Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/446

Cette page n’a pas encore été corrigée

XCV. (Ib. 24, 1-3.) Sur les ordonnances du Seigneur.
– Et il dit à Moïse : « Monte vers le Seigneur, toi et Aaron, et Nadab, et Abiud, et les soixante-dix anciens d’Israël, et ils adoreront le Seigneur de loin, et Moïse s’approchera seul du Seigneur, mais pour eux ils ne s’approcheront pas, et le peuple né montera pas avec eux. Or, Moïse vint et rapporta au peuple toutes les paroles et toutes les ordonnances de Dieu, et le peuple répondit tout d’une voix, en disant : Nous ferons et nous écouterons tout, ce que le Seigneur a dit. » On voit qu’il est question, jusqu’à cet endroit de l’Écriture, des ordonnances qui furent faites au peuple et qu’il fut recommandé d’observer. Comme il ressort du texte lui-même, elles commencent par la loi relative à l’esclave hébreu, dont l’oreille devait être percée contre un poteau, et c’est là que ce mot d’ordonnance est écrit pour la première fois. Or, il faut bien distinguer dans toutes ces ordonnances les règles qu’on peut en tirer pour la conduite et la conservation des bonnes mœurs. Car on trouve en elles beaucoup de choses qui renferment plutôt un sens mystérieux que des règles de morale. Les interprètes latins ont bien rendu parle mot ordonnances, justificationes, ce que les Grecs expriment par le mot διχαιώματα.


XCVI. (Ib. 24, 3.) Sur ces paroles : Nous ferons, et nous écouterons.
– Il faut observer que le peuple répond pour la seconde fois : « Nous ferons et nous écouterons tout ce que le Seigneur a dit. » Mais l’ordre naturel devait être Nous écouterons et nous ferons. Je serais étonné qu’il n’y eût pas ici un sens caché. Car si nous écouterons est mis pour : nous comprendrons, il faut d’abord accomplir humblement la parole de Dieu, afin d’être conduit par lui à l’intelligence des choses qu’on a faites d’après ses ordres digne récompense de la docilité dont on aura fait preuve, au lieu de mépriser ses lois. Mais il faut voir si le peuple hébreu ne s’est point montré semblable à ce fils, qui répondit aux ordres de son père : « J’irai à la vigne » et n’y alla point[1], tandis que les Gentils, qui avaient conçu pour le Seigneur un profond mépris, justifiés dans la suite par l’obéissance d’un seul, s’attachèrent à la justice qu’ils ne suivaient pas auparavant[2].
XCVII. (Ib. 24, 4.) Sur l’autel élevé par Moïse au pied du Sinaï. – Remarquons cette particularité : « Moïse dressa un autel au pied de la montagne, et douze pierres pour les douze tribus d’Israël. » Ces douze pierres qui composent l’autel signifient que ce peuple est l’autel de Dieu, aussi bien qu’il en est le temple[3].
XCVIII. (Ib. 24, 5.) Sur ce mot : la victime du salut.
– « Et ils immolèrent à Dieu la victime du salut. » Le texte ne porte pas : la victime salutaire, mais la victime du salut : en grec on lit également σωτηρίου, du salut. Le Psalmiste dit de même : « Je prendrai le calice du salut », et non pas le calice salutaire[4]. Il faut examiner si ce passage ne ferait pas allusion à Celui que désignent ces paroles de Siméon : « Mes yeux ont vu votre Sauveur[5].. » C’est Celui-ci que célèbre également le Palmiste dans ces mots : « Annoncez bien de jour en jour le Sauveur qui vient de lui[6]. » Or, si nous y regardons attentivement, que prétend-il désigner dans ces mots : de jour en jour, si ce n’est Celui qui est la lumière de la lumière, Dieu, de Dieu, en d’autres termes, le Fils unique de Dieu
XCIX. (Ib. 24, 6). Premier sacrifice offert dans le désert.
– « Moïse prit la moitié du sang, qu’il versa dans une coupe, et répandit l’autre moitié sur l’autel, et, prenant le livre de l’alliance, il en fit la lecture devant le peuple. » Faisons ici une remarque : c’est la première fois que l’Écriture dit clairement que Moïse offrit un sacrifice depuis la sortie d’Égypte. Précédemment elle avait parlé, mais en termes assez ambigus, d’un sacrifice offert à Dieu par son beau-père, Jéthro[7]. Remarquons aussi que la lecture du livre de l’alliance se fait en même temps que l’effusion du sang de la victime : or, nous devons croire que dans ce livre étaient consignées les divines ordonnances. Car nous voyons que le Décalogue ne fut gravé sur les tables de pierres que dans la suite.
C. (Ib. XXIV. 7,) Nouvelle répétition.
– « Et ils dirent : Nous ferons et nous écouterons tout ce que le Seigneur a dit. » C’est littéralement la même réponse qu’ils font pour la troisième fois.
CI. (Ib. 24, 9.) Dieu parait sous une forme sensible.
– « Et Moïse monta ; ainsi que Aaron, et Nadab, et Abiud, et les soixante-dix anciens d’Israël ; et ils virent le lieu où s’était arrêté le Dieu d’Israël. » Pour ceux qui entendent l’Écriture, il est évident que Dieu n’est contenu en aucun lieu, et qu’il n’est pas assujetti comme

  1. Mt. 21, 30
  2. Rom. 9, 30
  3. 2 Cor. 6, 16
  4. Ps. 115, 13
  5. Lc. 2, 30
  6. Ps. 115, 8
  7. Ex. 18, 22