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CXLVI. (Ib. 32, 25.) Aaron responsable des fautes du peuple.
– « Moïse ayant vu que le peuple était dépouillé, car Aaron les dépouilla, au point qu’ils devinrent un sujet de joie pour leurs ennemis. » Remarquons ici qu’Aaron est chargé de tout le mal commis par ce peuple, pour avoir consenti à satisfaire leur coupable demande. Le texte porte en effet : « Aaron les dépouilla » parce qu’il céda à leur exigence, plutôt que de dire : ils se sont dépouillés eux-mêmes, quand ils ont voulu un si grand mal.
CXLVII. (Ib. 32, 31-32.) Prière et dévouement de Moïse.
– Lorsque Moïse adressa à Dieu cette prière : « Ce peuple à commis un grand péché, et ils se sont fait des dieux d’or ; mais maintenant, je vous conjure, si vous leur pardonnez leur péché, pardonnez-le ; sinon effacez-moi de votre livre, que vous avez écrit » il parle avec l’assurance que son raisonnement aura d’heureuses conséquences, c’est-à-dire que Dieu pardonnera au peuple ce péché, parce qu’il ne voudra pas effacer Moïse de son livre. Il faut remarquer toutefois quel grand mal Moïse voyait dans ce péché, puisqu’il crut devoir l’expier par des flots de sang, lui qui, dans son amour pour les siens, trouva en leur faveur des paroles si généreuses.
CXLVIII. (Ib. 32, 35.) Aaron pardonné.
– Il est dit plus haut qu’Aaron avait dépouillé le peuple : pourquoi donc, demande-t-on et à bon droit, nul châtiment ne vint-il l’atteindre, ni lorsque Moïse fit mettre à mort par les Lévites en armes tous ceux qu’ils rencontrèrent en passant et en repassant d’une porte à l’autre ; ni lorsque se réalisa, dans la suite, cette prédiction de l’Écriture : « Et le Seigneur frappa le peuple à cause du veau d’or, qu’avait fait Aaron ? » Qu’on note bien surtout que dans ce passage la même pensée se trouve mentionnée de nouveau. En effet nous ne lisons pas : « Le Seigneur frappa le peuple à cause du veau » qu’ils firent, mais « que fit Aaron : » et cependant Aaron ne fut pas châtié ; il y a plus : Dieu fit exécuter les commandements qu’il avait donnés au sujet de son sacerdoce avant son péché. Il lui ordonna seulement de se purifier lui et ses enfants, avant d’exercer les fonctions du sacerdoce. Dieu sait donc qui il épargne jusqu’à ce qu’il s’améliore, et qui il épargne pour un temps, voyant dans sa prescience qu’il ne s’amendera pas ; qui il n’épargne pas pour le convertir, et qui il n’épargne pas sans aucun espoir de changement : tout ceci revient à cette exclamation de l’Apôtre : « Que les jugements de Dieu sont impénétrables, et ses voies incompréhensibles[1] ! »


CXLIX. (Ib. 33, 1.) La colère de Dieu apaisée par l’amour de Moïse envers son peuple.
– « Va, sors d’ici, toi et tort peuple, que tu as tiré de la terre d’Égypte. » Ces paroles : « toi et ton peuple que tu as tiré » paraissent empreintes de colère ; sans quoi Dieu aurait dit : toi et mon peuple, que j’ai tiré d’Égypte ; mais quand ils ont demandé une idole, voici ce qu’ils ont dit : « Moïse, cet homme qui nous a tiré de la terre d’Égypte, nous ne savons ce qu’il lui est arrivé[2] » leur faute a été d’attribuer à un homme leur délivrance. Elle leur est rappelée dans ces paroles : « Toi et ton peuple, que tu as tiré de la terre d’Égypte[3] » ce fut pour eux un crime, mais Moïse fut innocent. Car Moïse voulait qu’ils, missent leur espérance en Dieu, et non en lui-même et qu’ils se reconnussent redevables à la miséricorde du Seigneur de leur délivrance de la servitude : cependant tel est, par une grâce spéciale, le crédit de ce fidèle serviteur auprès de Dieu, que Dieu lui dit : « Laisse-moi, et dans ma colère je les briserai. » Laisse-moi, faut-il voir dans ces mots un commandement ou une sorte de prière ? Impossible, ce semble, d’admettre ni l’un ni l’autre. Car, si Dieu commande, alors le serviteur désobéit à son ordre ; et si l’on suppose que Dieu lui demande une grâce, une telle supposition est indigne de Dieu, puisqu’il pouvait, malgré.sonserviteur, exercer sa vengeance sur eux. Voici donc le sens qui se présente naturellement : Dieu a voulu nous marquer dans ces paroles l’avantage immense qui revint au peuple d’être tant aimé de cet homme, objet lui-même de tant d’amour de la part du Seigneur, et nous apprendre par là que quand nos péchés nous rendent indignes de son amour, nous pouvons nous relever auprès de lui, grâce aux mérites de ceux qu’il aime. Que veulent dire, en effet, ces paroles du Tout-Puissant à un homme:« Laisse-moi, et je les briserai », sinon : Je les briserais s’ils n’étaient aimés de toi ? – Laisse-moi signifie donc : Ne les aime plus, et je les briserai car ton amour est un obstacle. Il aurait fallu s’incliner devant cette parole du Seigneur : Ne les aime plus, si elle eût exprimé un ordre, au lieu d’être une simple indication de la cause qui retenait le bras de Dieu. Quoique Moïse

  1. Rom. 11, 33
  2. Ex. 32, 1, 23
  3. Id. 32, 10