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c’est-à-dire, ne doit jamais la renvoyer, c’est qu’elle est devenue son épouse ? nous nous rappelons aussitôt la permission donnée par Moïse de faire un acte de divorce et de renvoyer la femme[1], mais c’est ce droit précisément, 'qu’il refuse à celui qui a commis le crime de déshonorer une vierge ; il ne veut pas qu’on se joue d’elle, et que l’on feigne de la prendre pour épouse, au lieu de l’accepter franchement et de bonne volonté. La Loi donne le même droit à la femme accusée à tort par son mari de s’être mariée à lui, sans qu’il l’ait trouvée vierge[2].
XXXV. (Ib. 23, 3-4.) En quel sens l’Ammonite et le Moabite sont exclus à jamais du droit de cité parmi les Hébreux.
– « L’Ammonite et le Moabite n’entreront point dans l’assemblée du Seigneur ; ils n’y entreront pas jusqu’à la dixième génération, et à jamais. » Comment donc alors Ruth la Moabite[3], que le Seigneur eut pour ancêtre selon la chair[4], entra-t-elle dans cette assemblée ? Ne serait-ce point ce privilège qui était annoncé d’une manière mystérieuse dans ces paroles jusqu’à la dixième génération ? » Car il y a lieu de supputer les générations depuis Abraham, dont Lot, père des Moabites et des Ammonites par son union avec ses filles, fut le contemporain ; or en comprenant Abraham[5], on compte dix générations complètes jusqu’à Salmon, père de Booz, lequel fut le second mari de Ruth. Les voici : Abrahain, Isaac, Jacob, Judas, Pharès, Esrom, Aram, Animadab, Naasson, Salmon. Salmon donna le jour à Booz, qui épousa Ruth devenue veuve ; et c’est ainsi que cette dernière nous apparaît, après dix générations, faisant son entrée dans l’assemblée du Seigneur, en donnant des fils à Booz. Mais alors, pourquoi cette addition dans le texte : « et à jamais ? » Serait-ce parce que nul Ammonite, nul Moabite n’entra plus dans l’assemblée du peuple hébreu, quand, après dix générations, la prophétie se trouva réalisée ? Ou mieux, dans ces mots : « et jusqu’à la dixième génération » le nombre dix n’équivaudrait-il pas à une sorte d’universalité et les mots qui suivent : « et à jamais » ne seraient-ils pas mis là pour confirmer le même sens ? S’il en est ainsi, Ruth semble avoir été admise contrairement à la défense de la Loi. Mais peut-être les hommes seuls du peuple Ammonite sont-ils exclus, et non, les femmes ? Ce qui porterait à le croire, c’est que, après avoir vaincu ce peuple, les Israélites reçurent l’ordre de tuer tous les hommes, mais de réserver les femmes, à l’exception de celles qui avaient eu commerce avec l’homme[6], parce qu’elles avaient entraîné le peuple à la fornication ; quant aux vierges, elles furent épargnées, parce qu’on ne leur imputa point la faute qui attira, la ruine de cette nation. C’est d’ailleurs ce que le texte rappelle ici, comme pour répondre d’avance à cette objection : pourquoi les Moabites et.lesAmmonites furent-ils repoussés de l’assemblée du Seigneur ? On lit en effet : « parce qu’ils ne sont pas venus au-devant de vous avec du pain et de l’eau, lorsque vous étiez en chemin, après votre sortie de l’Egypte ; et parce qu’ils ont fait venir contre vous Balaam, fils de Béor, de Mésopotamie, afin qu’il vous maudît[7]. » Dès le temps où ils triomphèrent de la résistance de cette nation, ils n’imputèrent point ces griefs aux femmes, et préférèrent leur conserver la vie sauve.
XXXVI. (Ib. 22, 15.) Défense de livrer à son maître l’esclave étranger qui se réfugiait en Israël. « Tu ne livreras point à son maître l’esclave qui se sera réfugié chez toi. » Le sens du texte « apposituma dominosuo » n’est pas que le maître a placé, confié son serviteur, car alors il serait mieux de dire « depositum » qu’il l’a comme mis en dépôt ; mais non, il s’agit d’un esclave qui a quitté son maître et, par le fait même, s’est joint, en quelque sorte, à Israël : La Loi défend donc de rendre ce serviteur fugitif, loin de vouloir qu’il soit renvoyé. Cette permission peut paraître, une injustice, si l’on ne réfléchit pas qu’elle s’adresse à une nation tout entière, au lieu de concerner un particulier. Dieu défend de rendre à son maître, c’est-à-dire, à son roi, un étranger qui vient chercher un refuge dans la nation à laquelle il parle, C’est la conduite que tint aussi l’étranger Achis, roi de Geth, lorsque David se réfugia auprès de lui pour éviter la présence de son maître, je veux dire de Saül[8]. Ce qui est dit d’ailleurs du transfuge lui-même : « qu’il demeurera parmi vous partout où il lui plaira[9] » ne laisse aucun doute sur la pensée du législateur.
XXXVII. (Ib. 23, 17.) Sur la défense de la fornication.— « Il n’y aura point de femme prostituée entre les filles d’Israël, et il n’y aura point de fornicateur entre les enfants d’Israël. » Voilà, incontestablement, la défense

  1. Deu. 24, 1
  2. Id. 22, 19
  3. Ruth. 1, 23
  4. Mat. 1, 5
  5. Gen. 19, 37-38
  6. Nom. 31, 17-18
  7. Deu. 23, 4-5
  8. 1Sa. 20, 10
  9. Deu. 23, 16