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des hommes justes et puissants, ennemis de l’orgueil et serviteurs fidèles de Dieu, seront choisis pour être établis les uns sur mille hommes, les autres sur cent, les autres sur cinquante, les autres enfin sur dix. C’est ainsi que, sans accabler ces derniers, il déchargea Moïse d’occupations graves et épineuses. En effet mille hommes étant confiés à la conduite d’un seul, qui avait au-dessous de lui, dix, vingt et cent autres chefs, il arrivait nécessairement que chacun de ceux-ci avait à peine de quoi juger. On découvre aussi dans ce passage un exemple d’humilité dans là personne de Moïse : favorisé d’entretiens particuliers avec Dieu, il ne conçut point de dédain ni de mépris pour le conseil que lui donnait un étranger, son beau-père. Cependant, comme Jéthro n’était pas Israélite, faut-il le compter aussi bien que Job, étranger aussi à ce peuple, parmi les adorateurs du vrai Dieu et les sages éclairés par la religion ? Cette question mérite d’être posée et parait devoir être résolue affirmativement. Il est vrai que le texte ne dit pas clairement s’il a sacrifié au vrai Dieu parmi son peuple, quand il vit son gendre, ou si c’est Moïse qui l’a adoré ; mais quand même on dirait positivement que Moïse l’adora, l’honneur rendu par lui à son beau-père n’eût différé en rien des marques de respect familières aux patriarches à l’égard des hommes : ainsi est-il dit qu’Abraham adora le fils de Chet[1]. Quant aux γραμματοεισαγωγεῖς, que le texte désigne après les décurions, il n’est pas facile de savoir ce qu’ils étaient : car ce nom est tout à fait inusité parmi ceux qui exercent nos charges ou nos emplois. Quelques-uns le traduisent par doctores, docteurs, comme si l’on disait : maîtres des lettres, qui introduisent la connaissance des lettres ; c’est le sens du mot grec. On voit par là que les Hébreux avaient une littérature, avant la publication de la Loi : mais quand a-t-elle commencé, je ne sais s’il est possible de s’en assurer. Car il en est qui pensent que l’usage des lettres remonte aux premiers hommes, qu’elles passèrent à Noé, de lui aux ancêtres d’Abraham, et ensuite au peuple d’Israël : mais comment en établir les preuves, je l’ignore.


LXX. (Ib. 19, 1-11.) Sur les cinquante Jours écoulés entre la Pâque et la publication de la Loi.
– « Le troisième jour du troisième mois depuis la sortie de l’Égypte, les enfants d’Israël vinrent au désert de Sina ; ils étaient partis de Raphidin, et étant arrivé au désert de Sina, Israël campa au pied de la montagne ; et Moïse monta sur la montagne de Dieu, et le Seigneur l’appela du haut de la montagne, et lui dit : Voici ce que tu annonceras aux enfants d’Israël », etc. Et un peu plus loin : « Descends, et parle au peuple, et purifie-le aujourd’hui et demain, qu’ils lavent leurs vêtements, et qu’ils soient prêts pour le troisième jour. Car dans trois jours le Seigneur descendra sur le mont Sina, en présence de tout le peuple. » C’est en ce jour, comme on le voit par la suite du récit [2], que fut donnée la Loi, écrite du doigt de Dieu.surdes tables de pierres. Or, il est constant que ce jour est le troisième du mois depuis la sortie d’Égypte. On compte donc cinquante jours depuis celui où les Israélites célébrèrent la Pâque par l’immolation et la manducation de l’agneau, c’est-à-dire, depuis le quatorzième jour du premier mois, jusqu’à celui où la Loi fut publiée : savoir dix-sept jours qui restent du premier mois, en partant du quatorzième ; puis les trente jours du second mois, qui, réunis aux précédents, donnent quarante-sept ; et enfin les trois jours du troisième mois : ce qui fait cinquante jours à partir de la solennité de la Pâque. Ainsi l’ancien Testament était comme une ombre de l’avenir de même qu’il s’est écoulé cinquante jours entre la fête de l’immolation de l’agneau et la promulgation de la Loi par le doigt de Dieu ; de même.dansle nouveau Testament, où la Vérité même est apparue, on compte cinquante jours depuis la fête de l’immolation de Jésus-Christ, l’agneau immaculé, jusqu’au jour où le Saint-Esprit descendit des cieux[3]. Déjà précédemment nous avons dit[4], sur le témoignage de l’Évangile, que, par le doigt de Dieu, il faut entendre l’Esprit-Saint.


LXXI. (Ib. 20, 1-7) Division des préceptes du Décalogue.
1. On demande comment il faut classer les dix commandements de la Loi : y en a-t-il quatre, y compris le précepte du sabbat, qui aient Dieu pour objet ; et six qui regardent l’homme, en commençant par celui-ci : « Honore ton père et ta mère ? » Ou bien faut-il de préférence en admettre trois qui se rapportent à Dieu, et sept qui se rapportent à l’homme? Ceux qui s’en tiennent à la première clarification font un commandement, à part, de ces paroles : « Tu n’auras pas d’autre Dieu que moi » et un autre de celles-ci : « Tu ne te feras pas d’idoles, etc »

  1. Gen. 23, 7
  2. Ex. 31, 18
  3. Act. 2,1 ss
  4. Quest. XXV