandation de laisser aux pauvres les grains et les fruits oubliés après la récolte.
– À propos de l’avertissement donné au peuple, de ne pas recueillir avec un soin avide la javelle oubliée dans la moisson, l’olive ou le raisin laissés sur les arbres ou sur le cep, mais de les abandonner aux indigents, une pensée s’élève peut-être dans l’esprit : Quelle est l’utilité de cette loi, si les fruits abandonnés par le maître sont recueillis par des hommes sans probité, et non par les indigents ? Mais il faut considérer d’abord que celui qui abandonne de bon cœur, en faveur des pauvres, ce qui lui appartient, exerce la miséricorde. Ensuite, comme la loi s’adresse à tout le peuple, ceux qui ne sont pas dans le besoin, sont avertis qu’ils n’ont pas le droit de recueillir ces fruits. S’ils s’arrogent ce droit, n’est-on pas autorisé à les regarder comme des ravisseurs du bien d’autrui, et, ce qui est plus grave, du bien des pauvres ? La Loi avertit donc et les uns et les autres : les propriétaires, de laisser dans leurs champs quelques fruits, par un sentiment d’humanité ; et ceux qui ne sont pas indigents, de n’y pas toucher ; voilà pourquoi elle désigne en même temps, et ceux qui doivent exercer la miséricorde, et ceux à qui cette faveur doit profiter.
XLV. (Ib. 25, 1-3.) Tout péché est une impiété plus ou moins grave.
— « S’il s’élève un différend entre deux hommes ; et qu’ils aillent devant le tribunal ils le jugeront, et justifieront le juste. » C’est-à-dire, les juges rendront la justice, et non les parties intéressées. « Et ils reprendront l’impie. Et si celui qui s’est rendu coupable d’impiété, mérite d’être battu ; vous le placerez en présence des juges, et ils le frapperont de verges devant eux, suivant la mesure de son impiété : ils le frapperont de quarante coups, et ne dépasseront pas ce nombre. Et s’ils dépassent ce nombre de quarante coups, votre frère sera couvert de honte devant vous. » Chose très remarquable ; après avoir prescrit la flagellation, et une flagellation si modérée, pour des fautes quine méritent point la peine de mort, la Loi qualifie cependant le coupable du nom flétrissant d’homme impie. Ceci nous apprend que les Écritures ne tiennent pas le même langage que le commun des hommes ; nous ne savons pas les lire, quand nous pensons que l’adultère, crime puni de mort par la Loi, n’est pas une impiété, par ce motif que celui qui le commet semble n’avoir offensé qu’un de ses semblables ; il en est de même, quand nous estimons les impiétés, des péchés plus considérables que l’adultère, tandis que la Loi réduit à quarante coups de verges le châtiment réservé à plusieurs d’entre elles. Il y a donc une impiété légère, qui est digne du fouet, et il y a une impiété plus grave, qui mérite la mort : de même, parmi les péchés qui semblent s’attaquer aux hommes plutôt qu’à Dieu, il y en a qui rendent dignes de mort, et d’autres qui méritent un châtiment différent, la flagellation, ou un autre peine plus douce. Il est constant, en effet, que les Septante qualifient aussi d’impiété la conduite de celui qui a mérité d’être battu de verges.
XLVI. ([b. 25, 5.)
1. De la loi sur le Lévirat.
– « Si deux frères habitent ensemble, et que l’un d’eux meure sans enfants ; la femme du mort ne sera pas à un autre qui ne lui est pas proche ; le frère de son mari ira à elle, la prendra pour épouse, et cohabitera avec elle. Et l’enfant qui naîtra sera admis au nom du défunt, et son nom ne sera pas effacé d’Israël. » En voulant que la veuve soit épousée par le frère de son mari, la Loi semble n’avoir eu d’autre but que de susciter une postérité à celui qui

  1. 1Ti. 5, 4-6
  2. Id. 6