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au danger, on doit reconnaître une prédiction de cet évènement dans ces paroles : « Tu ne feras pas cuire « l’agneau dans le lait de sa mère. » Il ne serait peut-être pas non plus déraisonnable d’admettre, avec certains commentateurs, que le Prophète a voulu, par ce commandement, empêcher les vrais Israélites de s’associer aux mauvais Juifs, qui ont fait souffrir le Christ. Comme un agneau dans le lait de sa mère, c’est-à-dire, au jour anniversaire de sa conception. On dit en effet des femmes que, du jour où elles ont conçu, elles amassent du lait. Or, la conception et la passion du Christ ont eu lieu dans le même mois, comme l’attestent la célébration de la Pâque et le grand jour, si connu dans les églises, consacré à la fête de sa Nativité. Venu au monde au terme des neuf mois, le huit de calendes de janvier, il a été conçu nécessairement vers le huit des calendes d’avril ; or ce fut aussi dans ce temps qu’eut lieu sa passion, dans le lait de sa mère, c’est-à-dire au temps ou sa mère vivait encore.
XCI. (Ib. 23, 20-21.) Sur l’Ange conducteur des Hébreux.
– « Voici que j’envoie mon Ange devant toi, pour qu’il te garde dans le chemin, qu’il te conduise dans la terre que je t’ai préparée. Écoute-le, et garde-toi de ne point te confier à lui : il ne te pardonnera rien ; car mon nom est sur lui. » Ces paroles s’appliquent à celui dont le nom a été changé en celui de Jésus, ou Josué : c’est lui en effet qui a introduit le peuple dans la terre promise.
XCII. (Ibi 23, 25-27.) Sur les récompenses temporelles.
– « Tu serviras le Seigneur ton Dieu ; et je bénirai ton pain, et ton vin, et ton eau, et j’éloignerai de vous l’infirmité. Il n’y aura point d’homme qui n’ait des enfants, point de femme stérile dans ta terre. Je remplirai le nombre de tes jours. Et j’enverrai la crainte pour te précéder ; et je ferai perdre la raison aux nations « chez lesquelles tu entreras, etc. » Ces promesses peuvent être prises aussi dans le sens spirituel ; mais entendues de la félicité temporelle, elles forment le type caractéristique de l’ancien Testament. Là, si nous en exceptons les commandements qui cachent une signification mystérieuse, nous trouvons les mêmes préceptes moraux que dans la loi nouvelle, mais les promesses sont toutes charnelles et terrestres. Aussi, au Psaume soixante-douzième, l’homme de Dieu dit-il que ses pieds ont presque fléchi et qu’il a été sur le point de tomber, lorsqu’il voyait d’un œil jaloux la paix dont jouissaient les pécheurs[1]. Il voyait les impies posséder en abondance ces biens qu’annonçait l’Alliance antique, et qu’il attendait du Seigneur Dieu, comme la récompense de sa soumission. De là cette pensée impie qui commençait à gagner son cœur : Dieu ne s’inquiète pas de l’homme ; mais il s’arrête, dit-il, n’osant condamner la conduite des saints ; alors la lumière commence à descendre dans son âme, et il s’écrie : « C’est là un travail difficile pour moi, jusqu’à ce que j’entre dans le sanctuaire de Dieu et que je comprenne quelle sera la fin[2]. » Là en effet seront données les récompenses qui sont le privilège du nouveau Testament, et les impies n’y auront point de part : alors les châtiments atteindront les impies, et nul d’entre les saints n’éprouvera leurs tourments.
XCIII. (Ib. 23, 28.) Sur les guêpes dont le Seigneur fait précéder son peuple dans la terre promise
– « Et j’enverrai devant toi des guêpes et elles chasseront loin de toi les Amorrhéens, les Evéens, les Chananéens et les Chettéens. » Que faut-il entendre par ces guêpes ? Dieu promet qu’il les enverra, et le livre de la Sagesse affirme qu’il a rempli sa promesse : « Et il envoya ; y lisons-nous, des guêpes en avant de son armée[3]. » Cependant nous ne lisons la relation de cet événement ni au temps de. Moïse, ni à l’époque de Josué, fils de Navé, ni enfin sous le gouvernement des Juges ou des Rois. Il est donc permis d’entendre par ces guêpes les aiguillons de la crainte qui tourmentaient les peuples cités plus haut et les forçaient à se retirer devant les enfants d’Israël. C’est Dieu qui parle et si sa parole, contenant un sens figuré, ne s’accomplit point dans le sens littéral et suivant la propriété des termes, cela n’empêche point d’ajouter foi à l’histoire où la vérité du récit apparaît. Il en est de même de ce que rapportent les Évangélistes : les faits réels n’y perdent rien de leur crédibilité, parce que le Christ tient quelquefois un langage figuré.
XCIV. (Ib. 23, 33.) Sur le service et l’adoration qui sont dus à Dieu.
– « Si tu sers leurs dieux, ils seront pour toi un sujet de scandale. » Ici le texte grec porte δουλεύσης, tu serviras, au lieu de λατρεὐσης, tu adoreras. Il suit de là que le service, δουλεία, est dû à Dieu en sa qualité de Seigneur, mais que l’adoration, λατρεία, n’est due qu’à Dieu et par cela même qu’il est Dieu

  1. Ps. 72, 2-71
  2. Sag. 12, 8
  3. Sag. 12, 8