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Dieu avait en réalité prescrit le même rite, pour le veau que le prêtre devait offrir en expiation de son péché, ou du péché de toute la synagogue ; les chairs qui en restaient devaient être brûlées en dehors du camp[1] : le texte précité rappelle cette loi en peu de mots.

XIX. (Ib. 7, 1.) Continuation. – « Telle est la loi du bélier, offert pour le délit ; cette vie finie est très-sainte. » En d’autres termes, les prêtres ont le droit de manger ce qui en reste.
XX. (Ib. 7, 7.) Sur le péché et le délit. – 1. Pourquoi l’Écriture, après avoir parlé du sacrifice d’un bélier pour le délit, et avoir expliqué les cérémonies de ce sacrifice, ajoute-t-elle « Comme on fait pour le péché, ainsi fera-t-on pour le délit : il n’y a qu’une loi pour les deux ? » On demande quelle est la différence entre le péché et le délit ; car s’il n’en existait aucune, certainement le texte sacré ne porterait pas : « Comme on fait pour le péché, ainsi fera-t-on pour le délit. » En effet, quoique la loi et le sacrifice qu’elle règle ne diffèrent point, puisqu’il n’y a qu’une loi pour les deux ; cependant, s’il n’existait aucune différence entre ces deux choses, le délit et le péché, pour lesquels s’offre un seul et même sacrifice ; si ces deux noms ne désignaient qu’une même chose, l’Écriture ne prendrait pas un soin si exact de faire voir qu’il n’y a qu’un seul sacrifice pour l’un et l’autre.
2. Par le péché, il faut donc peut-être entendre la perpétration du mal, et par le délit, l’abandon du bien : ainsi, de même que dans une vie digne d’éloge, autre chose est l’éloignement du mal, autre chose la pratique du bien, comme l’Écriture nous en avertit dans ces paroles : « Éloigne-toi du mal et fais le bien[2]; » de même, dans une vie condamnable, autre chose serait l’éloignement du bien, autre chose la pratique du mal ; l’une constituerait le délit et l’autre le péché. À s’en tenir au terme en lui-même, que signifie en effet delictum, délit, si ce n’est derelictum, abandon ? et qu’est-ce qu’abandonne l’homme coupable d’un délit, si ce n’est le bien ? Les Grecs, eux aussi, ont deux mots pour désigner ce mal déplorable. Chez eux, paraptroma et πλημμελεία signifient également délit. Dans ce passage du Lévitique on trouve πλημμελεία. Et quand l’Apôtre dit : « Si quelqu’un est tombé par surprise dans quelque délit[3] », le texte grec porte παραπτώματι : si l’on veut se rendre compte de l’origine de ces mots, à propos de παραπτώματι, on comprendra que celui qui commet un délit tombe en quelque sorte. Ainsi le substantif cadaver, cadavre, que les Latins font venir de cadere, tomber, se rend en grec par ptoma, qui vient de piptein (apo tou piptein), dont la signification est celle de cadere. Donc, celui qui fait le mal en péchant, y prélude par une chute qui consiste dans l’abandon du bien. πλημμελεία présente à son tour le sens analogique de négligence : car négligence se rend en grec par ameleia, par la raison que ce qu’on néglige n’est l’objet d’aucun soin. En grec, je n’ai pas de soin, se traduit en effet par ou melei moi. Or, la particule plem, qu’on ajoute pour faire πλημμελεία signifie hors de ; ameleia, qui veut dire négligence, paraît donc être synonyme de sine cura, sans soin, et πλημμελεία, de praeter curam, hors de soin : ce qui est à peu près la même chose. C’est pour cette raison que plusieurs ont préféré ''negligentiam à delictum, pour la traduction du mot πλημμελείαν. Et en latin que signifie negligitur, sinon non legitur, autrement non eligitur, ne pas choisir ? Aussi les auteurs latins donnent-ils pour étymologie au mot loi le mot legere, ou eligere, choisir. De ces notions élémentaires il résulte qu’on se rend coupable d’un délit en s’éloignant du bien, et qu’en s’éloignant du bien on tombe parce qu’on ne fait pas un choix. Mais d’ou vient peccatum, qui se rend en grec par ἁμαρτίας ? Je n’en vois l’origine ni dans l’une ni dans l’autre langue.
3. On peut aussi considérer le délit comme une faute commise imprudemment, c’est-à-dire, par ignorance, et le péché comme une faute commise sciemment. Cette différence parait admise dans ce passage des divines Écritures : « Qui est capable de connaître les délits[4] ? » et dans cet autre : « Vous savez mon imprudence[5] : » car le psalmiste ajoute aussitôt : « Et mes délits ne vous sont pas cachés », sorte de répétition de la même pensée sous une autre forme. Le mot de l’Apôtre, que je viens de citer : « Si quelqu’un est tombé par surprise dans quelque délit[6] », ne s’écarte pas non plus de cette manière de voir : car cette chute inattendue provient de l’imprudence. Quant au péché, l’Apôtre saint Jacques dit, comme dans une sorte de définition, qu’il consiste dans la science de ce que l’on fait ; telles sont, en effet, ces paroles : « Celui-là est coupable de péché, qui, sachant le bien qu’il doit faire, ne le fait pas[7]. » Mais quelle

  1. Lev. 4, 12 ; 24
  2. Psa. 36, 27
  3. Gal. 6, 1
  4. Psa. 18, 13
  5. Id. 58, 6
  6. Gal. 6, 1
  7. Jac. 4, 17