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divers péchés ; se trouvent quelques obscurités, qui proviennent de l’emploi de certaines expressions, des suivantes, par exemple : morticinium jumentorum, le cadavre des animaux. La plupart de nos interprètes traduisent le mot grec κτήνη par le mot latin jumenta; cette dernière expression désigne ordinairement dans notre langue les animaux dont le travail vient en aide à l’homme, principalement les bêtes de charge, comme les chevaux, les ânes, les mulets, les chameaux, et autres animaux semblables ; tandis que le sens du mot κτήνη a, dans le grec, une extension si large, qu’il s’applique à tous les animaux, ou du moins à presque tous. Aussi, a-t-on employé un nouveau genre de locution, et fait une sorte de pléonasme, quand on a traduit du grec le mot impurs pour en qualifier le mot latin jumenta; car parmi les animaux que désigne l’expression κτήνη, il y en a qui sont purs ; au lieu que ceux que nous désignons sous le nom de jumenta sont tous d’après la distinction de la Loi, classés parmi les animaux impurs.
III. (Ib. 5, 4-6.) Difficultés littérales sur le même sujet. — Le texte porte : « Quiconque, par une parole précise (distinguens labiis) aura juré de faire quelque chose de bon ou de mauvais. » Que signifie encore cette expression distinguens ? Car elle est fréquemment employée dans l’Écriture. Ainsi dans ce passage : « J’accomplirai mes vœux que mes lèvres ont formulés avec précision[1] ; » et dans Ézéchiel : « Lorsque je dirai au méchant : Tu mourras ; si tu n’as pas dit avec précision et parlé[2] », et ailleurs encore : « Si quelque jeune fille, établie dans la maison de son père, fait un vœu, formulant son dessein avec précision contre sa propre vie[3]. » La distinction, distinguere, dont il est parlé ici, serait donc une sorte de définition par laquelle on distingue une chose ries autres qui ne peuvent être ; exprimées par un seul mot. Ce passage signifierait par conséquent : « Celui qui aura juré, en définissant son dessein de mal faire ou de bien faire, selon tout ce qui aura été défini dans le serinent, s’il l’ignore », c’est-à-dire s’il jure de faire une chose sans savoir si elle doit s’accomplir oui ou non ; « et qu’il le reconnaisse et pèche en l’un de ces points », soit pour avoir juré sans connaissance, soit pour avoir accompli son serment, ayant connu ensuite qu’il ne devait ni le faire ni le mettre à exécution ; « puis, fasse l’aveu du péché dont il s’est rendu coupable », pro quo peccavit au lieu de quod peccavit, c’est une locution propre à l’Écriture. Elle ajoute : «contre lui. » Que signifient ces paroles, si ce n’est que le coupable s’est levé contre son propre péché, c’est-à-dire qu’il l’a accusé en en faisant l’aveu ? « Et il offrira pour le délit dont il s’est rendu coupable devant le Seigneur, pour le péché qu’il a commis, une jeune brebis femelle prise parmi les brebis. » C’est par un tour de langage qui lui est propre que le texte sacré qualifie de femelle une jeune brebis comme si elle pouvait ne pas l’être ; et dit une chèvre parmi les chèvres, et une jeune brebis, prise parmi les brebis, comme si une jeune brebis et une jeune chèvre pouvaient être prises ailleurs que dans un troupeau de leur espèce. Maintenant il n’est pas insignifiant, ni même sans importance de savoir pourquoi l’Écriture répète souvent cette formule. : « Si après cela il connaît, et commet le délit ; » il semblerait que le délit commence à exister lorsqu’on en a connaissance. Cela ne signifierait-il pas plutôt qu’il n’est possible de satisfaire que pour un délit que l’on connaît ? Mais l’Écriture ne dit pas : Si après cela il connaît sa faute et s’en repent. Quel est donc le sens de ces mots : « Si après cela il connaît, et commet le délit », sinon que la faute a suivi la connaissance ; en sorte que si l’on a fait sciemment ce qui n’était pas à faire, l’expiation est une suite nécessaire du délit ? Mais le langage qui précède n’est pas celui-là. Dieu ne semble y avoir, en vue que les péchés commis par ignorance, et par là même contre le gré de la volonté. Alors on peut croire, que par un tour de langage à part, cette expression deliquerit, commettre un délit, signifie, savoir que c’est un délit. Ou bien encore, suivant un usage fréquent dans l’Écriture, le texte n’aurait-il pas interverti dans ce passage ce qu’il rapporte avec un ordre logique en d’autres passages semblables ? Ailleurs en effet nous lisons souvent : « Il a commis le délit et l’a connu ; » on n’a donc fait ici, comme nous l’avons remarqué, que changer l’ordre, l’on a dit ; « il a connu », avant « il a commis le délit: » Rétabli dans l’ordre qui lui convient, le texte pourrait se lire ainsi qu’il suit : « Quiconque touche une chose impure, soit d’un cadavre soit d’un animal impur pris par une bête soit le corps mort de quelque animal impur dont le cadavre est un objet abominable et impur ; ou qui touche quelque chose d’un homme qui soit impur, ou enfin quelque autre objet impur

  1. Psa. 65, 13-14
  2. Eze. 3, 18
  3. Nom. 30, 4