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devant le Seigneur en face du soleil ; et la colère dont le Seigneur est animé contre Israël se retirera. » La colère de Dieu venait des fornications charnelles et spirituelles de son peuple ; car il s’était prostitué par des actions impudiques aux filles de Moab, et il s’était consacré aux idoles : de là le commandement fait à Moïse d’exposer les princes du peuple devant le Seigneur en face du soleil. Le sens de ce passage est, que les coupables furent condamnés au supplice de la croix, et ces mots : « Expose-les devant le Seigneur en face du soleil » signifient : en plein jour, à la lumière de cet astre. En effet le grec porte ici : παραδειγμάτισον, terme qu’on peut rendre par : donne en exemple ; car παραδειγμά veut dire exemple. Et, sans parler des Septante, la leçon de Symmaque porte : attache, ou plutôt : attache eu haut, sens propre de anapexon; et celle d’Aquila dit plus expressément encore Pends##Rem. Il est fort étonnant que l’Écriture ait omis de nous apprendre si cet ordre du Seigneur fut mis à exécution : pour moi, je ne vois pis qu’il ait pu être méprisé, ou l’être impunément. S’il a été accompli, bien que l’Écriture n’en parle pas, pourquoi rapporte-t-elle que le Seigneur fut apaisé et que la plaie cessa, aussitôt que Phinées, fils d’Eléazar, eut transpercé les adultères ? Ne semblerait-il pas qu’après le crucifiement des chefs, ordonné par le Seigneur, son indignation durait encore et devait être apaisée d’une autre manière ? Et cependant les prédictions et les promesses de Dieu contenues dans les paroles suivantes ne pouvaient sans doute être mensongères : « Prends les chefs du peuple, et expose-les devant le Seigneur en face du soleil ; et la colère dont le Seigneur est animé contre Israël cessera. » Si donc cet ordre a été exécuté, comment douter que la colère divine se soit retirée d’Israël ? Qu’était-il encore besoin que Phinées tirât une telle vengeance des adultères afin de fléchir Dieu, et que l’Écriture lui rendit ce témoignage qu’il avait de cette manière apaisé le Seigneur ? Peut-être pourrait-on s’en tenir à cette interprétation : au moment où il se disposait à mettre à exécution le commandement de Dieu relatif aux chefs du peuple, Moïse voulut en même temps punir, conformément à la Loi, ces forfaits énormes et cette audace sacrilège ; or, tandis qu’il commandait à chacun de mettre à mort celui de ses proches qui s’était consacré d’une manière infamante aux dieux de l’étranger, Phinées accomplit son acte héroïque ; la colère du Seigneur fut ainsi apaisée, et l’on put se dispenser de livrer les chefs au supplice. Cette sévérité, qui se justifie par elle-même pour des temps comme ceux-là, fait assez voir aux hommes qui joignent la sagesse à la foi l’énormité de la fornication et de l’idolâtrie.
LIII. (Ib. 27, 13,14.) Moïse, Aaron et Josué, types de l’avenir. – Le Seigneur assigne à la mort de Moïse la même cause qu’à celle d’Aaron. Il leur avait, en effet, prédit à tous deux « qu’ils n’entreraient point avec le peuple dans la terre promise, parce qu’ils ne le glorifièrent point en présence du peuple aux Eaux de contradiction[1] ; » en d’autres termes, parce qu’ils mirent en doute sa libéralité, craignant que l’eau ne pût couler du rocher, comme nous l’avons fait voir en cet endroit de l’Écriture[2]. Or, il y a un sens mystérieux caché ici : c’est que ce n’est ni le Sacerdoce, institué primitivement et représenté en la personne d’Aaron, ni la Loi elle-même, représentée en la personne de Moïse, qui introduisent le peuple de Dieu dans la terre de l’héritage éternel, mais Jésus (Josué), type de Notre-Seigneur Jésus-Christ, en d’autres termes, la grâce par la foi. Aaron mourut avant qu’Israël fût entré dans une portion de la terre promise ; au contraire, c’est du vivant de Moïse que les Hébreux s’emparèrent et se mirent en possession du pays des Amorrhéens : mais il ne lui fut pas permis de franchir le Jourdain avec eux. Une portion de la Loi s’observe encore au sein du Christianisme ; ses préceptes demeurent et aujourd’hui encore sont obligatoires pour les chrétiens, tandis que le sacerdoce lévitique et les sacrifices ne tiennent aucune place dans la foi chrétienne, si ce n’est comme, d’anciens types qui voilaient dans l’ombre les réalités à venir. Ce que Dieu dit de ces deux frères, Moïse et Aaron, « qu’ils rejoindront leur peuple » prouve évidemment qu’ils ne sont pas sous le coup de celte colère divine, dont l’effet est de priver de la paix que l’on possède dans l’éternelle société des Saints. Ainsi, évidemment, leu r mort, aussi bien que leurs l’onctions, est la représentation symbolique des choses à venir, loin d’être un châtiment de la colère divine.
LIV. (Ib. 27, 18, 19.) Pourquoi Josué est-il consacré ? – « Le Seigneur parla ensuite à Moïse, et lui dit : Prends auprès de toi Jésus, fils de Navé, cet homme qui possède l’Esprit en lui : et tu imposeras tes mains sur lui, et

  1. Nom. 20, 12
  2. Ci-dessus, quest. XIX.