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Disperse çà et là. Ce qui suit : « Les encensoirs de ces pécheurs ont été sanctifiés dans leurs âmes » renferme, il est vrai, une formule singulière de langage ; mais cette nouvelle manière de s’exprimer veut dire que les encensoirs sont devenus une chose sainte par la punition de ceux qui ont commis ce péché : car leur exemple est une leçon qui apprend aux autres à trembler. Nous voyons ensuite le motif pour lequel Dieu veut que ces encensoirs soient placés autour de l’autel ; c’est « parce qu’ils ont été offerts devant le Seigneur, et que, ayant été sanctifiés, ils sont devenus un avertissement, à Israël. » L’indignité de ceux qui ont fait l’offrande n’est pas pour Dieu une raison de la rejeter, mais il préfère attirer l’attention sur Celui à qui cette offrande à été faite, c’est-à-dire, sur le Seigneur ; afin de faire comprendre que le nom du Seigneur, à qui les encensoirs ont été présentés, a plus clé vertu que le crime de ceux qui les avaient offerts.
2. L’Écriture ne suit pas toujours l’ordre chronologique dans la narration du fait. – Au reste, l’Écriture avait déjà mentionné le fait en question, au livre de l’Exode, dans l’endroit où elle parle de la fabrication de l’autel[1] : on voit par cet exemple que les saints livres ne s’attachent pas à décrire les choses suivant l’ordre des temps, mais suivant la nature de leur objet. C’est ainsi que ce livre des Nombres rapporte comment la verge d’Aaron poussa des fleurs et des fruits, pour confirmer le choix que Dieu avait fait de lui comme prêtre [2]. Or, au livre de l’Exode, quand Dieu donne ses ordres pour l’érection du tabernacle, nous lisons déjà que cette verge doit être déposée dans l’arche avec la manne au milieu du Saint des Saints [3]. Il est évident que Dieu prescrit cette particularité longtemps avant l’érection et l’achèvement du tabernacle : car le tabernacle fut dressé le premier mois de la seconde année après la sortie de l’Égypte[4] ; et ce livre commence au premier jour du deuxième mois de cette seconde année. Si l’on considère l’ordre des livres entre eux, il en résulte donc manifestement que ces détails sont rétrospectifs et rappellent des faits anciens, tandis qu’une attention superficielle ferait voir dans ces livres une narration des événements dans l’ordre exact de leur date.

XXXI. (Ib. 18, 1.) Le mot péché employé dans le sens de sacrifice pour les péchés. – « Le Seigneur dit à Aaron : Vous recevrez les péchés de ce qui est saint, toi et tes fils, et la maison de ton père avec toi ; et vous recevrez les péchés de votre sacerdoce ; toi et tes fils. » Ces péchés sont ce qu’on appelle les sacrifices pour les péchés. Par conséquent « les péchés de ce qui est saint », ne veut pas dire les péchés des saints ; maison les appelle péchés parce que ce sont des sacrifices pour les péchés : et on dit, de ce qui est saint, parce qu’ils sont offerts dans le Sanctuaire ; de là leur nom : « les péchés de ce qui est saint. Les péchés de votre sacerdoce » signifient également les sacrifices offerts pour les péchés, sacrifices dont les victimes, selon la déclaration formelle du Lévitique, appartiennent de droit au prêtre[5].
XXXII. (Ib. 18, 12.) Tous les premiers fruits, présentés au Seigneur, sont réservés aux prêtres. – « Tous les premiers fruits, primogenita, qui sont « dans leur terre, et qu’ils auront apportés au Seigneur, seront à toi. » Primogenita ne signifie pas ici les premiers-nés des animaux, car on les désigne en grec par le mot πρωτότοκα, tandis que primogenita a pour terme correspondant πρωτογενήματα, Mais le latin n’a pas deux mots pour exprimer ces objets. De là vient que plusieurs interprètes ont traduit πρωτογενήματα par prémices : mais c’est à tort, car les prémices se nomment en grec απαρκαἰ, et renferment un sens différent. Voici donc la différence tranchée qui distingue ces trois choses : πρωτότοκα désigne les premiers-nés des animaux, et même des hommes ; πρωτογενήματα les premiers fruits obtenus de la terre, soit des arbres, soit de la vigne ; les prémices enfin, les premiers fruits tirés de la terre, il est vrai, mais rentrés des champs, comme ce qu’on tirait d’abord de la pâte, du grenier, du tonneau ou de la cuve.
XXXIII. (Ib. 19, 1-22.) Significations figuratives des prescriptions de la Loi, relatives à la Vache rousse et à l’eau d’expiation.
– Nous ne pouvons nous abstenir de parler de la génisse rousse, dont la cendre doit, aux termes de la Loi, servir à l’eau d’aspersion et à la purification de ceux qui ont touché un mort ; car elle est une figure éclatante du nouveau Testament ; et cependant nous ne pouvons, pressés comme nous sommes, parler assez dignement d’un mystère aussi sublime. D’abord, qui ne serait frappé du ton solennel avec lequel l’Écriture aborde

  1. Exo. 27, 2
  2. Nom. 17, 8
  3. Exo. 26
  4. Id. 40, 15.
  5. Lev. 6, 25-26.