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la piété qui devait présider à l’offrande d’Aaron, en quelque lieu d’ailleurs que le vase serait placé ?car où Dieu n’est-il pas ? Mais ce qui suit : « Et Aaron mit ce vase en réservé devant le tabernacle » fait préférer le premier sens. Car alors l’Écriture dit par anticipation ce qui s’est réalisé dans la suite, quand le tabernacle du témoignage fut érigé.
LXII. (Ib. 16, 35.) Sur la manne.
– « Or, les enfants d’Israël mangèrent de la manne pendant quarante ans, jusqu’à ce qu’ils.vinssentdans la terre qui est habitée. Ils mangèrent de la manne, jusqu’à ce qu’ils vinssent sur les confins de la Phénicie. » L’Écriture anticipe ; racontant par anticipation ce qui arriva dans la suite, elle dit ici que les enfants d’Israël n’eurent d’autre nourriture que la manne dans le désert. Car c’est le sens de ces mots : « jusqu’à la terre qui est habitée » c’est-à-dire, celle qui n’est déjà plus le désert. Ce n’est pas qu’ils aient cessé de manger de la manne, aussitôt qu’ils furent parvenus à la terre habitable ; mais ils n’ont pas cessé auparavant. On dit en effet que lorsqu’ils eurent opéré le passage du Jourdain, la manne ne tomba plus, et qu’ils mangèrent des pains du pays. Quand ils eurent atteint la terre habitable avant d’avoir traversé le Jourdain, ils purent donc vivre uniquement de manne, ou de manne et de pain : il est permis de le conjecturer, puisque, comme l’Écriture nous l’apprend, la manne cessa seulement de tomber après le passage du Jourdain. Mais pourquoi, au milieu des privations du désert, désirèrent-ils avoir des viandes, puisqu’ils emmenèrent à leur sortie d’Égypte des quantités considérables de troupeaux ? Cette question a de l’importance. Ne peut-on point dire que les pâturages du désert étant de moindre valeur, la fécondité de leurs animaux leur parut devoir en souffrir, et qu’ils épargnèrent leurs troupeaux, dans la crainte que tous venant à manquer, il, n’y eût plus même de victimes pour les sacrifices ? Ne pourrait-on encore, pour la solution de cette difficulté, trouver quelque autre explication ? On croit, avec plus de raison, qu’ils ne désirèrent point les viandes qu’auraient pu leur procurer leurs troupeaux, mais celles qui leur manquaient, c’est-à-dire la chair de poisson, car ils n’en trouvaient point dans ce désert : c’est pourquoi Dieu leur envoya des râles ; la plupart des traducteurs latins disent des cailles, quoique ces oiseaux, sans différer beaucoup, soient cependant d’espèces différentes. Dieu savait ce qui faisait l’objet de leurs désirs et l’espèce de viande qui pouvait les rassasier. Mais l’Écriture ayant dit qu’ils désiraient des viandes, sans observer quelle sorte de viandes ils réclamaient, nous devions traiter cette question.
LXIII. (Ib, 16, 35.) Quelle est cette Phénicie dont parle l’Exode?
– « Ils mangèrent de la manne, jusqu’à ce qu’ils vinssent sur les confins « de la Phénicie. » Déjà l’auteur sacré avait dit « jusqu’à ce qu’ils vinssent dans la terre habitée » mais comme il n’avait pas indiqué expressément en quelle terre, il semble qu’il a voulu le dire en propres termes, dans ces mots : « sur les confins de la Phénicie. » Il y a lieu de croire que tel était alors le nom de ce pays ; mais aujourd’hui, on lui en donne un autre. Il est vrai que la réunion de Tyr et de Sidon s’appelle Phénicie ; mais nous ne lisons pas que les enfants d’Israël aient passé par là. Cependant l’Écriture a pu donner le nom de Phénicie à la région où commençaient les palmiers, sur la limite du désert, parce que palmier en grec s’exprime de la même manière[1]. Au commencement du voyage, ils trouvèrent un lieu où étaient douze fontaines et soixante-dix palmiers ; après, commença pour eux la vaste solitude du désert, où rien de semblable ne leur apparut, jusqu’à ce qu’ils eussent atteint les ; régions habitées. Mais il est plus probable que ce pays portait à cette époque le nom de Phénicie. Car il en est de beaucoup de contrées et de pays comme des fleuves et des cités, qui dans la longue suite du temps, ont changé leurs noms antiques pour des raisons particulières.


LXIV. (Ib. 17, 5.) Supériorité de Moïse sur Aaron.
– « Le Seigneur dit à Moïse : Marche devant le peuple ; mène avec toi des anciens du peuple, et prends en ta main la verge avec laquelle tu as frappé le fleuve. » Suivant le texte, ce n’est pas Moïse, mais Aaron qui frappa le fleuve avec la verge. Moïse s’en servit pour diviser la mer, mais non le fleuve ; que signifient donc ces expressions : « Prends la verge dont tu as frappé le fleuve ? » Est-ce que l’Écriture donne le nom de fleuve à la mer ? Il faut chercher un exemple, s’il en est, d’une pareille manière de s’exprimer. Ou bien ce que faisait Aaron n’est-il pas attribué à Moïse, parce que Dieu donnait par l’intermédiaire de Moïse les ordres qu’Aaron exécutait ? À Moïse appartenait le commandement, à son frère l’exécution de ses ordres. Effectivement Dieu lui dit dès le principe à propos de ce dernier : « Il tiendra ta place auprès du peuple, et tu

  1. palmier.