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CLXVI. (Ib. 34, 28.)
1. Moïse chargé d’écrire les dix commandements sur les nouvelles tables de la loi. – « Et il écrivit sur les tables les paroles de l’Alliance, ces paroles au nombre de dix. » Le texte dit formellement que Moïse écrivit lui-même les commandements ; un peu plus haut, Dieu lui avait dit. « Écris pour toi ces paroles.[1] » Or, quand il reçut pour la première fois la loi dont il rejeta loin de lui et brisa les tables, il n’est pas rapporté que les tables de pierre aient été préparées par lui tandis que nous lisons ici : « Fais-toi deux tables de pierre ;[2] » de plus, l’ordre ne lui fut pas donné d’écrire, comme en cette circonstance ; enfin le livre sacré ne dit pas qu’il ait écrit sur les tables, comme nous voyons qu’il le fit cette fois : « Il écrivit sur les tables les paroles de l’Alliance, ces paroles au nombre de dix. » Mais voici le récit de ce qui ce passa alors : « Et aussitôt qu’il eut cessé de lui parler sur le mont Sinaï, Dieu donna à Moïse les deux tables du témoignage, qui étaient de pierre et écrites du doigt de Dieu[3]. » Et un peu plus loin : « Moïse, retournant, descendit de la montagne, les deux tables du témoignage en ses mains ; ces tables étaient de pierre, écrites de chaque côté, d’un côté et de l’autre ; les tables étaient l’ouvrage de Dieu, et l’écriture, l’écriture de Dieu gravée sur les tables[4]. » Une grande question surgit de ces prémices : Comment les tables, qui devaient être brisées par Moïse, – Dieu le savait dans sa prescience, – sont-elles, au rapport de l’Écriture, l’ouvrage de Dieu, et non celui de l’homme ? Comment furent-elles écrites, non par la main de l’homme, mais par le doigt de Dieu ; tandis, que les dernières tables, destinées à une durée si longue, appelées à prendre place dans le tabernacle et dans le temple de Dieu, furent taillées et gravées, sur l’ordre de Dieu, il est vrai, mais parla main de l’homme ? Les premières tables ne figuraient-elles pas, non l’œuvre de l’homme, mais la grâce divine, dont se montrèrent indignes les enfants d’Israël, quand ils reportèrent leurs cœurs vers l’Égypte et se firent une idole ? Ils furent en conséquence privés de ce bienfait, et Moïse dut briser les tables. Quant aux dernières tables, n’étaient-elles point la figure de ceux qui se glorifient dans leurs œuvres, et dont l’Apôtre parle en ces termes : « Ne connaissant point la justice de Dieu, et s’efforçant d’établir la leur propre, ils ne se sont point soumis à cette justice de Dieu »[5] ? C’est pourquoi Dieu leur donna des tables taillées et écrites par la main de l’homme, pour qu’elles fussent conservées parmi eux comme un type figuratif de la gloire qu’ils chercheraient, non dans le doigt, c’est-à-dire, dans l’Esprit de Dieu, mais dans leurs œuvres.
2. La première Loi, image de l’ancien Testament ; la seconde, image du nouveau.
– Mais il est incontestable que les secondes tables, données au Sinaï, symbolisent le nouveau Testament ; comme les premières, brisées et entièrement détruites, symbolisaient l’ancien. Ce qui confirme surtout cette manière de voir, c’est que la Loi fut donnée pour la seconde fois sans aucun appareil terrible, sans ces appareils formidables de flammes, de nuées et de trompettes qui arrachaient ce cri au peuple consterné : « Que Dieu ne nous parle pas, de peur que nous ne mourions[6]. » La crainte est donc le trait distinctif de l’ancien Testament, et la dilection, du nouveau. Mais quelle solution donner à la question suivante Pourquoi les premières tables furent-elles l’œuvre de Dieu et écrites de son doigt ? Pourquoi les dernières furent-elles l’œuvre de l’homme ? Les premières ont-elles figuré l’antique alliance, surtout à cause que Dieu y donna ses commandements, mais que l’homme n’y fut point docile ? Car la Loi a paru dans l’ancien Testament, pour convaincre les transgresseurs, et « son apparition a donné lieu à l’abondance du péché[7]. » Ne pouvant être accomplie que par la charité, elle n’était point observée sous l’impression de la crainte. Aussi est-elle appelée l’ouvrage de Dieu, parce que Dieu en est l’auteur, parce qu’il l’a écrite ; elle n’est en aucune manière l’ouvrage de l’homme, parce que l’homme ne s’est point soumis à Dieu, et que la Loi a plutôt établi sa culpabilité. Quant aux secondes tables, l’homme, soutenu de l’aide de Dieu, les a faites et les a écrites, parce que la charité constitue la loi du nouveau Testament. Aussi le Seigneur dit-il : « Je ne suis pas venu détruire la loi, mais l’accomplir[8]. » « La charité, dit à son tour l’Apôtre, est l’accomplissement de la loi[9] » et encore : « La foi agit par la charité[10]. » Ce qui était difficile dans l’ancien Testament, est donc devenu facile dans le nouveau, à l’homme doué de la foi qui agit par la charité ; le doigt de Dieu, c’est-à-dire, son divin Esprit, écrivant la loi, non plus au-dehors sur une pierre, mais au-dedans, au plus intime

  1. Exo. 34, 27
  2. Id. 1
  3. Id. 31, 18
  4. Id. 32, 15-16
  5. Rom. 10, 3
  6. Ex. 20, 19
  7. Rom. 5, 20
  8. Mt. 5, 17
  9. Rom. 13, 10
  10. Gal. V. 6