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champ d’employer à sa nourriture les fruits qui y naissent d’eux-mêmes sans aucune culture : ce qui est défendu, c’est de serrer ces fruits. Il lui est donc permis d’en prendre quelque chose pour se nourrir, comme fait un passant ; au lieu d’en tirer des provisions pour l’avenir, il ne peut prendre que ce qu’il consommera tout de suite.
XC. (Ib. 25, 23.) La terre ne doit pas être vendue à des profanes, ou à perpétuité. – « La terre ne sera point vendue pour servir à la profanation; » d’autres exemplaires portent : d’une manière irrévocable(in confirmationem) cette variante a dû, je crois, se produire primitivement dans le grec, à cause de la similitude des sons dans les mots : βεβήλωσις, qui veut dire profanation, et βεβαίωσις, confirmation. Or, le premier sens est clair : « La terre ne se vendra « point pour servir à la profanation : » c’est-à-dire, que pas un Israélite ne doit oser vendre à des profanes la terre qu’il a reçue de Dieu, et qui servirait dès lors à l’impiété et au culte des faux dieux de l’étranger. Mais il a y de l’obscurité dans cette autre version : « La terre ne se « vendra point in confirmationem;» je n’y vois pas d’autre sens que celui-ci : c’est que la vente ne doit pas être faite dans des conditions telles, que le vendeur ne puisse recouvrer son champ, comme l’ordonne la loi, dans l’année jubilaire. Mais qu’on lise : « La terre ne sera point vendue « pour la profanation» ou bien : « d’une manière irrévocable, » ce qui suit peut également s’appliquer aux deux leçons : « car la terre est à moi, « parce que vous êtes devant moi comme des étrangers à qui je la loue [1]. »
XCI. (Ib, 25, 24.) Suite : « Et dans tout le pays que vous posséderez, vous payerez le loyer de votre terre. » Certains exemplaires portent la version suivante : « vous rachèterez la terre. » Le sens est donc : « La terre ne sera point vendue pour un usage profane », c’est-à-dire, à ceux qui s’en serviraient pour outrager le Créateur ; ou d’une manière irrévocable, c’est-à-dire, à perpétuité, sans que l’acheteur soit obligé de la rendre au vendeur, après un certain laps de temps, suivant l’ordre de Dieu. « Car la terre est à moi », dit le Seigneur : par conséquent vous devez en user selon mon commandement. Et afin de mieux faire sentir que cette terre est à lui, non à son peuple, il lui rappelle ensuite à quel titre il l’occupe : « parce que vous êtes devant moi des étrangers à qui je la loue », en d’autres termes : sans doute, il y a parmi vous des prosélytes, c’est-à-dire, des étrangers, des hommes sortis des peuples voisins pour se joindre à votre nation ; il y a également des fermiers, des hommes qui habitent une terre qui ne leur appartient pas : cependant vous aussi, vous n’êtes tous devant moi que des étrangers à qui je confie ma terre. Ce langage, Dieu l’adresse soit aux Israélites, par ce qu’il leur a donné un pays dont il a lui-même expulsé les nations qui l’occupaient ; soit à tout homme en général, parce que, devant Dieu, toujours immuable et remplissant le ciel et la terre de sa présence, selon la parole de l’Écriture[2], tout homme vient au monde comme un étranger, demeure, pendant sa vie, comme un hôte dans une maison qui n’est pas la sienne, et dont il est, en effet, obligé de sortir à la mort.
XCII. (Ib. 25, 24.) Suite. – L’Écriture ajoute : « Dans tout le pays que vous posséderez, vous payerez le loyer de la terre, comme des fermiers, ou vous la rachèterez. » Si je ne me trompe, le repos forcé de la terre tous les sept ans et la cinquantième année appelée l’année de la rémission, était une espèce de redevance ou une sorte de rachat payé à Celui dont on tenait la terre, c’est-à-dire, à Dieu lui-même qui en était le créateur.
XCIII. (Ib. 26, 11.) Ce qu’il faut entendre par l’âme de Dieu. – « J’établirai ma demeure parmi vous, et mon âme ne vous aura point en abomination. » L’âme de Dieu, c’est sa volonté. Car il n’est par un être vivant composé d’un corps et d’une âme ; sa substance n’est pas non plus semblable à celle des créatures qui portent le nom d’âme et qu’il a faites, comme il l’atteste lui-même par la bouche d’Isaïe : « C’est moi qui ai créé tout souffle[3] : » c’est-à-dire, l’âme de l’homme, ainsi que la suite le fait voir. De même donc que, quand Dieu parle de ses yeux, de ses lèvres ou de tout autre membre, nous n’en concluons pas qu’il est circonscrit dans la forme d’un corps, mais nous comprenons que par ces mots il désigne uniquement les effets de ses opérations et de sa puissance ; de même, quand il dit : mon âme, nous devons comprendre qu’il parle de sa volonté. Il est certain en effet que cette nature simple qui s’appelle Dieu, ne se compose pas d’un corps et d’un esprit ; ce n’est pas non plus un esprit

  1. Lev. 25, 23.
  2. Lev. 23, 2
  3. Isa. 57, 16