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leurs parentés, leur peuple, les maisons de leurs familles, le nombre de leurs noms, et leur tige » et ces cinq expressions se trouvent répétées d’une manière absolument identique à chacune des tribus, depuis la première jusqu’à la dernière comme s’il y avait quelque différence entre les parentés, les peuples, les maisons des familles, le nombre des noms et la tige des enfants d’Israël, tandis que tout cela parait plutôt ne signifier qu’une seule et même chose sous des termes différents. Ce soin minutieux de répéter les mêmes expressions à propos de toutes les tribus, semble nous marquer que nous ne devons pas juger ici à la légère, quand bien même nous ne comprendrions pas le sens de ce passage. Le nombre lui-même voile ici quelque mystère : car ce n’est pas sans raison que cinq fois la même chose est désignée sous des noms différents. Le nombre cinq, qui est celui des livres de Moïse, jouit effectivement d’une autorité considérable dans l’ancien Testament. Mais il y a nécessairement de la différence entre les quatre particularités mentionnées plus loin, savoir : que le dénombrement comprendra les mâles, depuis vingt ans et au-dessus, tous ceux qui sont capables d’aller à la guerre ; et reconnus pour tels : quoique la même formule soit également répétée à propos de toutes les tribus. En effet, quand il était question de fixer le nombre de toute la multitude appartenant à une tribu, il fallait d’abord déterminer le sexe ; c’est pourquoi il est dit : « Tous les mâles. » Et pour que les enfants n’entrassent point dans ce compte, l’Écriture a ajouté : « depuis vingt ans et au-delà. » Et pour que la vieillesse, qui est impropre aux armes, n’entrât point non plus dans le dénombrement, il a été dit encore : « tout ce qui est capable d’aller au combat. » Enfin il est un mot qui est la conclusion convenable de cette opération « Et reconnus comme tels. » Cette reconnaissance complétait le dénombrement des milliers d’hommes jugés propres au service militaire. Ces cinq choses : la parenté, le peuple, les maisons de la famille, le nombre de noms et la tige, et ces quatre autres : le sexe, l’âge, la force pour le service et la reconnaissance de ces qualités, présentent donc peut-être un sens mystérieux. En effet si l’on multiplie ces deux nombres entre eux, quatre par cinq, ou cinq par quatre, on aura vingt au produit. Ce nombre désigne aussi l’âge des jeunes gens. Il est rappelé, au moment de l’entrée dans la terre promise, et il est dit de cet âge de vingt ans, qu’il n’a penché ni à droite ni à gauche. Je crois voir en ceci une image des Saints de l’une et l’autre Alliance, qui ont conservé fidèlement le dépôt de la vraie foi. Car l’ancienne Alliance n’est-elle point surtout remarquable par les cinq livres de Moïse, et la nouvelle, par les quatre Évangiles ?
III. (Ib. 1, 51.) De l’étranger, dans le langage de l’Écriture. – Après avoir prescrit la manière de détendre, de lever et de dresser le tabernacle, Dieu ajoute : « Et l’étranger qui en approchera, sera mis à mort : » cet étranger, c’est aussi l’Israélite qui n’appartient pas à la tribu de Lévi, chargée du service du tabernacle. Mais il est étonnant que l’Écriture emploie ici dans un sens abusif ce mot étranger, qui signifie proprement un homme d’une autre nation, ἀλλογενὴς au lieu de ἀλλὀθυλος, qui veut dire un homme d’une autre tribu: tandis que, quand elle parle des hommes appartenant aux autres nations, elle se sert préférablement de ce dernier terme, comme si elle voulait désigner des hommes appartenant à d’autres tribus.
IV. (Ib. 3, 5-7.) Sur les veilles que les Lévites devaient observer autour du tabernacle. – « Et le Seigneur parla à Moïse, et lui dit : Prends la tribu de Lévi ; et tu les établiras devant Aaron grand-Prêtre, et ils le serviront ; et ils seront sa garde, et la garde des enfants d’Israël, devant le tabernacle du témoignage. » Nos traducteurs ont rendu, les uns par custodias, garde, les autres, par excubias, faction, le mot φυλακὰς du texte grec. Mais je serais bien trompé, si le terme le plus convenable n’était pas vigiliae, qui signifie les veilles observées de trois en trois heures dans les camps. C’est en ce sens qu’il est écrit : « Il vint à eux à la quatrième veille de la nuit, marchant sur les flots de la mer[1] : » c’est-à-dire, après la neuvième heure de la nuit, ou après trois veilles. Et en beaucoup d’autres endroits de l’Écriture, nos interprètes ont traduit par veilles, vigilias, l’expression φυλακὰς des grecs. Il est hors de doute qu’il est question alors des divisions de la nuit : eh bien ! selon mon sentiment, c’est de cela aussi qu’il est fait mention dans ce passage. Pourquoi, en effet, cet ordre donné aux Lévites, de faire la garde d’Aaron et la garde des enfants d’Israël, φυλακὰς? Ne serait-ce pas dans la crainte qu’ils ne vinssent à croire que le privilège de servir dans le tabernacle, les dispensait de garder les veilles qui

  1. Mat. 14, 25.