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« L’homme coupable de cette faute irrite Dieu[1], – parce que Dieu résiste aux superbes [2]. Et cette âme, ajoute le texte sacré, sera exterminée du milieu du peuple [3] : » car elle ne peut, à aucun titre, être classée parmi ceux qui appartiennent à Dieu. « Parce qu’elle a méprisé la parole de Dieu, et foulé aux pieds ses commandements, cette âme sera brisée de douleur [4]. » Pourquoi ce brisement et cette douleur ? Ce qui suit en donne la raison : « Son péché, dit l’Écriture, est sur elle:» par conséquent, si le pécheur superbe, se repentant de sa faute, en éprouve une douleur suffisante, Dieu, nous le répétons, ne méprisera pas ce repentir. Toutefois le grec ne dit pas dans ce passage : « Cette âme sera brisée de douleur, contritione conteretur » mais « sera entièrement broyée, extritione exteretur » ce qui peut signifier qu’elle sera pour ainsi dire broyée de toute manière, au point d’être réduite au néant. Mais d’abord l’âme étant immortelle de sa nature, il est impossible d’admettre cette interprétation. Ensuite, si tout ce qui est broyé, exteritur, était entièrement anéanti, Dieu ne dirait pas en parlant du sage : « Et que ton pied presse, exterat, souvent le seuil de sa porte [5]. » Quoi qu’il en soit, il est nécessaire d’étudier plus sérieusement la question de savoir si l’on peut pécher autrement que par ignorance, ou par faiblesse, ou par mépris : sujet trop vaste pour que nous puissions nous en occuper ici.
XXVI. (Ib. 16, 13, 14.) Sur la révolte de Dathan et d’Abiron. – Dathan et Abiron, révoltés et rebelles à la voix de Moïse, lui adressent cette réponse aussi outrageante que superbe : « N’est-ce pas assez que tu nous aies entraînés vers une terre où coulent le lait et le miel, pour nous faire périr dans le désert ? Car tu es à notre tête, tu règnes sur nous : et tu nous as conduits dans une terre où coulent des ruisseaux de lait et de miel, et tu nous as donné en partage des champs et des vignes. » Ils ajoutent : « Tu aurais arraché les yeux à ces hommes : nous ne montons pas. » Quel est le sens de ces mots ? De qui veulent parler Dathan et Abiron ? Est-ce du peuple d’Israël ? Alors le sens serait celui-ci : Si tu avais procuré au peuple ces bienfaits, tu lui aurais arraché les yeux, c’est-à-dire, il aurait pour toi tant d’affection, qu’il s’arracherait les yeux pour te les donner. Au jugement de l’Apôtre lui-même, c’est là une grande marque d’amour : « Car, dit-il aux Galates, s’il était possible, vous vous seriez arraché les yeux, pour me les donner[6]. » Ce qu’ils ajoutent met le comble à leur révolte : « Nous ne montons pas » c’est-à-dire : Nous n’irons point, car Moïse les avait fait appeler. Ces rebelles faisaient peut-être, au contraire, allusion dans leur réponse aux ennemis qu’on leur avait dépeints si forts et si terribles ; le sens reviendrait alors à ceci : Quand même tu leur aurais arraché les yeux, nous ne t’obéirions point ; un temps du verbe serait mis pour un autre, « Nous ne montons pas » au lieu de, Nous ne monterions point, par un tour de phrase particulier à l’Écriture.
XXVII. (Ib. 26, 20, 21.) Dieu sépare les bons des méchants, quand il punit ces derniers. – « Le Seigneur parla à Moïse et à Aaron et leur dit : « Retirez-vous du milieu de cette assemblée. » Chose remarquable ! lorsque la vengeance divine est sur le point d’éclater contre les méchants, le Seigneur veut qu’une séparation soit établie entre les personnes ; c’est ainsi que Noé se sépare avec sa maison des hommes condamnés à périr dans le déluge [7] ; que Loth et les siens se séparent des habitants de Sodome destinés à être consumés par le feu du ciel [8] ; que le peuple d’Israël lui-même s’éloigna des Égyptiens quand les flots de la mer allaient les engloutir [9] ; et qu’enfin, dans la circonstance présente, Moïse et Aaron se séparent de Choré, Dathan et Abiron, les premiers instigateurs de la scission et de là révolte : ces saints personnages, vivant et demeurant au milieu de ces rebelles et de ceux que Dieu réprouvait, comme il le dit lui-même en les reprenant, ne cédèrent point cependant à l’entraînement de leurs mauvais exemples ; le Seigneur ne leur donna pas non plus l’ordre de se séparer des coupables, tout le temps qu’il différait sa vengeance, ou que celle qu’il tirait d’eux laissait les innocents à l’abri de tout péril et de toute atteinte : ainsi en fut-il de la morsure des serpents, ainsi en fut-il du grand massacre dans lequel Dieu frappait celui qu’il voulait et comme il voulait, sans toucher aux autres ; alors ce n’était plus comme l’eau du déluge, ou la pluie de feu, ou les flots de la mer, ou enfin la terre entrouverte, qui pouvaient engloutir toute espèce de personnes à la fois ; sans doute, même dans ces circonstances, Dieu aurait pu conserver les siens ; mais qu’était-il besoin d’opérer

  1. Nom. 15, 30
  2. Jac. 4, 6
  3. Nom. 15, 30
  4. Id. 31
  5. Sir. 6, 36
  6. Gal. 4,15
  7. Gen. 7, 15
  8. Id. 19, 12
  9. Ex0. 19, 20