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le peuple. — Pour que le peuplé né craignit pas d'entrer dans la terre promise, Caleb et Jésus fils de Navé, lui adressèrent, entre autres, ces paroles. « Ne craignez point le peuple de ce pays, car ils seront pour nous une bouchée. Le temps n'est plus pour eux, tandis que le Seigneur est en nous ne les craignez point. » Quand ils disent: « Ils seront pour nous une bouchée, » cela signifie: Nous les anéantirons. Ils ajoutent: «car le temps n'est plus pour eux, tandis que le Seigneur est en nous; » ils ne disent point: Le Seigneur n'est plus pour eux, et c'est de leur part une preuve de grand discernement, car ces peuples étaient impies de longue date : or, comme Dieu, dans les secrets desseins de sa providence, accordé à l'impie un temps de prospérité.et de triomphe « Le temps, disent-ils, n'est plus pour eux, tandis que Dieu est avec nous. » Ils ne disent pas « Le temps n'est plus pour eux, et commence pour nous, » mais: le Seigneur, et non le temps, est pour nous. En effet, les premiers ont eu le temps pour eux, mais ceux-ci ont pour eux le Seigneur Dieu, le créateur et l'ordonnateur des temps, celui qui s'en réserve la dispensation selon son bon plaisir.
XXIV. (Ib. 15, 24-29.) Des péchés involontaires. – La loi, qui règle la manière d’expier les péchés involontaires, donne lieu à cette question Qu’entend-on par péchés involontaires ? Sont-ce ceux qu’on commet sans le savoir ? ou bien encore faut-il entendre par là ceux qu’on commet sous l’impression de la contrainte ? car on dit ordinairement de ces derniers qu’ils se font contre le gré de la volonté. Mais, dans ce cas, on veut ce qu’on se propose en péchant : quelqu’un, par exemple, voudrait bien ne pas se parjurer ; mais, tenant à la vie, il fait un faux serment pour échapper à la mort dont on le menace en cas de refus. Il veut donc se parjurer, parce qu’il veut vivre ; non pas que de lui-même il tienne à se souiller d’un faux serment, mais le faux serment est pour lui un moyen de salut. D’après cet exposé, je ne vois pas qu’on puisse ranger ces fautes parmi les péchés involontaires, dont la loi règle ici le mode d’expiation. En effet, à le bien prendre, il n’est peut-être personne qui veuille le péché pour, lui-même, mais le pécheur se propose quelque chose en dehors de son péché. Tous les hommes qui font le mal sciemment voudraient qu’il fût permis : tant il est vrai que personne ne désire pécher précisément pour le plaisir de pécher, mais pour arriver au résultat qu’il se promet en péchant. S’il en est ainsi, les péchés involontaires sont ceux que l’on commet sans le savoir : une différence tranchée les sépare des fautes volontaires.
XXV. (Ib. 15, 30-31.) Comment s’expient les péchés d’orgueil. – « Toute âme qui aura péché dans la main de son orgueil, soit des indigènes, soit des prosélytes, celui-là irrite Dieu, et cette âme sera exterminée du milieu de son peuple, parce qu’elle a méprisé la parole du Seigneur et foulé aux pieds ses commandements cette âme sera brisée de douleur, son péché est sur elle. » L’Écriture elle-même explique suffisamment ce qu’il faut entendre par ces péchés commis dans la main de l’orgueil, c’est-à-dire, par orgueil, quand elle ajoute : « Parce qu’elle a méprisé la parole du Seigneur. » Donc, autre chose est de mépriser les commandements ; autre chose, de les avoir en haute estime, en les transgressant par ignorance ou par faiblesse. Ces deux circonstances atténuantes appartiennent peut-être aux péchés involontaires, pour lesquels Dieu se laisse apaiser par le sacrifice expiatoire qui vient d’être décrit ; c’est après cela qu’il parle des péchés d’orgueil, dont le caractère propre est la perpétration du mal accompagnée du mépris des commandements. Pour cette sorte de péché, il n’ordonne point de sacrifice comme moyen d’expiation : c’est à ses yeux un mal en quelque sorte incurable ; ou du moins, les sacrifices prescrits dans l’Écriture ne sont pas capables d’y porter remède : il est vrai que ces sacrifices ne peuvent par eux-mêmes remédier à aucune faute. Mais si l’on pénètre le mystère qui est caché dans ces sacrifices, on pourra se convaincre qu’ils purifient du péché. Ces mots de l’Écriture : « Quand le pécheur est descendu aux dernières profondeurs du mal, il méprise[1] » s’appliquent au même péché qu’elle décrit ici en disant : Cette âme a péché « dans la main de son orgueil. » Ce péché ne peut être effacé que par le châtiment du coupable ; il ne peut rester impuni et c’est par la pénitence que s’en opère la guérison : car l’affliction et le repentir sont le châtiment, quoique médicinal et salutaire, du péché. Sans doute, le péché paraît grand, lorsqu’il consiste dans le mépris orgueilleux des commandements ; mais pour le guérir, Dieu ne méprise point « un cœur contrit et humilié [2]. » Et comme cette guérison ne se fait point sans douleur, l’Écriture a dit :

  1. Prov, 18, 3
  2. Psa. 50, 19