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à la sortie de l’Égypte, et durée de leur servitude.
– « Or, les enfants d’Israël partirent de Ramsès pour venir à Socoth, au nombre de six-cent mille hommes de pied, sans compter les bagages, instructum » ou « les biens », s’il est permis de traduire ainsi l’expression grecque άποσχυἠν. Cette expression signifie, d’après l’Écriture, non-seulement ce qui peut être transporté, mais encore ce qui peut se mouvoir : car Juda, s’adressant à son père, lui dit : « Envoie l’enfant avec moi, et nous nous lèverons, pour aller chercher de quoi vivre et ne pas mourir, toi et nous, et ce que nous possédons[1]. » Or, le grec porte en ce passage le mot άποσχυἠν, que le latin rend par substantiam; nos interprètes le traduisent aussi quelquefois par censum, dans le sens que nous donnons ici à instructum, voulant qu’on entende par ce mot les hommes et les bêtes de somme, ou tous les animaux. Peut-on aussi entendre par là les épouses, je l’ignore, Cependant lorsque l’Écriture parle des six-cent mille hommes de pied et qu’elle ajoute : « à l’exception des bagages, ou du bien, ou de ce qu’ils possédaient » ou tout autre terme qui traduirait mieux άποσχυἠν, il est évident qu’elle marque par là les hommes, serviteurs, femmes ou jeunes gens encore incapables de servir, et que les six-cent mille hommes doivent s’entendre exclusivement de ceux qui étaient en état de porter tes armes.
Mais on demande ordinairement si les Hébreux ont pu former un si grand peuple, pendant les années que l’Écriture, attentivement examinée, montre qu’ils ont passées en Égypte. Et d’abord combien d’années y demeurèrent-ils ? Ce n’est pas une petite question. Car, à l’époque où Abraham offrit en sacrifice une vache de trois ans, une chèvre, un bélier, une tourterelle et une colombe ; avant même la naissance d’Isaac et d’Ismaël, Dieu dit à ce patriarche : « Sache bien que ta race demeurera dans une terre étrangère, et qu’elle y sera réduite en servitude et persécutée pendant quatre cents ans[2]. » Si donc on admet que ces quatre cents ans se rapportent à la servitude d’Égypte, on ne trouvera pas trop court le temps qui fut donné à l’accroissement de ce peuple. Mais l’Écriture atteste de la manière la plus évidente que la servitude des Hébreux ne dura pas un temps si considérable. Quelques-uns pensent qu’il faut compter quatre cent-trente ans; à partir de l’entrée de Jacob en Égypte jusqu’à la délivrance du peuple par le ministère de Moïse, attendu qu’il est écrit dans l’Exode : « Le temps d’exil que les enfants d’Israël passèrent dans la terre d’Égypte et dans la terre de Chanaan, eux et leurs pères, fut de quatre cent-trente ans. » Et ils veulent que la servitude ait duré quatre cents ans, parce qu’il est écrit dans la Genèse : « Sache bien que ta race demeurera dans une terre étrangère et qu’elle sera réduite en servitude et persécutée pendant quatre cents ans. » Mais comme les années de la servitude se comptent à partir de la mort de Joseph, car, de son vivant, les Hébreux régnèrent plutôt qu’ils ne furent esclaves, on ne voit pas comment il est possible de trouver quatre cent trente ans pour leur séjour en Égypte. En effet, quand Jacob entra dans cette contrée, son fils Joseph avait trente-neuf ans ; car il en avait trente lorsqu’il parut en présence de Pharaon[3], et commença d’administrer sous son, règne ; vinrent en suite les sept années d’abondance, et Jacob entra en Égypte avec ses autres enfants dans la seconde année qui les suivit[4]. Par conséquent Joseph était alors dans sa trente-neuvième année, et il mourut à l’âge de cent-dix ans[5] : il vécut donc en Égypte, depuis l’arrivée de son père, soixante-et-onze ans : défalquons ce chiffre de quatre cent-trente, il restera, en prenant pour point de départ la mort de Joseph, non plus quatre-cent, mais trois cent cinquante-neuf ans de servitude. Et si nous croyons devoir compter depuis l’époque où Joseph commença de régner sous Pharaon, en sorte qu’Israël serait censé être entré en Égypte au temps où son fils fut élevé au faîte du pouvoir, dans cette hypothèse ou ne trouverait même que trois cent-cinquante ans. Tychonius veut que ce chiffre soit mis pour quatre cents, en prenant la partie pour le tout, c’est-à-dire cinquante pour le chiffre rond cent, et il fait voir, par des exemples, que l’Écriture emploie communément cette manière de parler[6]. Dans l’hypothèse un peu plus probable, que Jacob serait censé descendu en Égypte quand Joseph y fut vendu, il faudrait encore soustraire treize années, et alors on aurait trois cent trente-sept, au lieu de quatre-cent. L’Écriture rapporte encore que Caath, fils de Lévi, aïeul de Moïse, entra en Égypte avec Jacob, son grand-père[7] ; et elle dit qu’il y vécut cent trente ans[8], et son fils Ambram, père de Moïse, cent trente-sept ; enfin que Moïse avait quatre-vingts ans, lorsqu’il délivra son peuple de l’Égypte[9] : or, quand même

  1. Gen. 43, 8
  2. Gen. 15, 13
  3. Gen. 41, 46
  4. Id. 45, 6
  5. Id. 50, 22-25
  6. Tychonius, in Regular. Lib.
  7. Gen. 46, 11
  8. Ex. 6, 18, 20
  9. Id. 7, 7