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dans son acception générale, en parlant des choses qui frappent l’oreille, plutôt que d’employer le verbe entendre, en parlant des objets qui tombent sous le sens de la vue. Cette dernière façon de parler n’est point dans nos usages. Nous disons bien : Vois ce bruit, mais non : Écoute cette lumière.
LXXIII. (Ib. 20, 19.) – La crainte, caractère : principal de l’ancien Testament ; l’amour, caractère du Nouveau.
— « Parle-nous toi-même ; que Dieu ne nous parle point, de peur que nous ne mourions. » L’Écriture nous montre à plusieurs reprises, et d’une manière incontestable, que la crainte est le signe distinctif de l’ancienne Alliance, et l’amour, le signe distinctif de la nouvelle ; celle-ci était cependant en germe dans l’ancienne, et en est comme l’épanouissement. Mais comment avancer que le peuple d’Israël voyait la voix de Dieu, en donnant à ce mot le sens de comprendre, puisqu’il craignait de mourir en l’entendant ? en vérité, nous n’avons pas de raison suffisante pour admettre cette interprétation.
LXXIV. (Ib. 20, 20.) Dieu éprouve son peuple par la terreur.
– « Et Moïse leur dit : Ayez confiance ; car Dieu, est venu à vous pour vous tenter, afin que sa crainte soit en vous, et que vous ne péchiez point. » La crainte des châtiments sensibles, voilà donc le frein par lequel Dieu les empêche de pécher ; car ils n’étaient pas encore capables d’aimer la justice pour elle-même ; et cette épreuve, Dieu la permet pour mettre au grand jour les dispositions qui les animent. Ce n’est pas qu’il en eût besoin pour les connaître : il les connaissait parfaitement ; mais il voulait les faire connaître les uns aux autres, et à eux-mêmes. Ces terreurs, qui forment le trait caractéristique de l’ancien Testament, avaient cependant leur utilité ; l’Epître aux Hébreux en fait l’éloge en termes très-expressifs[1].
LXXV. (Ib. 20, 21.) Comment Dieu se manifeste à Moïse dans la nuée.
– « Or, Moïse entra dans la nuée où Dieu était » c’est-à-dire où Dieu faisait éclater les plus grands prodiges, afin de se faire connaître. Comment, en effet, se montrait-il dans une nuée, Lui que les cieux des cieux ne peuvent contenir ?n’était-ce point de la même manière qu’il est partout, Lui qui n’est en aucun lieu en particulier ?
LXXVI. (Ib. 20, 23.) Sur les idoles
– « Vous ne vous ferez point de dieux d’argent ni de dieux d’or. » Répétition de la défense renfermée dans le premier commandement : car par les dieux d’or et d’argent il faut entendre toute espèce de simulacres : « les idoles des nations, dit le Psalmiste, sont de l’or et de l’argent [2]. »


LXXVII. (Ib. 21, 2.) Sur la loi relative aux esclaves.
– La loi de Moïse règle que l’esclave hébreu servira pendant six ans, et qu’à la septième année il sera renvoyé libre et quitte de toute obligation. Dans la crainte que les esclaves chrétiens ne réclament de leurs maîtres un semblable privilège, Saint Paul, s’appuyant sur son autorité apostolique, ordonne aux esclaves d’obéir à ceux dont ils sont les serviteurs, afin que le nom de Dieu et sa doctrine ne soient point outragés par des blasphèmes[3]. Au reste, cette prescription mosaïque renferme quelque mystère : ce qui le prouve, c’est l’ordre donné par Dieu de percer avec une alêne, contre un poteau ; l’oreille de celui qui refusait le bénéfice de la liberté.
LXXVIII. (Ib. 21, 7-11.) Sur la loi relative aux filles esclaves.
– « 1. Si quelqu’un a vendu sa fille pour esclave, elle ne sortira point comme font les autres servantes. Si elle a déplu à son maître, qui ne lui a pas donné son nom, il lui donnera une récompense. Mais il n’est pas le maître de la vendre à un peuple étranger, parce qu’il l’a méprisée. S’il la fait épouser à son fils, il la traitera comme il est juste de traiter les filles. Et s’il en prend une autre pour son fils, il ne refusera pas de lui donner l’entretien, le vêtement et la cohabitation. S’il ne lui accorde point ces trois choses, elle sortira, sans qu’il en puise tirer d’argent. » Ce passage est rendu si obscur par l’emploi de termes et de constructions inusités, que nos commentateurs savent à peine comment en expliquer le sens. Cet endroit n’est pas plus facile à comprendre dans le grec. J’essayerai pourtant de dire ce que j’y vois.
2. « Si quelqu’un, porte le texte sacré, a vendu sa fille pour servante » c’est-à-dire pour qu’elle soit servante, ce que les Grecs expriment parle mot ὁιχέτνς, « elle ne s’en ira point comme se retirent les servantes. » Cela veut dire qu’elle ne se retirera pas, comme les servantes juives au bout de six ans. Car il faut admettre que, devant cette loi mosaïque, la femme était mise sur le même pied que l’homme. Pourquoi donc ne se retirera-t-elle point la septième année, si ce n’est parce que, durant son service, son maître l’a

  1. Heb. 12, 24-28
  2. Ps. 113, 4 ; 134, 15
  3. Eph. 6, 5 ; 1 Tim, 6, 1