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à-dire l’assemblée formée d’hommes, est sortie de son enceinte. Mais comme le corps ne prend jamais le nom de l’âme, tant que l’homme est en vie, n’est-ce point chose étonnante qu’il prenne ce nom, quand il est séparé d’elle par la mort ? Si nous entendons cette mort de l’âme dans le sens de sa séparation d’avec le corps, en sorte que l’on dise l’âme morte, non que sa nature ait péri, mais parce qu’elle est morte au corps dont elle n’use plus, bien qu’elle vive dans ce qu’elle a d’essentiel ; de la même manière que l’Apôtre dit que nous sommes morts au péché[1], non que notre nature ait péri, mais parce que nous n’usons plus du péché : comment comprendre cette défense faite au prêtre d’approcher d’une âme morte, puisqu’on peut bien approcher d’un corps mort, mais non d’une âme qui en est séparée ? L’Écriture nommerait-elle âme cette vie du temps qui a cessé évidemment dans un cadavre, dont s’est échappée une âme immortelle ? Ce n’est pas que cette vie fût l’âme elle-même ; mais, devant sa subsistance due à la présence de l’âme, elle lui aurait emprunté son nom : c’est ainsi, comme nous l’avons déjà dit[2] en parlant du sang, qu’il faut entendre ce passage : « L’âme de toute chair c’est son sang[3]. » Or, dans un cadavre le ; sang lui-même est mort ; car il ne quitte pas le corps en même temps que l’âme. L’Écriture défend donc formellement au grand-Prêtre de prendre part à la sépulture, même de son père et de sa mère, mais cette défense, elle ne l’étend pas au prêtre de second ordre. Car elle ajoute : « Il ne deviendra pas impur en approchant de son père et de sa mère. » Et voici l’ordre logique des mots : « Il ne deviendra pas impur en approchant de son père, ni en approchant de sa mère. »
LXXXII. (Ib. 21, 12.) Défense faite au grand-prêtre de quitter le tabernacle pour assister à des obsèques. Pouvait-il se marier ? – « Il ne sortira point non plus des lieux saints : » dans le temps, cela ne laisse aucun doute, où se célébraient les funérailles des siens ; durant les sept jours où il se sanctifiait, il lui était également défendu de sortir du sanctuaire[4] ; mais il n’était pas tenu d’y rester toujours. C’est assurément une grande question de savoir s’il n’était pas interdit aux grands-prêtres de se marier et d’avoir des enfants : car, aux termes de la Loi, l’homme qui avait usé du mariage était impur jusqu’au soir, lors même qu’il avait lavé son corps dans l’eau[5]; et d’autre part, le grand-prêtre était obligé, pour entretenir l’encens perpétuel, de pénétrer deux fois chaque jour au-delà du voile jusqu’à l’autel des parfums, et l’accès du sanctuaire était défendu à quiconque était impur [6] : comment l’accomplissement quotidien de ce devoir était-il possible au grand-prêtre, s’il donnait le jour à des enfants ? Quelqu’un veut-il savoir qui le remplaçait, en cas de maladie ? on peut répondre que la grâce divine le préservait de ce danger mais, en ce qui concerne la procréation des enfants, qui se contenterait d’une réponse analogue \f + ft 2 Rétract. ch. 55. n. 9</ref> ? Il s’ensuit qu’il gardait la continence, ou qu’il suspendait à certains jours l’oblation de l’encens ; ou si cette offrande, que lui seul pouvait faire, ne souffrait aucune interruption, qu’il ne contractait pas d’impureté en usant du mariage, grâce à sa haute sainteté. Mais s’il faut lui appliquer la défense faite plus loin à tous les enfants d’Aaron, de s’approcher jamais des choses saintes avec quelque impureté, il ne reste plus de refuge que dans cette hypothèse qu’à certains jours il ne se faisait point d’oblation de l’encens par les mains du grand-Prêtre.
LXXXIII. (Ib. 21, 11.) Sur la succession du grand-Prêtre. – Il est interdit au grand-prêtre de prendre part aux funérailles de son père, Mais, demandera-t-on peut-être, comment pouvait-il, avant la mort de son père, jouir déjà du souverain sacerdoce, puisque la loi ne lui en donne que la succession ? Ce qui rendait nécessaire, même avant la sépulture du grand-prêtre, la transmission de son sacerdoce en d’autres mains, c’était le besoin d’entretenir l’encens perpétuel, charge imposée au grand-prêtre pour chaque jour[7]. Cependant il reste à savoir s’il devait endurer quelques jours de souffrances avant de mourir ; à moins qu’on ne tranche la question, en disant que les grands-Prêtres mouraient ordinairement tout d’un coup, sans avoir subi de maladie, suivant ce qui arriva, dit l’Écriture, à Aaron lui-même[8].
LXXXIV. (Ib. 21, 15.) Les Sacrements visibles ne sont d’aucune utilité sans la grâce invisible qui sanctifie : mais non réciproquement. – Il est remarquable que Dieu, parlant du prêtre, dit fréquemment : « Je suis le Seigneur, qui le sanctifie », et qu’il donne aussi cet ordre à Moïse « Tu le sanctifieras[9]. » Comment donc et Moïse

  1. Rom. 6, 2
  2. Quest. LVII.
  3. Lev. 16, 11
  4. Lev. 8, 33
  5. Lev. 15, 16
  6. Exo. 30, 7-8
  7. Id.
  8. Nom. 20, 26-29
  9. Exo. 29, 24