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c’est-à-dire l’homme, et la femme doit se considérer comme liée par les mêmes commandements. Par conséquent, si une femme mariée est adultère, en se livrant à un homme qui n’est pas le sien, bien qu’il soit libre ; de même un homme marié est certainement coupable d’adultère, s’il commet le péché avec une femme qui n’est pas la sienne, quoiqu’elle ne soit point liée par le mariage. Mais voici une question qui vaut la peine d’être posée : Un homme qui n’est pas marié et une femme qui ne l’est pas non plus, ayant commerce ensemble, transgressent-ils tous les deux ce commandement ? S’ils ne le transgressent pas, le Décalogue ne contient aucune défense contre la fornication, mais seulement contre l’adultère, quoique, suivant le langage de l’Écriture, tout adultère soit une fornication. Le Seigneur ne dit-il pas en effet, dans l’Évangile : « Quiconque renverra sa femme, excepté pour cause de fornication, la fait tomber dans l’adultère[1] ? » Qu’une femme mariée pèche avec un autre, il appelle cela fornication : ce qui est cependant un adultère. Tout adultère est donc désigné dans l’Écriture sous le nom de fornication. Peut-on dire, par réciprocité, que bute fornication est un adultère ? Il ne me revient pas à la mémoire un seul passage de l’Écriture où cette manière de parler soit employée Mais s’il n’est pas permis de dire que toute fornication soit un adultère, je ne vois pas en quel endroit du Décalogue se trouve défendu le commerce entre deux personnes libres. Toutefois, si l’on considère comme un vol toute usurpation illégitime du bien d’autrui, – car celui qui a défendu le vol n’a point autorisé la rapine ; mais en mettant la partie pour le tout il a voulu exprimer tout ce qui ne peut légitimement être ravi au prochain, – nous devons également regarder comme défendu sous le nom d’adultère tout acte coupable et tout usage illégitime des membres.
5. Quant à. ce commandement. « Tu ne tueras pas » on ne doit pas croire qu’il est violé, lorsque Dieu ou la loi condamne quelqu’un à mort. À celui qui commande revient la responsabilité, quand celui qui exécute n’a pas le droit de refuser l’obéissance.
6. Enfin on demande souvent si dans ces paroles : « Tu ne diras pas de faux-témoignage contre ton prochain » se trouve la condamnation de toute espèce de mensonge : ce commandement s’élèverait-il contre ceux qui disent qu’il est permis de mentir, quand le mensonge est utile à quelqu’un et ne fait point de tort à celui à qui l’on ment ? De pareils mensonges ne sont point contre le prochain : or, c’est ce que l’Écriture semble avoir eu principalement en vue ; car elle aurait pu dire simplement : « Tu ne diras pas de faux témoignage » comme elle a dit « Tu ne tueras pas, Tu ne commettras pas d’adultère, Tu ne déroberas point. » Mais c’est là une question qui exigerait de grands développements, et le temps nous manque pour expliquer ici à notre aise en quel sens il faut prendre ces paroles : « Vous perdrez ceux qui usent de mensonge[2] » celles-ci : « Garde-toi de toute espèce de mensonge[3] » et autres semblables.
LXXII. (Ib. 20, 18.) Emploi du verbe voir.
– « Et tout le peuple voyait la voix, et les lampes, et ce son de la trompette, et la montagne couverte de fumée. » On a coutume de demander comment le peuple voyait cette voix, puisque, comme on le voit, c’est à l’oreille plutôt qu’aux yeux que s’adressent les sons. Mais de même que je viens de dire : comme on le voit, rapportant ce mot à tout ce que j’avais dit ; de même, voir, dans son acception générale, s’entend des facultés de l’âme aussi bien que de nos sens corporels de là ces mots de la Genèse : « Jacob ayant vu qu’il y avait du blé en Égypte[4] » quand rien de tout cela n’était sous ses yeux. Cependant, au sentiment de plusieurs interprètes, voir une voix signifierait la comprendre, ou la voir des yeux de l’âme. Voulant faire ici une énumération rapide, l’historien sacré rapporte ce que voyait le peuple : la voix du tonnerre et les lampes, le son de la trompette et la montagne toute en feu ; mais s’il s’était servi du verbe entendre, combien il eût été plus difficile d’expliquer comment le peuple entendait les lampes et la montagne couverte de fumée, objets qui tombent sous le sens de la vue. On dira peut-être que la brièveté est ici un défaut, et qu’il eût fallu dire pour ne rien omettre : le peuple entendait la voix et voyait des lampes, entendait le son de la trompette et voyait la montagne toute en feu. Il y avait deux sons qui se faisaient entendre : celui des nues, du tonnerre vraisemblablement, et celui de la trompette, en supposant toutefois que le premier son dont il est parlé sortait des nues. En somme, dès lors que l’Écriture a voulu tout exprimer en peu de mots, il était préférable qu’elle.employâtle verbe voir

  1. Mt. 5, 12,
  2. Ps. 5, 7
  3. Sir. 7, 14
  4. Gen. 42, 1, suivant les Septante